(BFM Bourse) - La structure cotée de la banque mutualiste a annoncé lundi avoir pris 7% du capital du groupe de paiements qui est également son partenaire. Si cette décision renforce les liens entre les deux groupes, elle risque également de refroidir de potentiels acquéreurs.

La rumeur circulait depuis fin 2023, via les indiscrétions de l'agence de presse Bloomberg. Elle est désormais réalité: Crédit Agricole SA, entité cotée de la banque Crédit Agricole, a annoncé lundi détenir 7% du capital du groupe de paiements en difficulté Worldline.

Crédit Agricole SA n'a pas précisé le montant déboursé pour construire cette participation. Avec une capitalisation d'environ 3,7 milliards d'euros à la clôture de vendredi, cette part de 7% vaudrait environ 260 millions d'euros. La banque a tout juste indiqué que cette transaction devrait avoir un impact inférieur de 10 points (0,10%) de base sur le ratio de capital CET 1 (pour simplifier les fonds propres rapportés à l'encours pondéré des risques) de Crédit Agricole SA, qui s'élevait à 11,8% à fin septembre.

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Renforcer un partenariat

Crédit Agricole vole quelque peu à la rescousse de son partenaire. En avril dernier, les deux entreprises avaient en effet annoncé des négociations pour créer une co-entreprise proposant des services de paiements aux commerçants en France. Cette société commune à 50/50 (en réalité 50 plus une action pour Worldline) doit être opérationnelle en 2024. Les analystes jugeaient alors cette alliance prometteuse, l'un d'entre eux considérant que Worldline avait frappé "un grand coup".

Mais le groupe de paiement a depuis subi une descente aux enfers boursiers, avec un plongeon de son action de près de 59% sur une séance en octobre. Worldline avait alors publié une croissance décevante, sabré ses objectifs 2023 et mis de côté ceux de moyen terme. Une lourde déception qui est venue refroidir davantage un marché qui avait déjà fait preuve de désamour pour le secteur des paiements, ces récentes années. L'action Worldline chute de 66% sur un an.

"Avec cette opération, le groupe Crédit Agricole réaffirme sa confiance en son partenaire: une franchise solide, des technologies de premier plan et des capacités d’innovation reconnues, au service de ses clients", a expliqué la banque. Worldline a de son côté salué, dans un communiqué, l'entrée à son capital de son partenaire.

Du bon et du moins bon

A la Bourse de Paris l'action Worldline progresse sans s'enflammer, prenant 2% vers 15h après avoir atteint près de 6% en début de séance.

C'est que la décision de Crédit Agricole SA possède des vertus mais aussi des vices, du moins du point de vue des actionnaires minoritaires de Worldline.

Le lien capitalistique qui unit désormais les deux groupes renforce certainement leurs intérêts mutuels dans le succès de leur future et prometteuse coentreprise, note Stifel. L'entrée au capital de Crédit Agricole SA vient par ailleurs apporter un facteur de stabilité à l'action, dans la mesure où elle renforce son noyau dur d'actionnaires, aux côtés du groupe suisse SIX group (10,6% du capital) et de Bpifrance (4,4%).

Dernier point: avoir Crédit Agricole SA comme actionnaire de référence peut éventuellement aider Worldline dans le refinancement de sa dette, estime Stifel. "Si l'endettement de Worldline n'est pas un problème, le fait d'avoir une banque prêteuse en tant qu'actionnaire minoritaire pourrait néanmoins aider l'entreprise à obtenir de meilleures conditions", fait valoir l'intermédiaire financier.

Côté inconvénients, Stifel considère que cette opération renforce la direction actuelle de Worldline. "Bien que cela puisse être considéré comme un élément positif, nous pensons que dans le contexte actuel, cela sera perçu négativement", juge le bureau d'études. De plus, Stifel redoute que cette entrée au capital refrène la volonté d'autres banques françaises que Crédit Agricole de vendre à Worldline leurs activités de services de paiements aux commerçants.

Un répulsif pour les prédateurs?

Enfin et non des moindres, en prenant 7%, Crédit Agricole SA vient probablement calmer les ardeurs de prédateurs. Ce qui est peut-être d'ailleurs le but de la manoeuvre, Reuters ayant rapporté la semaine dernière que le groupe de paiements avait recherché des conseils auprès de banques pour éviter qu'un chevalier noir sorte de l'ombre.

Stifel note ainsi que l'arrivée au capital de Crédit Agricole SA "constitue une nouvelle décision destinée à dissuader d'éventuelles OPA (offre publique d'achat) hostiles".

Cela veut donc dire que le caractère spéculatif de Worldline et donc la probabilité d'un rachat, synonyme de prime de valorisation pour ses actionnaires, s'affaiblit. En conséquence Stifel considère que l'annonce de ce lundi s'avère "dans l'ensemble légèrement négative pour les actionnaires minoritaires".

"Si cette entrée au capital est une marque de confiance et solidifie le partenariat stratégique, l’opération réduit également l’intérêt spéculatif, notamment dans un scénario de rachat par un fonds de "private equity (société de capital-investissement, NDLR)", décortique de son côté Invest Securities.

"En revanche, cette entrée au capital ne remet pas en cause selon nous le scénario d’une fusion avec (l'italien) Nexi à moyen terme – long terme", poursuit Invest Securities. "Reste désormais à ce que la revalorisation boursière de Worldline s’enclenche pour que les deux groupes, et particulièrement le français, envisage de discuter", poursuit le bureau d'études.

Morgan Stanley, de son côté, ne voit pas dans l'annonce de ce lundi, le moindre élément susceptible d'améliorer la génération de cash de Worldline et a en conséquence réitéré son conseil à "sous-pondérer", équivalent de "vendre".