(BFM Bourse) - Le spécialiste de la vidéo à la demande carbure en Bourse au point d'évoluer dans le top 20 mondial des plus importants groupes cotés au monde. La société a de grandes ambitions et compte dépasser les 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière, selon le Wall Street Journal. Place-t-elle la barre trop haute?
Assurément, Netflix constitue l'un des grands cartons de Wall Street cette année. Le spécialiste de la vidéo à la demande s'adjuge 46,3% depuis le 1er janvier et 90% sur un an. Cette performance n'a rien à envier à celles des "Sept magnifiques" de Wall Street (Alphabet, Amazon, Apple, Nvidia, Microsoft, Meta, Tesla). À titre de comparaison, Nvidia prend 15,20% en 2025 et 24,2% sur un an et Meta s'adjuge 20% en 2025 et 41% sur un an*.
Netflix récolte les fruits de ses initiatives pour monétiser davantage son audience tout en l'élargissant (introduction des offres avec publicité fin 2022, interdiction des partages de comptes en 2023).
"Quelques thèmes clés sont clairs pour les activités de Netflix: concentration continue sur le renforcement de son positionnement concurrentiel dans le streaming long format (y compris l'augmentation de l'exposition au divertissement en direct), augmentation continue de ses efforts publicitaires, accent sur l'exécution des augmentations de prix dans les marchés clés et maintien d'un équilibre entre l'augmentation des investissements dans le contenu, l'expansion de la marge d'exploitation et le retour du capital aux actionnaires", énumérait Goldman Sachs en janvier.
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Netflix a "gagné la guerre du streaming"
Netflix a notamment élargi son offre pour la diversifier vers le sport. La société acquis les droits du match de boxe entre l'ancienne gloire des rings Mike Tyson et le vidéaste Jake Paul, duel qui a avait rassemblé 108 millions de téléspectateurs en cumul. À l'hiver dernier, la plateforme a diffusé deux matchs de la NFL, la célèbre ligue de football américain, lors de la journée de Noël. Selon la société Nielsen, ces deux matchs ont tout simplement été les plus regardés en streaming dans l'histoire des États-Unis, avec près de 65 millions de spectateurs.
Les résultats financiers ont suivi. Les comptes du quatrième trimestre 2024, publiés fin janvier dernier, ont fait état de recrutement d'abonnés record, à 18,9 millions d'unités. Même durant la pandémie, la société n'avait pas gagné autant de clients. Les revenus et le bénéfice par action avaient également dépassé les attentes, 15 milliards de dollars de rachats d'actions avaient été annoncés, et l'action avait pris 9,6% dans la foulée.
Les résultats du premier trimestre sont restés sur cette bonne tendance, avec un bénéfice par action supérieur aux attentes et des perspectives qualifiées "d'encourageantes" par Bank of America. Ce même si la société a désormais arrêté de publier, chaque trimestre, ses recrutements d'abonnés.
Netflix a "déjà gagné la guerre du streaming", a déclaré en avril à Bloomberg Peter Supino, de Wolfe Research. "Nous pensons qu'ils sont en train de définir le futur", a-t-il ajouté.
Au point que le groupe fait déjà partie du gratin boursier. Selon companiesmarketcap.com, Netflix se situe à la 18e place des plus importants groupes en Bourse au monde, avec une capitalisation boursière de 568 milliards de dollars.
Le groupe ne compte pas en rester là. En avril, le Wall Street Journal avait rapporté des ambitions partagées par la direction lors d'une réunion interne. L'état major du groupe envisageait de doubler les revenus à l'horizon 2030 et d'atteindre une capitalisation boursière de 1.000 milliards de dollars . Ce qui serait possible, notamment, en augmentant la pénétration dans les marchés émergents, comme l'Inde ou le Brésil, rapportait le quotidien des affaires.
La question de la valorisation
Franchir la barre des 1.000 milliards de dollars permettrait au groupe de rentrer dans un club pour l'heure très select, qui ne compte qu'une douzaine de sociétés. Ce qui inciterait probablement les investisseurs à considérer Netflix comme un nouveau membre des "Sept magnifiques" (sachant que Broadcom frappe déjà à la porte).
Mais la société ne voit-elle pas trop gros? Bank of America, à l'achat sur la valeur, a relevé en mai son objectif de cours sur la société. "Netflix a été l'une des entreprises les plus performantes de notre couverture, et nous continuons de penser qu'elle est bien positionnée pour l'avenir", écrivait la banque.
L'établissement mettait alors en avant son catalogue de sorties prometteur pour le second semestre 2025, parmi lesquelles la nouvelle saison du la série de jeu de massacre coréenne Squid Game (arrivée le 27 juin sur la plateforme) la nouvelle saison de Wednesday, un spin-off de la Famille Adams, la nouvelle saison de Stranger Things ou encore le film de Guillermo del Toro Frankenstein. L'établissement considère que la société bénéficie d'une "avenue de croissance", grâce notamment à des "opportunités importantes" dans la publicité.
Mais son objectif de cours de 1.490 dollars n'accorde qu'un potentiel de 14,9% au titre, qui porterait la capitalisation autour de 620-630 milliards de dollars.
Plus largement, si la grande majorité des analystes est à l'achat sur le titre (18 sur 31), selon investing.com, leur objectif de cours se situe sous le niveau actuel de l'action (1.176 dollars contre 1.337 dollars).
La valorisation de Netflix reste un sujet de débat. Charles Monot, de Monocle AM, a souligné la semaine dernière sur BFM Bourse que la capitalisation de groupes comme Microsoft ou Meta s'établissait entre 10 millions et 20 millions de dollars par employé, et autour de 15 millions pour une société comme Ferrari, contre 39 millions pour Netflix.
Un niveau injustifié, selon lui. "On se dit qu'il y a un marché qu'ils vont prendre, sauf qu'en fait ils l'ont déjà pris, ils sont présents dans deux maisons sur trois aux États-Unis, leur plus gros marché, ils ne vont pas pouvoir grossir davantage", soulignait l'expert. "C'est trop haut", insistait-il.
Début 2024, Netflix estimait que le marché des services de vidéos payants au sens large (en incluant les jeux vidéo) représentait 600 milliards de dollars, une manne dont il ne captait qu'une fraction (environ 5%). Le groupe soulignait aussi que sa part de marché dans le visionnage vidéo ne dépassait pas 10% dans les pays où il est présent.
Morningstar pointe également l'écueil de la valorisation. L'intermédiaire financier a récemment rehausse sa "juste valorisation" à 750 dollars contre 720 dollars, ce qui reste toutefois près de deux fois inférieur au cours actuel.
Morningstar avait alors effectué une analyse poussée qui a "renforcé (sa) croyance comme quoi le titre est survalorisé". Ce alors que l'intermédiaire financier juge que l'activité du groupe est "presque sans faille". Mais le marché a intégré des perspectives de croissance "irréaliste", fait valoir Morningstar.
À l'été dernier, le site Bestbrokers.com avait établi une liste des actions susceptibles de dépasser les 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Netflix était cité, mais le site écrivait que ce seuil ne pourrait être franchi qu'au cours des années 2030.
Surtout la méthodologie de Bestbrokers.com s'avérait simpliste. Elle se basait sur la hausse annuelle moyenne de l'action depuis 2022 et l'extrapolait sur de nombreuses années. Or penser que l'hyper-hausse de l'action Netflix se maintiendra dans les prochaines années relève de la gageure.
*Variations arrêtées à la clôture du jeudi 3 juillet