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Bien plus fort que Nvidia sur trois ans, Rolls-Royce est le phénix de la Bourse de Londres

dimanche 23 mars 2025 à 07h00
Rolls Royce carbure en Bourse

(BFM Bourse) - Le motoriste aéronautique affiche une progression de 39% depuis le début de l'année, et surtout d'environ 760% sur trois ans. Plombé par la pandémie, la société a fortement rebondi grâce à la reprise du trafic aérien mais aussi à la stratégie de son directeur général, Turfan Erginbilgic, à base de recentrage et de politique tarifaire réussie.

Si Luca de Meo, le directeur général de Renault, est souvent loué pour le redressement qu'il a opéré à la tête du groupe au losange, les qualificatifs manquent pour décrire la renaissance d'un autre industriel, Rolls-Royce. Le groupe aéronautique britannique (le constructeur automobile est lui détenu par BMW) présent sur les moteurs des avions gros porteurs (grosso modo la moitié de ses revenus) et la défense (un peu plus d'un quart) s'adjuge 39% depuis le début de l'année.

Le titre a été porté par des résultats supérieurs aux attentes, des ambitions de moyen terme revues à la hausse et des rachats d'actions.

L'exposition relativement élevée à la défense de Rolls-Royce - elle est supérieure à celle d'Airbus et de Safran - a également porté l'action, ce secteur étant clairement le grand gagnant en Bourse depuis le début de l'année. Ce en raison de la volonté des dirigeants européens de rehausser nettement leurs dépenses militaires, l'Allemagne au premier chef.

Bank of America note sur ce point que le réservoir de croissance du groupe dans la défense s'avère "très fort", citant notamment le moteur F130 pour l'avion militaire B-52 Stratofortress de Boeing ou encore le GCAP ("Global Combat Air Programme") l'initiative conjointe entre le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon, programme rival du SCAF d'Airbus, Dassault Aviation, Safran et MTU Aero.

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L'action sombre durant la pandémie

La performance boursière de Rolls-Royce impressionne surtout sur le moyen-terme. Sur trois ans, le titre prend près de 760%, une progression qui atomise celles des meilleurs élèves du CAC 40 (Hermès est à +106%, Safran à +141,8%) et qui met à l'amende les "Sept magnifiques" de Wall Street, Nvidia ne progressant "que" de 340% sur la même période.

Sans trop de surprise, cette hausse constitue en réalité un rebond, le titre Rolls-Royce étant descendu à des niveaux abyssaux.

Selon les données d'investing.com, l'action est tombée de plus de 1.000 pence (10 livres sterling) en octobre 2018 à 39 pence en octobre 2020. Le titre a ensuite évolué entre 70 et 150 pence environ jusqu'au début de 2023. L'action a, après, entamé son envol pour atteindre actuellement autour de 800 pence. Autrement dit, le titre a évolué en "U" depuis 2018. D'une poignée de milliards de livres au creux de la vague, sa capitalisation boursière est passée à près de 70 milliards de livres.

En 2024, ses revenus ont excédé leur niveau de 2019, et la société a dégagé plus de 2,29 milliards de livres de flux de trésorerie. "Rolls-Royce est la véritable histoire d'un phénix qui renaît de ses cendres", soulignait AJ Bell en décembre dernier.

Comme dit précédemment, Rolls-Royce est très exposé aux moteurs d'avions opérant sur des vols long-courrier, et plus particulièrement aux services d'après-vente, c'est-à-dire, par exemple, la réparation, la maintenance, la ventes des pièces détachées. Or ces métiers sont très dépendants du trafic aérien, puisque plus les cycles de vols des avions sont intenses, plus les visites en atelier sont fréquents, et plus la demande pour ces services est élevée.

Or la pandémie a cloué les appareils aux sols, a fortiori les gros porteurs, segment sur lequel la reprise post-Covid est (logiquement) survenue plus tardivement que pour les monocouloirs.

En 2020, les revenus de la société britannique ont chuté de près de 30%, et le groupe a brûlé 4,2 milliards de livres de cash. Rolls-Royce en consommera encore 1,5 milliard de livres en 2021 avant de rebasculer dans le vert en 2022.

La société a été contrainte, en octobre 2020, d'annoncer un plan de recapitalisation de 5 milliards de livres, incluant une augmentation de capital de 2 milliards de livres, synonyme de lourde dilution pour ses actionnaires. Rolls-Royce avait également dû tailler dans ses effectifs, avec 9.000 suppressions de postes annoncées.

Un nouveau pilote qui change la donne

Avant la crise sanitaire, la société avait été pénalisée par d'autres vents contraires, tels que le Brexit, l'arrêt de la production de l'A380 dont il était l'un des fournisseurs des moteurs, et surtout des soucis techniques à répétition sur le Trent100, moteur qui équipe le 787 "Dreamliner" de Boeing. Le groupe a depuis investi lourdement pour résoudre ces problèmes sur Trent1000.

