(BFM Bourse) - Le groupe de paiements a annoncé le départ de Gilles Grapinet, à la tête de la société depuis 2013, alors que la société a encore revu à la baisse ses perspectives pour 2024.

C'est probablement la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Fragilisé depuis près d'un an, Gilles Grapinet, directeur général de Worldline, va quitter le groupe de paiements.

La société a annoncé ce vendredi que son départ serait effectif le 30 septembre prochain. Gilles Grapinet avait pris la tête de Worldline en 2013, pilotant notamment le groupe au moment de son introduction en Bourse, en 2014. Sous sa direction, la société a rejoint le CAC 40 en mars 2020. Mais l'ex-filiale d'Atos en sortira en 2023.

Le conseil d'administration de l'entreprise s'est mis à la recherche d'un nouveau directeur général, en évaluant les candidatures internes et externes. Dans l'intervalle, Marc-Henri Desportes, directeur général délégué, assurera l'intérim à la tête de la société.

La journée dédiée aux investisseurs et initialement programmée le 26 novembre est par ailleurs reportée, "afin de permettre au nouveau (et donc futur, NDLR) directeur général de contribuer au processus de définition de la stratégie", a précisé l'entreprise.

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Une dépendance à la conjoncture

Cette annonce survient concomitamment à un nouvel abaissement des perspectives pour 2024. Worldline anticipe désormais une progression de ses revenus de 1% en données comparables, une croissance "qui pourrait augmenter si les conditions économiques s'améliorent", indique la société. L'entreprise comptait précédemment faire progresser ses revenus de 2% à 3% en données comparables.

La société prévoit de dégager un excédent brut d'exploitation ajusté d'environ 1,1 milliard d'euros contre une fourchette d'1,13 milliard à 1,17 milliard d'euros. Par ailleurs, le groupe compte générer un flux de trésorerie disponible de 200 millions d'euros contre 230 millions précédemment.

"Au cours de l’été, Worldline a connu un ralentissement de l’activité, ainsi qu’une sous-performance spécifique dans ses activités de la région Pacifique et sur certains verticaux de l’activité global online, comme par exemple le travel (les voyages, NDLR)", a expliqué l'entreprise.

Ce n'est pas un avertissement sur résultats gigantesque dans l'absolu. Mais ce "profit warning" survient alors que la société avait déjà abaissé ses objectifs pour 2024 en juillet, lors de la publication de ses résultats semestriels.

Et il y a bientôt un an - le 25 octobre 2023 -Worldline avait perdu 59% sur une seule séance, un record pour un groupe du CAC 40, à la suite d'un autre lourd avertissement sur résultats. La société s'était retrouvée sous pression, Crédit Agricole SA, partenaire commercial de la société, avait volé au secours de l'entreprise en prenant une participation de 7%, et des investisseurs activistes (Bluebell Capital, Harris Associates) avaient réclamé des changements de gouvernance.

Une future proie?

Autrement dit, les déconvenues se sont succédées pour Worldline. L'entreprise souffre de son caractère cyclique, son activité étant très liée aux volumes de dépenses des ménages et donc de la consommation. De plus, Worldline évolue dans une industrie de coûts fixes ou les revenus sont dégagés via des petites commissions mais sur des volumes de transactions gigantesques. Autrement dit, un retournement de conjoncture peut aisément faire vaciller sa rentabilité.

Or la conjoncture demeure atone en Europe, surtout en Allemagne, pays auquel Worldline est très exposé et qui avait été à l'origine de l'avertissement sur résultats de 2023. Son concurrent italien Nexi, davantage exposé à une économie transalpine plus vigoureuse, souffre moins.

"La pression sur la direction était de plus en plus forte au regard des contre-performances depuis deux ans et ce nouvel avertissement sur résultats a semble-t-il été fatal au CEO (directeur général, NDLR)", souligne Invest Secutities.

A la Bourse de Paris, l'action Worldline plonge encore de 17% vers 11h40.

"Le problème pour Gilles Grapinet c'est la séquence: il y a eu trop de profits warnings en moins d'un an. Personne ne peut tout anticiper mais il a pu pécher par excès d'optimisme. Là on a l'impression que le sol se dérobe sous leurs pieds", souligne un analyste.

Cet expert de marché rappelle que le désamour du marché remonte à l'automne 2021, après une journée dédiée aux investisseurs ratée. "Rétrospectivement, même si c'est facile de refaire l'histoire, ils ont trop promis et présenté la mariée comme trop belle, en tablant sur une croissance entre 9% et 11% par an", ajoute-t-il.

Pour la suite, cet expert estime que la société n'aura probablement pas d'autre choix que choisir un directeur général en externe, la crédibilité de l'équipe actuelle ayant été entamée.

Par ailleurs, des fonds de capital-investissement pourraient être attirés par la valorisation extrêmement faiblarde de Worldline qui vaut moins de 2 milliards d'euros en Bourse. "Potentiellement, il y a une déconnexion entre la valeur en Bourse de Worldline et ce que doit valoir la société si elle mène à bien Power 24 (son plan stratégique, NDLR)", juge-t-il.