(BFM Bourse) - Le secteur a connu une envolée l'an passé, porté par ce conflit. Des hausses de commandes ont été anticipées par le marché, même si certains obstacles demeurent encore dans l'esprit des investisseurs.
C'est certainement le secteur que le conflit en Ukraine, débuté il y a un an, a le plus (re) mis sur le devant de la scène: la défense. Pendant plusieurs années, ces valeurs ont été peu appréciées par le marché, avec pour principal motif de désamour une thématique jugée peu porteuse pour la gestion ESG (environnement, social, gouvernance, les critères extra-financiers), les investisseurs rechignant à placer des fonds dans des entreprises liées de près ou de loin à des armes.
Le conflit a néanmoins rebattu les cartes. Après l'éclatement de la guerre en Ukraine, "un re-rating (appréciation des multiples boursiers, NDLR) s'est observé sur le secteur de la Défense en Europe, qui s'échangeait en moyenne à 8 fois le bénéfice net attendu contre près de 12 fois aujourd'hui", explique Yan Derocles, analyste d'Oddo BHF.
Il en est ressorti des performances boursières impressionnantes. Thales a signé la plus forte hausse du CAC 40 en 2022 avec un bond de près de 60%, Dassault Aviation, le fabricant du Rafale, a pour sa part pris la tête du SBF 120, avec une progression de 66,5%. Le britannique BAE Systems a de son côté enregistré la plus forte progression du FTSE 100, l'indice phare de la Bourse de Londres, avec une hausse de plus de 50%. "L’année 2022 était une année pour jouer la défense en Bourse", résume Jefferies.
"Le secteur affichait une décote importante par rapport à ses fondamentaux et l'éclatement du conflit a constitué un réveil pour le marché en démontrant l’importance d’une défense nationale au moment où les budgets occidentaux étaient proches de leurs plus bas historiques", souligne Yan Derocles.
"Néanmoins tous les investisseurs n'ont pas réagi de la même façon. Si les anglo-saxons se sont renforcés vivement dans les groupes de défense européens, les gestionnaires européens ont mis du temps pour assouplir leur politiques d’exclusions et nombreux sont ceux qui ne se positionnent toujours pas sur les valeurs du secteur en raison de contraintes persistantes ", nuance l'analyste.
Des hausses de commandes
Un autre intermédiaire de marché estime lui "que cela commence à se détendre dans l'esprit des investisseurs, notamment allemands, les titres de la défense n'étant plus considérés comme des valeurs 'interdites'", alors que les positions étaient auparavant clairement arc-boutées".
"On comprend tout doucement que la défense n'est pas une notion totalement incompatible avec les notions ESG car elle participe au maintien de la sécurité dans le monde", ajoute-t-il.
Le marché a anticipé des hausses de commandes qui se sont en partie matérialisées. Dans les jours qui ont suivi l'éclatement du conflit, l'Allemagne a annoncé vouloir consacrer 2% de son PIB aux dépenses militaires, contre 1,49% en 2021, selon l'OTAN, et a débloqué une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d'euros pour l'armée. Les Pays-Bas ont, eux, récemment annoncé, vouloir augmenter leurs dépenses d'approvisionnements militaires de 3,5 milliards d'euros sur les prochaines années, comme le rapporte Reuters.
"L'invasion russe de l'Ukraine a fourni le stimulus politique nécessaire pour accélérer les augmentations des budgets de défense qui étaient en cours depuis l'occupation russe de 2014 de la Crimée", a expliqué la banque UBS dans une récente note. L'établissement helvétique anticipe une progression annuelle des dépenses militaires hors Etats-Unis de 7% en moyenne sur la période 2022-2030 contre 3,2% en moyenne pour 2014-2021, une croissance selon elle sous-estimée à l'heure actuelle par le marché.
Un potentiel en partie absorbé
"Tous les groupes de défense vont structurellement bénéficier des hausses de commandes à venir dans le secteur, avec dans un premier temps une accélération sur les activités à cycle court comme les munitions, les missiles ou encore les véhicules terrestres. Mais l'ampleur dépendra de l’exposition géographique: l'Allemagne a subi une importante piqure de rappel, et augmente donc ses budgets militaires ce qui portera des groupes comme Hensoldt ou Rheinmetall", complète Yan Derocles. Rheinmetall, qui fournit des blindés à l’armée allemande, a vu son cours être multiplié par plus de 2 à la Bourse de Francfort l'an passé, tout comme Hensoldt, spécialisé notamment dans les capteurs militaires.
Evidemment une partie du potentiel boursier de long terme a déjà été absorbée par le marché. UBS privilégie désormais BAE Systems et Dassault Aviation par rapport aux autres titres pour miser sur la Défense La banque suisse considère que Thales est bien positionné à long terme mais juge que cet atout se reflète déjà dans le cours de l'entreprise.
Absence de soutien de la Commission européenne
Dernier changement notable provoqué par le conflit: la mise en sommeil des pressions et initiatives européennes pour créer une taxonomie sociale, c'est-à-dire une nomenclature pour orienter les investisseurs vers les produits considérés comme socialement "soutenables" ou un écolabel européen, qui mettraient à mal la défense.
"La Commission européenne et les Etats-membres ont, à plusieurs reprises, déclaré en 2022 qu’il fallait à la fois emmener l’économie vers la transition écologique, mais également financer l’industrie de défense, sans qu’une de ces deux priorités se fasse au détriment de l’autre", expliquait en janvier Bertrand Delcaire, directeur des relations investisseurs chez Thales. "Pour cette raison, le secteur de la défense est optimiste sur le fait que la mise en place de règles excluant la Défense des investissements durables n’aboutira pas ", poursuivait-il.
"Toutefois, l’absence de soutien clair et explicite de la Commission européenne n’aide pas beaucoup l’industrie de défense, car en Europe, trop de grands investisseurs institutionnels préfèrent encore rester à l’écart du de ce secteur", ajoutait Bertrand Delcaire. "Même si progressivement des investisseurs se rendent compte qu’exclure la défense de leurs investissements ESG s’avère incohérent avec le besoin de protéger les nations européennes ", nuançait-il.
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