Rolls-Royce s'est donc remis d'équerre et son envol boursier a peu ou prou coïncidé avec l'arrivée d'un pilote: Tufan Eginbilgic. Cet ingénieur de formation a travaillé au sein de la division de carburants d'aviation chez BP ainsi que chez le fonds spécialisé dans les infrastructures GIP. Le Britannico-Turc a débarqué le 1er janvier 2023 chez Rolls-Royce, prenant la tête d'une grande entreprise à l'âge de 63 ans.

Le dirigeant a ensuite mis en place une stratégie destinée à relancer la rentabilité et la génération de trésorerie de la société.

Il décide de recentrer Rolls-Royce, en annonçant un programme de cessions d'actifs d'1 milliard à 1,5 milliards de livres mais aussi en fermant une start-up, et en s'écartant des technologies à hydrogène pour se concentrer sur les carburants durables.

Le dirigeant actionne plusieurs leviers pour améliorer la collecte du cash et la rentabilité des contrats à long terme (LTSA) pour les services, avec notamment une augmentation des revenus tirés des contrats en heures de vols sur les moteurs civils. L'an passé, ces contrats en heures de vols ont d'ailleurs dépassé leur niveau de 2019 (104%).

Cette amélioration est notamment passée par la négociation de meilleurs termes dans ces contrats (et donc des prix plus favorables) auprès des clients, une certaine rigueur dans les conditions et l'exécution de ces contrats, mais aussi des réductions sur les coûts de maintenance, note le bureau d'études indépendant Alphavalue.

Ces initiatives ont donc été couronnées de succès. "Tufan Erginbilgic, à la tête de Rolls Royce depuis janvier 2023, a mis en œuvre une stratégie de restructuration réussie qui a permis d'améliorer les marges et l'efficacité opérationnelle", a résumé Alphavalue, dans une note publiée en début d'année.

"En allongeant le 'time on wing' (un indicateur de fiabilité d'un moteur, NDLR), en renégociant les contrats et en dissociant les composants clés afin d'obtenir une plus grande valeur, Rolls-Royce transforme son activité d'après-vente en une activité plus rentable" poursuit le bureau d'études.

"Sous la direction du directeur général Tufan Erginbilgic, Rolls-Royce s'est repositionnée en tant que leader de l'aérospatiale et de la défense, financièrement solide, à marge élevée et riche en liquidités (…) L'entreprise a bien exécuté les améliorations commerciales, les contrôles des coûts et le renforcement de son bilan" abonde Morningstar.

Encore du potentiel?

Un succès qu'AJ Bell tempère un tout petit peu. En parallèle des initiatives de son directeur général, Rolls-Royce a aussi bénéficié sur la période de la puissante reprise du trafic aérien. Pour donner un ordre d'idée, selon l'IATA, le trafic international, celui des vols long-courriers, bondit de 41,6% en 2023, pour atteindre 89% de son niveau de 2019, après 62% en 2021. En 2024, ce trafic dépassera même de 0,5% son niveau de 2019 pour atteindre un nouveau record.

Par ailleurs, "après avoir déçu pendant des années sur la génération de trésorerie, Warren East (patron du groupe de 2015 à 2022, NDLR) a jeté les bases d'une gestion plus rigoureuse de Rolls-Royce, mais c'est son successeur, Tufan Erginbilgiç, qui s'est couvert de gloire pour ce grand redressement", ajoute AJ Bell.

Après ce rallye, Rolls-Royce peut-il encore progresser en Bourse? "Si les progrès opérationnels sont indéniables, la valorisation devient un point d'interrogation" et laisse "moins de place à l'erreur", prévient Alphavalue. Le bureau d'études estime que les investisseurs pas encore embarqués sur l'action n'ont pas vraiment de raison de monter à bord. "Toute déception inattendue pourrait entraîner une correction rapide", prévient encore Alphavalue.

Bank of America est, de son côté, à l'achat. "Rolls Royce bénéficie d'une forte reprise des voyages internationaux et de la renégociation des prix, ce qui entraîne une forte croissance du flux de trésorerie libre", écrit la banque. Bank of America juge, par ailleurs, la valorisation "attrayante", parmi les moins chères du secteur.

UBS recommande également d'acheter le titre, car elle estime que le marché aura davantage confiance du plan de vol de la direction au fur et à mesure que la société rapprochera sa rentabilité de celle de ses pairs. La banque suisse estime que la marge opérationnelle des services civils de la société pourrait atteindre autour de 20% en 2028 (contre 16,6% en 2024), pour se rapprocher de celle de Safran (20,6% dans sa division propulsion en 2024).

Jefferies et Deutsche Bank sont également à l'achat sur le titre et, plus largement, 12 des 17 bureaux d'études suivant l'action recommandent de l'acquérir, selon investing.com.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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