(BFM Bourse) - La fin du partenariat avec le chanteur controversé, effectuée l'an passé, pourrait retrancher 1,2 milliard d'euros de ventes sur l'exercice en cours. Et les autres prévisions pour 2023 inquiètent le marché.
Adidas livre une bien mauvaise publication au marché, quelques mois après avoir coupé les ponts avec Kanye West , à la suite de ses déclarations antisémites sur les réseaux sociaux.
L'équipementier sportif avait ainsi décidé en octobre de stopper la production des articles de la marque Yeezy, objet d'un partenariat avec le rappeur depuis 2014.
Hasard du calendrier, tout ceci est survenu alors que le groupe cherchait un nouveau directeur général, qu'il a finalement trouvé fin 2022. L'élu se nomme Bjørn Gulden, ancien sportif de haut niveau à la fois en football et en handball, et surtout transfuge du petit frère et rival d'Adidas, Puma.
C'est ce même Bjørn Gulden qui s'est livré jeudi soir à un exercice assez courant chez les nouveaux dirigeants: donner des prévisions très prudentes et faire ainsi le grand le ménage dans les comptes pour pouvoir ensuite offrir de bonnes surprises au marché. En conséquence, les objectifs communiqués pour 2023 s'avèrent très peu engageants.
Repli des ventes en 2023
Adidas a prévenu que s'il ne parvenait pas à écouler les stocks de produits Yeezy qu'il lui reste, ses ventes seraient pénalisées à hauteur de 1,2 milliard d'euros de revenus et son bénéfice opérationnel à hauteur de 500 millions d'euros de bénéfice opérationnel sur 2023. Sur cette base, Adidas s'attend à ce que ses ventes hors effets de change accusent cette année un repli "high single digit", c'est-à-dire une baisse comprise entre 5% et 9%. Le résultat opérationnel sous-jacent, lui, est attendu tout juste à l'équilibre.
Pire, cet indicateur pourrait afficher une perte de 700 millions d'euros en raison de deux éléments supplémentaires. Premièrement, Adidas pourraient ne pas donner du tout d'avenir sous quelque forme que ce soit aux produits Yeezy existants. Ce qui se traduirait par une dépréciation totale des stocks, avec un impact additionnel de 500 millions d'euros au niveau du résultat opérationnel. En sus, Adidas pourrait enregistrer des coûts exceptionnels supplémentaires de 200 millions d'euros, liés à une revue stratégique destinée à "ré-enflammer sa croissance".
"Comme la plupart des nouveaux directeurs généraux, il a décidé de mettre la barre basse en terme de résultats, faisant preuve de prudence pour ainsi s'éviter un autre avertissement sur résultats au début de son mandat", souligne Stifel.
A la Bourse de Francfort, Adidas souffre, chutant de 11,6% vers 16H, à 137,30 euros. Mais il semble que les investisseurs ne soient pas seulement préoccupés par l'impact de Yeezy, qui reste un élément exceptionnel, et plus ou moins déjà anticipé par le marché. "Nous sommes plus préoccupés par la situation sous-jacente", souligne Stifel, qui s'inquiète de "l'ampleur de la prudence incorporée dans les prévisions pour 2023".
Deutsche Bank souligne qu'il était attendu qu'Adidas prenne le marteau pour taper sur ses prévisions. Mais pas aussi fortement, puisque le consensus attendait un résultat opérationnel pour 2023 à 1 milliard d'euros, et ce en incluant donc les impacts négatifs de Yeezy.
"Nous nous attendons à voir les prévisions d'EBIT (résultat opérationnel) du consensus pour 2024 et 2025 baisser de plus de 20%, avec une réaction similaire du cours de l'action", a anticipé la banque allemande dans une note publiée avant l'ouverture du marché.
La réanimation prendra du temps
Même son de cloche chez Royal Bank of Canada qui dit avoir "été pris à revers" par la faiblesse des performances sous-jacentes que suggèrent les prévisions de la société. La banque canadienne estime qu'hors impact de la sortie de Yeezy, les ventes du groupe devraient accuser un recul hors effet de changes,"low-mid single digit", soit une baisse située entre 1% et 4%.
A ces perspectives délétères s'ajoutent la publication préliminaire de résultats 2022 en chute libre. Les ventes ont, certes progressé de 1%, hors effet de changes. Mais la marge est descendue à 3% contre 9,4% en 2021 et le bénéfice net a été divisé par près de six, à 254 millions d'euros. "Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Actuellement, nous ne sommes pas aussi performants que nous le devrions", a reconnu Bjørn Gulden, PDG d'Adidas qui évoque "une année de transition".
Mais les années de transition peuvent parfois se prolonger… "Cette publication peut constituer un retour à la réalité pour le marché. Bien que nous pensions que le directeur général, Bjørn Gulden, soit la bonne personne pour redresser la marque, nous n'attendons pas de premiers signes avant le deuxième semestre 2024", prévient ainsi UBS. "Il y a beaucoup à faire" chez Adidas "ce qui prendra du temps", appuie Royal Bank of Canada.