(BFM Bourse) - Les cours de l’or noir ont regagné du terrain grâce à la volonté de l’Opep+ d’agir pour stabiliser un marché erratique. D’autres déterminants pourraient soutenir la matière première à plus ou moins long terme.
Le pétrole reprend de la hauteur sur les dernières séances. Minés par de nombreuses craintes – récession, inquiétude sur la demande chinoise, perspective d’un accord sur le nucléaire iranien – les cours de l’or noir avaient perdu environ 25% par rapport à début juin, la semaine dernière. Par rapport à leur pic de début mars, lors du début de la guerre en Ukraine, la chute avait même atteint environ 30%.
Mais le pétrole a récemment retrouvé une dynamique plus favorable qui a permis au contrat sur le Brent de mer du Nord pour livraison en octobre de terminer mardi au-dessus des 100 dollars le baril, un seuil symbolique qu’il n’avait pas franchi depuis le début du mois. Mercredi après-midi, le contrat grignote encore 0,4% à 100,61 dollars. L’autre grande référence du marché, le WTI coté sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) évolue aussi en hausse, le contrat pour livraison en octobre prenant 0,5% à 94,18 dollars.
L'Opep+ guette le possible accord iranien
Le marché a récemment été porté par le volontarisme des pays producteurs. Lundi, le ministre saoudien de l’Energie, Abdelaziz ben Salmane, a affirmé à Bloomberg que l’Opep+, qui réunit l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et certains alliés comme le Mexique et la Russie, avait les moyens de "réduire à tout moment sa production" pour faire face aux défis d’un marché "tombé dans un cercle vicieux de faible liquidité et de volatilité extrême".
Selon l’agence Reuters, qui s’appuie sur plusieurs sources au sein du cartel, ces baisses de production seraient décidées en cas d’accord sur le nucléaire iranien, qui lèverait alors les sanctions sur les exportations de Téhéran. Le pays du Moyen-Orient produit actuellement environ 2,5 millions de barils par jour, d’après Bloomberg. Le pays pourrait, en cas d’accord, revenir en six mois à un niveau proche de ses pleines capacités de production, de 3,7 millions de barils par jour, a expliqué à l’agence de presse américaine, Iman Nasseri, directeur de la société de conseil FGE.
"Le fait que l'Opep a signalé qu'elle pourrait effectivement réduire à nouveau [sa] production montre la nature précaire" d’un pari sur la baisse des cours, considère Neil Wilson de Markets.com.
"Il semble que l'Opep+ soit déterminée à voir le prix du pétrole à trois chiffres malgré les sérieux vents contraires auxquels est confrontée l'économie mondiale", souligne de son côté Craig Erlam, analyste de marché chez Oanda.
L’expert note que les prix de l’or noir sont également soutenus par des informations faisant état d’une interruption des approvisionnements en provenance du Kazakhstan via le terminal de la mer Noire du Caspian Pipeline Consortium (CPC). "Ce n'est pas la première fois que les flux en provenance de ce pays et transitant par la Russie sont perturbés cette année, et la panne devrait durer au moins un mois", ajoute-t-il.
"Déplétion naturelle" et demande chinoise
A plus long terme d’autres éléments sont susceptibles de tirer les prix vers le haut. La demande chinoise pourrait se redresser au second semestre, soutenue par des politiques de relance passant par des investissements dans les infrastructures ou des mesures de baisse de la fiscalité.
De plus, en raison de la flambée des prix du gaz, certains industriels commencent à réfléchir à passer du gaz au pétrole comme source d’énergie. C'est le cas par exemple de Michelin, qui a indiqué cet été qu'il se préparait dans ses usines à convertir ses chaudières pour qu'elles soient capables de tourner avec du gaz, du pétrole ou du charbon en fonction de l'évolution des cours et des pénuries d'approvisionnement.
Le pétrole reste par ailleurs un marché particulier où l’offre est structurellement contrainte par un phénomène dit de "déplétion naturelle", qui conduit la production des puits à diminuer chaque année de 4% à 5%. Or "compte tenu des contraintes environnementales, de la nécessité de faire la transition énergétique pour prendre en compte le changement climatique, les investissements dans le secteur pétrolier ont été insuffisants ces cinq-six dernières années pour compenser cette baisse de la production", expliquait la semaine dernière sur BFM Business, Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM.
La banque UBS estime que le Brent pourrait atteindre 125 dollars le baril d'ici à la fin de l'année.
Julien Marion avec Jean-Louis Dell'Oro