(BFM Bourse) - Le constructeur automobile a chuté de 14,26% jeudi à la clôture de Wall Street après que les deux hommes se sont violemment querellés, effaçant plus de 150 milliards de dollars de capitalisation boursière. Donald Trump a menacé de retirer toutes les subventions et contrats dont les sociétés de Musk bénéficient. Les investisseurs, eux, redoutant que l'avenir du véhicule autonome chez Tesla soit remis en cause.

De la "bromance" à la rupture. Elon Musk, le directeur général de Tesla et de Space X, et le président américain, Donald Trump, se sont violemment invectivés dans la soirée de jeudi à vendredi.

Cette joute a achevé de marquer le divorce entre le républicain et l'homme d'affaires, soutien très vocal de Donald Trump durant la campagne présidentielle, au point d'apparaître dans ses meetings pour galvaniser les foules.

Elon Musk avait ensuite rejoint l'administration en entrant dans le très officieux "DOGE", un organe censé réduire massivement les dépenses de l'état fédéral américain. L'homme le plus riche du monde a quitté le "DOGE" la semaine dernière, non sans critiquer auparavant le projet de loi de budgétaire de Donald Trump.

Musk a remis le couvert cette semaine, qualifiant ce texte d'"abomination répugnante". C'est cette nouvelle sortie qui a provoqué le violent échange avec Donald Trump. Le président américain a déclaré jeudi soir qu'Elon Musk connaissait le projet de loi "mieux que quiconque".

Et qu'il n'avait pas de problème avec le texte jusqu'à ce qu'il découvre que l'administration Trump prévoyait de supprimer l'"EV mandate" de Joe Biden, un cadre non contraignant de transition vers le véhicule électrique qui prévoit une cible de 50% de véhicules électriques vendus aux États-Unis en 2030.

Elon Musk a assuré que ces déclarations étaient fausses et qu'il ignorait tous de ce projet de loi.

L'échange, relativement cordial à ce stade, a vite dégénéré. Sur Social Truth, Donald Trump a menacé de supprimer les subventions et les contrats dont bénéficient les entreprises d'Elon Musk.

"Le moyen le plus simple d'économiser de l'argent dans notre budget, des milliards et des milliards de dollars, est de mettre fin aux subventions et aux contrats gouvernementaux d'Elon. J'ai toujours été surpris que Biden ne l'ait pas fait !", a-t-il exactement déclaré.

Musk lui a affirmé que Donald Trump figurait dans le "dossier Epstein", un milliardaire mort en 2019 et inculpé pour exploitation sexuelle de mineure. Il a aussi menacé de mettre fin au programme au programme de vaisseau spatial cargo "Dragon", avant de se rétracter.

Une menace pour les bénéfices

Bref, le torchon brûle entre les deux hommes. Et le marché, lui, prend peur. Jeudi soir à Wall Street, l'action Tesla a perdu jusqu'à 17% en séance avant de clôturer en baisse de 14,26%. La capitalisation boursière est retombée à 917 milliards de dollars, selon investing.com. Autrement dit, la discorde entre Trump et Musk a fait perdre 152 milliards de dollars en Bourse à Tesla.

Le retour de balancier est sévère pour le constructeur automobile. L'an dernier, après l'élection de Trump à la Maison Blanche, l'action Tesla avait pris plus de 80% entre la date de sa victoire et la fin de 2024. Les investisseurs avaient alors espéré que l'administration Trump prenne des mesures favorables au constructeur électrique, notamment pour favoriser l'essor du véhicule autonome, une thématique au cœur du réacteur boursier de Tesla.

Bloomberg avait par exemple rapporté que Donald Trump entendait créer un cadre fédéral pour favoriser le développement du véhicule autonome aux États-Unis.

Las, les investisseurs craignent désormais que de telles mesures ne voient jamais le jour. Voire bien pire.

"Si la situation s'aggrave, je pense qu'elle pourrait vraiment nuire aux bénéfices de Tesla. Il s'agit de deux des plus grandes personnalités de la planète, et s'il y a une bataille d'egos, Trump en sortira victorieux", a déclaré à Bloomberg Adam Sarhan, directeur générale de 50 Park Investments. "L'impact sur l'action Tesla est inconnu. À ce stade, il s'agit d'un pur jeu de hasard, et ce, avant même d'évoquer le fait que Tesla était déjà très cher", ajoute-t-il.

"L'action Tesla est sous forte pression (…) car les investisseurs craignent que cette bataille Musk/Trump ne mette fin à leur amitié et ne modifie l'environnement réglementaire pour Tesla sur le front de l'autonomie dans les années à venir sous l'administration Trump", explique de son côté Dan Ives, analyste chez Wedbush.

Les véhicules autonomes

"La détérioration rapide de l'amitié et maintenant le 'conflit majeur' entre Musk et Trump est un choc pour le marché et instaure une grande peur chez les investisseurs de Tesla pour la suite", poursuit l'analyste, jugeant que Trump risque de mettre "des bâtons dans les roues" au véhicule autonome.

Elon Musk avait lui-même jugé par le passé que la conduite autonome constituait le facteur essentiel dans la capitalisation boursière de Tesla. "Les valorisations sont parfois étranges. (…) Je pense que la valeur de l'entreprise dépend avant tout de l'autonomie", avait-il estimé en 2023 à Paris.

Dan Ives juge que les différentes technologies de véhicule autonome et d'intelligence artificielle de Tesla pourraient, à terme, représenter 1.000 milliards de valeurs en Bourse pour Tesla, soit plus que la capitalisation boursière de la société actuellement.

Tesla doit d'ailleurs débuter ce mois-ci les premiers roulages de ses fameux robotaxis à Austin, au Texas, avant une production à grand échelle en 2026.

Cet évènement est censé constituer un catalyseur pour l'action Tesla qui plonge de 29,5% depuis le début de l'année.

UBS relativisait toutefois la portée boursière des débuts des robotaxis. Dans une récente note, la banque suisse se montrait sceptique tant sur la capacité de la société a déployer ses robotaxis dans toutes les villes américaines que sur le calendrier de mise en œuvre de ce service.

"Les gens ont ignoré les problèmes de vente de voitures parce que les robotaxis arrivent (…). Maintenant, s'ils vont être ciblés (par Trump, NDLR) et que Musk lui-même va être ciblé, alors vous allez faire baisser la prime de rêve de manière significative (incluse dans l'action Tesla, NDLR) et c'est ce que nous avons vu aujourd'hui", explique à Bloomberg Dave Mazza, directeur général de Roundhill Financial.