(BFM Bourse) - Le constructeur au losange a publié un chiffre d'affaires en nette hausse, porté par les augmentations de prix et les véhicules récemment lancés. Mais le marché s'inquiète de la stratégie très agressive de Tesla qui envisage encore de sabrer ses prix.
Les ventes de Renault ont beau carburer, les craintes d'une "guerre des prix" occupent l'esprit des investisseurs. Le groupe au losange a publié ce jeudi son chiffre d'affaires au titre du premier trimestre qui est nettement ressorti au-dessus des attentes.
Les revenus de la société dirigée par Luca de Meo ont progressé de 29,9% sur un an - en excluant la Russie dont Renault est sorti en mai 2022 –pour s'établir à 11,5 milliards d'euros, ce qui est nettement supérieur aux 11,1 milliards d'euros attendus en moyenne par les analystes. Le groupe automobile a été porté par les hausses de prix, qui ont eu un impact positif de 9,7 points de pourcentage sur les revenus (ou 760 millions d'euros).
De fait la société bénéficie des hausses de tarifs qu'elle a passée à la fin de l'an passé. Les volumes ont apporté une contribution de 18,6 points de pourcentage. L'autre vent favorable vient du "mix"' c'est-à-dire le fait que les ventes du groupes sont tournées vers des modèles plus chers. Cet effet "mix" a eu un impact de 5,2 points de pourcentage grâce aux récents lancements, à savoir la Dacia Jogger, le Renault Austral et, surtout, la Megane E-Tech, véhicule phare de la société qui incarne à la fois son savoir-faire dans l'électrique et son offensive sur le segment C, celui des monospaces compacts, bien plus rémunérateur que le B (les berlines).
Mais ces bons chiffres ne sont guère salués par le marché. Au contraire, Renault souffre à la Bourse de Paris, son action dévissant de plus de 7% vers 11h, soit la plus forte baisse du CAC 40 et du SBF 120.
La publication du groupe au losange n'est pas en cause. D'ailleurs Stellantis perd 4,4% à la Bourse de Paris et Volkswagen cède 3% à Francfort, soulignant que l'ensemble du secteur automobile est mis sous pression.
"Renault a beau publier des chiffres bons et tenir des propos rassurants, le marché retient les baisses de prix agressives de Tesla et relègue au second plan les ventes du groupe et la dynamique rassurante sur la Megane E-Tech" , explique Michael Foundoukidis, analyste chez Oddo BHF.
Tesla sacrifie ses marges
"Les chiffres de Renault ne sont pas mauvais et sont même supérieurs aux attentes. Ce qui pèse sur l'action Renault c'est l'incertitude liée à sa capacité à tenir la guerre des prix lancée par Tesla, qui coupe dans ses tarifs à la suite de l'augmentation de ses capacités de production. La publication de ce jeudi n'apporte pas vraiment de réponse sur ce sujet", confirme Valentin Mory, analyste chez le bureau d'études indépendant AlphaValue.
Tesla a mis en place une stratégie brutale de baisses de prix depuis la fin 2022 en Chine et le début 2023 aux Etats-Unis et en Europe, réduisant par de nombreuses vagues les tarifs de ses véhicules phares, tels que la Model Y ou la Model 3. Au point que ce dernier modèle se situe désormais dans la zone de prix de la Megane E-Tech (42.000 euros) voire en dessous.
Or, Elon Musk, le directeur général de Tesla, a clairement laissé entendre aux analystes financiers que le groupe envisageait de baisser encore davantage les tarifs. "Nous sommes d'avis qu'il est préférable d'augmenter les volumes et d'accroître la flotte plutôt que de réduire les volumes et d'augmenter les marges", a-t-il affirmé mercredi soir lors de la conférence de présentation des résultats trimestriels de Tesla.
"La Megane E-Tech de Renault est vraiment en face des Model 3 et Y de Tesla, elle est ainsi concurrencée par l'entrée de gamme du constructeur américain. Il va falloir que Renault soit assez convaincant au niveau des consommateurs pour justifier un prix supérieur pour sa Megane E-Tech à celui de la Model 3", souligne Valentin Mory.
"Le marché se fait peur en redoutant que les baisses de prix de Tesla affectent Renault ou Stellantis. Mais ce raisonnement est discutable car Tesla et ces constructeurs sont sur des segments de marchés connexes mais pas dépendants l'un de l'autre", nuance de son côté Jean-Louis Sempé d'Invest Securities.
Une stratégie risquée pour Tesla
Reste que la volonté de Tesla de sacrifier sa rentabilité au profit des volumes comporte évidemment son lot de risques. Les chiffres publiés mercredi soir par le constructeur spécialisé dans l'électrique en attestent: si son chiffre d'affaires a progressé de 24% au premier trimestre, sa marge opérationnelle est passée de 19,2% sur les trois premiers mois de 2022 à 11,4% un an plus tard. Et son bénéfice par action s'est effondré de 24%. D'ailleurs Wall Street n'apprécie guère cette publication, l'action Tesla chutant de 7,7% dans les échanges de préouverture.
"La stratégie de Tesla est dangereuse pour le consommateur, car en baissant brutalement les tarifs des véhicules neufs, vous détruisez également la valeur résiduelle du véhicule, soit le prix de revente. Ce qui se traduit aussi par des conditions de financement plus tendues pour l'acheteur", développe Jean-Louis Sempé.
Un autre intermédiaire financier pointe "une spirale dangereuse" qui peut créer de l'attentisme chez le consommateur: pourquoi acheter aujourd'hui un véhicule dont le prix pourrait baisser dans quelques mois?
Face à la stratégie violente de Tesla, Renault se veut rassurant. Le directeur financier, Thierry Piéton, a indiqué que le groupe n'avait aucune intention ni de procéder à des baisses de prix "drastiques" sur sa Megane E-Tech. Il a également expliqué que l'impact des hausses de tarifs sur les ventes du groupe devrait certes s'estomper à compter du second semestre, mais continuerait d'être positif.
"Même en cas de baisse de ses tarifs, Renault bénéfice de l’arrivée récente des nouveaux modèles, comme l'Austral et, donc, la Megane E-Tech, et bénéficiera des prochains lancements favorables via l’effet mix, ce qui portera son chiffre d'affaires", souligne Jean-Louis Sempé.
Renault lancera notamment le nouvel Espace (en juin), la nouvelle Clio (au troisième trimestre), ou encore la Renault 5 en 2024. Dacia, de son côté, commercialisera un nouveau Duster l'an prochain avant le Bigster, un SUV, en 2025.
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