(BFM Bourse) - Malgré les prévisions pessimistes de l'Opep pour le deuxième semestre 2019, les cours de l'or noir repartent à la hausse, deux jours après l'attaque d'indépendantistes yéménites contre une raffinerie et un site de stockage de la compagnie pétrolière saoudienne Aramco. La fragile détente commerciale entre Pékin et Washigton apporte également un peu d'optimisme aux marchés.
Les cours du pétrole brut repartent à la hausse lundi matin, après l'attaque au drone qui a visé, samedi, des installations pétrolières saoudiennes, attribuées par Ryad aux indépendantistes yéménites. Ce regain de tensions géopolitiques, auquel s'ajoute un reflux des craintes pour la demande né de la fragile détente commerciale sino-américaine, permet au baril de Brent de mer du Nord de grappiller 0,8% à 59,11 dollars vers 10h45, quand le baril de brut léger américain (ou WTI) s'échange à 55,29 dollars, en hausse de 0,88% par rapport à la clôture de vendredi.
"La sécurité de l'approvisionnement mondial en pétrole, cible de l'attaque"
Samedi, les rebelles chiites houthis -engagés depuis 2014 dans la guerre civile yéménite contre le gouvernement d'Abdrabbo Mansour Hadi, soutenu par l'Arabie saoudite- ont mené une attaque au drone contre des installations pétrolières dans l'est du royaume, a rapporté leur chaîne de télévision Al Massirah. Les cibles ? Une raffinerie et un site de stockage du géant pétrolier Saudi Aramco -l'entreprise la plus rentable au monde- à Chaïbah, près de la frontière avec les Émirats arabes unis. Al Massirah a précisé que dix drones ont participé à cette opération baptisée "Équilibre de la dissuasion". Un porte-parole de la milice houthie a également souligné que cette mission était "la plus grande attaque en profondeur" menée contre l'Arabie saoudite. Le site visé se trouve en effet à 1.000 km du territoire contrôlé par les houthis, dans le nord-ouest du Yémen. "Nous promettons au régime saoudien et aux puissances participant à l'agression des opérations de plus grande ampleur si l'agression continue", a ajouté le porte-parole. Du côté de Ryad, le ministre de l'Énergie Khaled al-Faleh a réagi en indiquant que Chaïbah constituait "une installation vitale"."La cible de cette attaque, c'est la sécurité de l'approvisionnement mondial en pétrole, pas simplement notre royaume. Ceci constitue une menace contre l'économie mondiale", a ajouté le ministre saoudien, selon l'agence de presse officielle SPA. La direction d'Aramco a toutefois déclaré que l'attaque n'avait pas de fait de victimes ni interrompu la production de brut.
L'Opep révise à la baisse ses prévisions pour 2019
Dans son rapport publié vendredi dernier, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole a légèrement abaissé ses prévisions de croissance et de demande mondiale en 2019, laissant néanmoins sa projection inchangée pour 2020. Compte tenu du "ralentissement de la croissance économique, des tensions commerciales persistantes et du ralentissement de la croissance de la demande de pétrole, il est critique de suivre attentivement l'équilibre entre l'offre et la demande et d'aider à la stabilité du marché durant ces prochains mois", résume le cartel dans le rapport. Pour rappel, les 14 pays de l'Opep et leurs 10 alliés du groupe dit Opep+, dont la Russie, sont engagés depuis 2016 dans une limitation volontaire de leur production afin de soutenir les cours, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique mondiale. Réunis à Vienne début juillet, ces 24 pays exportateurs d'or noir ont reconduit, jusqu'en mars 2020, leur accord visant à réduire leur offre cumulée de 1,2 million de barils par jour (mbj) par rapport à octobre 2018, pour éviter une accumulation des stocks préjudiciable aux prix.L'Opep a donc réduit sa prévision de croissance de la demande pétrolière de 40.000 barils par jour (bpj) pour cette année et laisse entendre que le marché pourrait être légèrement excédentaire en 2020, si les pays membres de l'Organisation continuent de produire au rythme de juillet 2019, toutes choses égales par ailleurs. La demande de brut atteindrait ainsi 29,41 millions de bpj en moyenne en 2020, soit 1,3 million de bpj de moins qu'en 2019, un chiffre relevé de 140.000 bpj par rapport aux prévisions publiées par l'Opep en juillet. Cette dernière ajoute que la production de ses États membres a diminué de 246.000 bpj en juillet, à 29,61 millions de bpj, l'Arabie saoudite ayant réduit ses propres extractions (-134.000 bpj) au-delà de son quota. L'année 2020 dégagerait un excédent de l'offre de 200.000 bpj, ce qui incite le cartel à plaider pour un maintien de l'encadrement de la production.
Pékin et Washington tentent de renouer le dialogue
Également au soutien des cours de l'or noir, lundi, la timide détente commerciale sino-américaine. De fait, si Donald Trump a déclaré dimanche qu'il n'était "pas encore prêt" à signer un accord avec la Chine, son conseiller économique Larry Kudlow a expliqué que de nouvelles discussions auraient lieu d'ici dix jours et qu'une délégation chinoise pourrait venir aux États-Unis. Eugen Weinberg, analyste chez Commerzbank, notait vendredi que "les cours du pétrole restaient à la merci des attentes concernant l'économie mondiale et étaient donc pris au piège entre les craintes économiques et les espoirs d'apaisement prochain du conflit commercial"."Depuis près d'un mois, le marché est secoué par des craintes sur la demande, le principal facteur étant les tarifs douaniers américains sur les produits chinois", a abondé en ce sens Stewart Glickman, de CFRA. Celui-ci développe : "Si les Etats-Unis ou l'Europe entrent en récession, ça ne sera pas une bonne nouvelle, mais ça ne pèsera pas tant que ça sur la demande en pétrole. En revanche, si la Chine connaît un fort ralentissement, ça sera vraiment problématique". Le marché va donc continuer de scruter avec attention les derniers développements sur le front commercial, seul dossier à même de dissiper les craintes sur l'évolution de la croissance mondiale.
(avec AFP)