(BFM Bourse) - Le géant américain des puces est en forte baisse à l'ouverture ce mercredi 16 avril, alors que l'administration Trump restreint l'exportation de puces vers la Chine. Cette décision va peser sur les comptes du premier trimestre de Nvidia, le groupe ayant prévenu qu'il allait enregistrer une charge exceptionnelle de 5,5 milliards de dollars.

Nvidia se trouve malgré lui pris dans la guerre commerciale qui se joue entre la Chine et les Etats-Unis. Le géant américain des puces a prévenu que les restrictions d'exportation des semi-conducteurs vers la Chine allaient fortement peser dans ses résultats du premier trimestre de son exercice fiscal 2026, soit la période correspondante entre février et fin avril 2025.

Nvidia devra passer dans ses comptes "jusqu'à environ 5,5 milliards de dollars (4,83 milliards d'euros) de charges associées aux produits H20 (à cause des coûts) des stocks, des engagements d'achat et des réserves liées", dans un document transmis le mardi 15 avril, à la Securities and exchange commission, le gendarme boursier américain.

"Les 5,5 milliards de dollars de dépréciations concerneront les stocks et les engagements d’achat pour le H20, car nous supposons que ces puces moins performantes risquent de ne pas trouver preneur auprès des clients des marchés développés", explique ce mercredi Morningstar.

Dans ce même document, le groupe californien rappelle avoir été informé le 9 avril, par Washington qu'il devait obtenir une licence spécifique pour exporter ses puces H20 vers la Chine et d'autres pays. Le gouvernement américain a précisé lundi 14 avril que ces règles resteraient en vigueur indéfiniment.

"Le gouvernement américain a indiqué que l'obligation de licence répondait au risque que les produits couverts soient utilisés dans un superordinateur en Chine ou détournés vers celui-ci. Le 14 avril 2025, le gouvernement américain a informé la société que l'obligation de licence serait en vigueur pour une durée indéterminée", explique Nvidia dans ce document transmis à la SEC.

La puce H20 a été conçue spécifiquement pour le marché chinois afin de permettre à Nvidia de contourner les restrictions américaines antérieures, comme le rappelle Morningstar. .

Ces nouvelles restrictions pèsent sur le cours de Nvidia, qui recule de 6% ce mercredi en début de séance à Wall Street. AMD recule de 6,5% aussi, le groupe américain étant aussi concerné par ce tour de vis.

Conserver l'avantage technologique

Pour conserver son avantage technologique et éviter d'être rattrapés par la Chine, les États-Unis ont en effet introduit une série de contraintes sur les semi-conducteurs proposés par les grands groupes américains, notamment Nvidia.

Cette nouvelle décision est "motivée par les inquiétudes suscitées par la montée en puissance de la Chine dans le secteur de l'électronique" et, en ce sens, elle est susceptible de devenir une politique permanente", a déclaré à Bloomberg Tomo Kinoshita, stratège du marché mondial chez Invesco Asset Management.

Et ces inquiétudes sont montées d'un cran en février, quand Deepseek et son modèle d'intelligence artificielle (IA) à moindre coût ont chamboulé tout un écosystème archi-dominé par les groupes américains.

Surtout que Deepseek avait affirmé avoir bâti son modèle d'IA avec 2.048 GPU H800 de Nvidia, des puces bien moins avancées que d'autres produits du groupe, comme les puces H100.

Les autorités américaines font tout en leur pouvoir pour maintenir ce précieux avantage dans la course à l'IA. Quitte à inciter très fortement les groupes américains à produire leurs puces à domicile.

Lundi 14 avril, Nvidia a en effet annoncé un investissement colossal de 500 milliards de dollars sur les quatre prochaines années pour produire des supercalculateurs d'IA entièrement aux États-Unis.

"Il est peu probable que Nvidia aurait déplacé sa production aux États-Unis sans la pression de l'administration Trump," a déclaré Gil Luria, analyste chez D.A. Davidson, cité par Reuters.

De son côté, Morningstar attend d'obtenir davantage d’informations sur ces restrictions, ainsi que sur les tarifs douaniers et l’état général des dépenses en matière d’IA, lors de la conférence téléphonique sur les résultats de Nvidia qui aura lieu fin mai.

Pour le premier trimestre, Nvidia a annoncé tabler sur des revenus de 43 milliards de dollars, et un taux de marge brute compris entre 70,6% et 71%.

Ce recul de la rentabilité s'explique par la montée en puissance de la nouvelle architecture de processeurs graphiques appelée "Blackwell", plus puissante et plus économe en énergie. Si elle alimente copieusement la croissance de la société, cette transition industrielle pèse pour l'heure sur la rentabilité de la société.

Colette Kress, la directrice financière, avait déclaré fin février que la montée en puissance industrielle de Blackwell serait "significative" au premier trimestre. "Nous doutons que les entreprises ralentissent leurs investissements dans l’IA, ce qui pourrait soutenir les ventes de GPU d’IA jusqu’en 2025", explique aussi Morningstar.