(BFM Bourse) - La banque de la rue d'Antin a annoncé un programme de rachats d'actions ce mercredi de 1,15 milliard d'euros et a surtout relevé sa cible de ratio de solvabilité CET 1 à l'horizon 2027 pour le porter à 13%. Ce qui apaise les craintes du marché sur la génération de capital du groupe.
Depuis maintenant un mois, BNP Paribas est enlisé dans un bourbier judiciaire, à savoir le dossier du litige soudanais.
Mi-octobre, un jury populaire de New York a condamné la banque à verser 20,75 milliards de dollars de dommages et intérêts à trois réfugiés soudanais après avoir été jugée complice d'exactions.
La Bourse a paniqué, non pas en raison du verdict à proprement parler mais des estimations de plusieurs milliards de dollars (jusqu'à 10 milliards selon Bloomberg) du coût d'un potentiel accord transactionnel ("settlement") avec d'autres plaignants. Car au-delà des trois personnes indemnisées, le nombre de réfugiés pouvant ester en justice a été estimé autour de 23.000 par les avocats des plaignants.
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Le ratio CET 1 en question
BNP Paribas a fermement contesté le jugement, le qualifiant de "manifestement erroné", et a décidé de faire appel. La banque a aussi prévenu le marché qu'extrapoler le verdict du jury de New York n'avait pas de sens.
Depuis cet épisode, l'action a perdu 10% (à la clôture de mercredi). En raison de l'énorme incertitude causée par ce litige, Deutsche Bank et Barclays ont toutes deux abandonné leur conseil à l'achat sur le titre.
UBS soulevait un point crucial. La banque soulignait que le risque lié à ce dossier conduisait "le marché à se focaliser sur les cibles" de ratio CET 1 (qui rapporte les fonds propres à l'encours pondéré des risques, NDLR) de la banque "encore une fois". La banque suisse écrivait que certains investisseurs avec lesquelles elle a échangés aimeraient que BNP ait un ratio plus élevé et s'engage avec plus de force sur des rachats d'actions plutôt que sur des acquisitions ou sur la croissance organique.
C'est exactement ce qu'a annoncé l'établissement, ce jeudi 20 novembre. Dans un communiqué, la banque de la rue d'Antin a communiqué sur ses objectifs de moyen terme.
L'établissement a, justement, relevé sa cible de ratio CET 1 pour le porter à 13% en 2027 contre 12,5% précédemment.
Des rachats d'actions
"Cette progression repose sur l’effet combiné de trois leviers: l’amélioration de la profitabilité du groupe et son impact positif sur la génération organique de capital, la croissance modérée des actifs pondérés estimée à environ 2% par an, et l’accélération des cessions d’actifs non stratégiques", explique la banque.
La société a, par ailleurs, confirmé cibler un retour sur fonds propre tangibles (ROTE), qui rapporte le bénéfice net aux fonds propres retraités de certains éléments, de 13% en 2027, en hausse de 2,1 points de pourcentage par rapport à 2024.
"La discipline sur les coûts restera centrale", remarque Jefferies. BNP Paribas a, en ce sens, indiqué viser un coefficient d'exploitation (les charges divisées par le produit net bancaire, équivalent du chiffre d'affaires chez les banques) de 61% en 2026 puis 58% en 2025, après 61,8% en 2024.
"La trajectoire de croissance et de rentabilité du groupe à l’horizon 2028 sera précisée lors de la publication des résultats 2025. Le plan 2027-2030 sera présenté début 2027", a également annoncé l'établissement.
Concernant le retour à l'actionnaire, la banque a indiqué que la quote-part de l’excédent de capital au-delà du ratio CET1 de 13 % destinée à être redistribuée à ses porteurs serait déterminée à chaque fin d’année.
Cerise sur le gâteau, le groupe lancera au cours du mois un programme de rachat d'actions de 1,15 milliard d'euros en anticipation de la distribution des résultats au titre de 2025. La Banque centrale européenne (BCE), superviseur des banques de la zone euro, a autorisé cette action.
À la Bourse de Paris, l'action BNP reprend des couleurs, le titre prenant 5% vers 11h et signant de loin la plus forte hausse du CAC 40.
"Ce sont les choses que le marché veut entendre"
UBS estime que BNP Paribas "donne aux gens ce qu'ils veulent". "Ce sont les choses que le marché veut entendre", insiste la banque suisse.
"Ces annonces correspondent à ce que le marché souhaitait voir: un engagement en faveur d'une faible croissance des actifs pondérés en fonction des risques, un engagement à restituer le capital excédentaire aux actionnaires par le biais de rachat d'actions, une plus grande flexibilité dans la gestion du portefeuille d'activités, inversant dans une certaine mesure ce qui semblait être, vu de l'extérieur, la recherche de la taille plutôt que du rendement des capitaux propres dans la stratégie du groupe", énumère l'établissement suisse.
Pour Jefferies, la volonté de la banque d'atteindre un ratio CET 1 de 13% constitue "un tournant significatif pour la perception des investisseurs", ainsi qu'une "déclaration claire de force".
"BNP répond aux inquiétudes du marché en relevant son objectif CET 1 au niveau de ses pairs, en actualisant son plan de distribution afin de distribuer potentiellement davantage de capital, en redéfinissant ses objectifs de coûts en termes de ratio coûts/revenus et en essayant d'envoyer un message de confiance sur le capital en avançant son programme de rachat d'actions pour l'exercice 2025", constate de son côté Royal Bank of Canada.
"Toutes ces mesures sont les bienvenues et témoignent d'un engagement fort" mais l'exécution demeurera "essentielle, en particulier en ce qui concerne le plan de distribution du capital, compte tenu de l'épée de Damoclès créée par le litige (soudanais, NDLR) en cours", poursuit la banque canadienne.
