(BFM Bourse) - Le prolongement de l'accord entre l'Opep et ses partenaires -parmi lesquels la Russie- limitant la production d'or noir n'efface pas les craintes d'un ralentissement économique mondiale et d'un baisse de la demande d’hydrocarbures. Le cours des deux références mondiales de pétrole, Brent et WTI, a lâché 4% mardi.
Les cours de l'or noir ont nettement reculé mardi malgré le prolongement de l'accord de réduction de la production décidé par l'Opep et ses alliés ("Opep+"), les investisseurs s'inquiétant du ralentissement économique mondiale qui se répercutera inévitablement sur la demande de pétrole. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en septembre a terminé à 62,40 dollars à Londres, en baisse de 4,1% par rapport à la clôture de lundi, tandis qu'à New York, le baril américain de WTI pour livraison en août a perdu 4,2% à 56,25 dollars sur le Nymex.
Pour les experts de Mirabaud Securities, le fait que les craintes pour la demande mondiale l'emportent sur l'effet de l'annonce de l'accord de l'Opep+ "confirme une nouvelle fois notre théorie selon laquelle l'évolution du prix du baril de pétrole ne dépend pas seulement du facteur offre/demande". La production, la santé économique de la Chine, les récessions et turbulences, la nouvelle régulation maritime, la guerre commerciale, les sanctions à l'encontre de l'Iran ou encore la "driving season" entrent également en ligne de compte, énumèrent-ils dans leur note matinale.
Le marché avait déjà "acheté" les rumeurs d'extension de l'accord
En outre, Robbie Fraser (analyste matières premières chez Schneider Electric) estime que les investisseurs avaient déjà parié sur un accord dans les semaines précédant le compromis de Vienne, sur la reconduction d'un accord entre les 14 membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs 10 partenaires, parmi lesquels la Russie.Cet accord, datant de décembre dernier, vise à réduire leur offre cumulée de 1,2 million de barils par jour (mbj) par rapport à leur production d'octobre 2018, pour compenser la hausse quasi-continue de la production américaine qui inonde le marché. De fait, après avoir bondi de 8,46 mbj en juillet 2016 à un record (mondial) de 12,4 mbj en mai 2019, la production américaine a enregistré ses premiers reculs hebdomadaires au cours des deux dernières semaines, pour s'établir à 12,1 mbj lors de la semaine écoulée.
Essoufflement économique
L'extension de l'engagement de l'Opep+ jusqu'en mars 2020 intervient alors que les prix restent sous forte pression, entre une offre abondante alimentée par le boom du pétrole de schiste américain -dont l'équation technique et économique apparaît toujours insolvable- et une consommation mondiale en berne sur fond d'essoufflement économique. "Vu les derniers chiffres, c'était le minimum vital que pouvait faire l'Opep pour empêcher un effondrement majeur des prix", considère Tamas Varga, analyste pour PVM, interrogé par l'AFP.Citant des données de l'organisation, il a souligné que la hausse de la production des pays non-membres avait dépassé l'augmentation modérée de la demande mondiale ces derniers mois. Et "avec des tensions commerciales qui vont probablement s'accroître d'ici à 2020, les calculs pourraient montrer que la baisse de la production ne va pas beaucoup tirer les prix vers le haut", a souligné Michael Hewson, analyste pour CMC, malgré la récente trêve commerciale conclue entre les Etats-Unis et la Chine.
L'Opep+, 24 pays et la moitié du pétrole mondial
Créée en 1960, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) compte 14 pays membres (Arabie saoudite, Iran, Venezuela, Nigéria, etc.) et vise à "coordonner les politiques pétrolières" de ses membres pour assurer "des prix équitables et stables aux producteurs" ainsi qu' "un approvisionnement fiable, régulier et abordable" aux pays consommateurs. En 2016, le cartel pétrolier s’était rapproché de Moscou et d'autres pays producteurs pour faire face à l’émergence de la concurrence américaine et à la chute vertigineuse du cours du baril, qui avait alors touché un plancher à 28 dollars. Avec ses dix partenaires menés par la Russie (2e producteur mondial derrière les États-Unis mais devant l'Arabie saoudite), qui ont pérennisé mardi leur alliance, l'Opep+ pompe environ la moitié du pétrole mondial.
Mais ces dernières années, l'influence de l'Opep a nettement décru à mesure que gonflait l'offre de pays tiers en particulier celle des États-Unis. A contrario, certains États clefs du cartel ont vu leur production s'effondrer, à l'instar du Venezuela et de la Libye, en proie à des crises politiques, ou à l'Iran, sous le coup de sanctions américaines. Chef de file du groupe et premier exportateur mondial, l'Arabie saoudite pompait 9,70 millions de barils par jour (mbj) en mai, soit pratiquement un tiers de l'offre totale de l'Opep (29,95 mbj) selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE). Au total, l'Opep représente approximativement 35% d'une production pétrolière mondiale de 99,5 mbj, et contrôle 80% des réserves prouvées du globe. Avec ses dix nouveaux alliés (Russie, Mexique, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Oman, Soudan, Soudan du Sud, Brunei et Malaisie) qui ont pompé 18,15 mbj en mai selon l'AIE (dont 11,44 mbj pour la seule Russie). Les 24 pays membres de l'Opep+ (Opep + partenaires) ont donc extrait 48,1 mbj en mai, soit près de la moitié de la production mondiale d'or noir (100 mbj selon les dernières données de l'AIE).
Timide rebond mercredi
Mercredi matin, les cours pétroliers opèrent un rebond qui demeure très limité en rapport avec la chute de la veille. Vers 11h00, le brut léger texan (WTI) avançait de 0,66% à 56,62 dollars, tandis que le pétrole extrait de la Mer du Nord (Brent) prenait 0,46 % à 62,69 dollars.
(avec AFP)