(BFM Bourse) - LVMH, et les groupes français dans leur ensemble, trônent très largement en tête des capitalisations boursières. Ces sociétés ne sont pas pour autant les plus onéreuses en Bourse lorsque l'on regarde les multiples de valorisation.
Indéniablement, le luxe constitue l'un des grands vainqueurs en Bourse de ce début d'année 2023. Portées par la réouverture de l'économie chinoise, marché qui talonne les Etats-Unis pour la première place mondiale du luxe, les actions du secteur ont enregistré de fortes progressions récemment. Pour donner une idée, l'indice Stoxx Europe Luxury 10 s'adjuge près de 25% (*) depuis le début de l'année, soit près de trois fois plus que le Stoxx Europe 600, indice paneuropéen de référence.
Quels groupes de luxe, dans ce contexte, pèsent le plus en Bourse, et sont les plus chers? Il s'agit de deux questions bien différentes.
LVMH sans concurrent sur la capitalisation
Dans le premier cas la réponse reste assez simple. Il suffit de regarder la capitalisation boursière, c'est-à-dire pour faire simple la valeur totale en Bourse des actions des différents groupes. Sur ce plan, LVMH qui a passé en janvier la barre des 400 milliards d'euros et vient de publier un début d'année étincelant en termes d'activité, n'a aucun rival. Le groupe de Bernard Arnault, l'homme le plus riche au monde, possède une grande longueur d'avance (voir graphique 1) sur ses poursuivants. Qui ne sont autres que L'Oréal et Hermès, ce qui montre combien la France domine le luxe mondial. Il faut ainsi remonter au quatrième rang, avec le suisse Richemont, suivi de l'américain Estée Lauder, pour trouver des entreprises non françaises dans le classement.
Précisons au passage que ranger certains groupes dans le luxe est sujet à débat. Les analystes excluent souvent les groupes de cosmétiques, comme L'Oréal et Estée Lauder, pour les ranger dans les produits de consommation. Ce qui n'a pas été notre choix pour ces infographies. Même Kering n'a pas toujours été considéré comme un groupe de luxe, notamment quand la société s'appelait PPR et comptait le vépéciste La Redoute et la marque d'habillement Puma, parmi ses activités. A contrario, les analystes – et Qontigo la société chargée de construire les indices paneuropéens - rangent le groupe d'optique EssilorLuxottica, propriétaire de la célèbre marque Ray-Ban mais également du fabriquant de verres correcteurs Essilor, dans le luxe, de même que le constructeur automobile Ferrari. Certes, la culture de la rareté entretenue par le groupe au cheval cabré, avec seulement 13.000 véhicules vendus en 2022, constitue un argument de poids pour l'intégrer dans le secteur.
Des multiples plus généreux pour les "petits groupes"
Au-delà de la capitalisation boursière, il convient de regarder les multiples de valorisation d'une action pour comparer son degré de "cherté" avec les autres. Aucun indicateur n'est totalement parfait sur ce plan, mais nous avons choisi de prendre le plus simple, c'est-à-dire le ratio prix/bénéfices (P/E), dans notre second graphique. Ce ratio évalue à combien de fois les bénéfices attendus s'échange une action donnée. Plus il est élevé, plus une action est "chère" au regard de ses résultats financiers.
Le luxe possède sur ce point des multiples flatteurs, ce qui s'explique par sa croissance et la qualité de ses résultats. En moyenne, ce ratio s'élève autour de 30. Pour donner un ordre d'idée, celui de TotalEnergies se situe à 8, et celui de Stellantis à 5. Seul les groupes technologiques (Tesla est à plus de 50, Apple à 27) ont réellement leur mot à dire.
En termes donc de multiples de valorisation (P/E), les groupes français ne sont pas vraiment onéreux. LVMH se situe dans la moyenne, voire un peu en dessous. Kering évolue même en queue de peloton. Comme expliqué dans de précédents articles, la maison-mère de Gucci accuse actuellement une décote, en raison de la transition artistique chez la griffe italienne, qui vise à lui donner un second souffre, ainsi que de la polémique sur Balenciaga. L'action française la plus "chère" reste Hermès qui pointe à la cinquième place de la vingtaine de groupe que nous avons choisi de retenir dans notre classement, et à la troisième, si on exclut les groupes de cosmétiques et de produits de beauté comme Estée Lauder, L'Oréal ou Coty.
Les multiples les plus élevées s'observent sur des entreprises de capitalisation plutôt basse. L'américain Coty arrive en tête de ce second classement, devant l'indien Titan Company, un créateur de montres et de bijoux qui fait partie du conglomérat Tata Group . Suivent l'italien Brunello Cucinelli, réputé pour ses produits en cachemire, Estée Lauder et Hermès donc, puis l'italien Tod's, connu pour ses mocassins et ses bottines de luxe.
Les petites capitalisations devant
Comment expliquer que les entreprises de plus petites tailles soient mieux valorisées?
Interrogée par BFM Bourse, la société de gestion Monocle a de son côté préféré retenir un autre multiple, c'est-à-dire la valeur d'entreprise rapportée au cash généré par l'activité. "Cela permet de tenir compte de la dette et de regarder un résultat moins pollué", fait-elle valoir.
Dans le cas de Coty et Tod’s, ce "sont des entreprises avec des marges faibles car ce sont des sociétés en crise/restructuration (surtout Coty qui se débat avec sa dette)", souligne la société de gestion. "Donc le résultat net d'aujourd'hui ne veut pas dire grand chose pour ces sociétés, et par conséquent le PE non plus", ajoute-t-elle.
Monocle a calculé ce multiple de valeur d'entreprise par rapport au cash pour six entreprises. Elle arrive à un multiple de 18 pour LVMH, 18 pour Richemont, 25 pour Tod's, 35 pour Hermès, 39 pour Bruno Cucinelli, et 50 pour Coty, sur la base des résultats de 2022.
"On remarque bien que ces multiples sont plus élevés pour les plus petites sociétés", observe-t-elle. La société de gestion distingue ainsi Hermès et Brunello Cucinelli de LVMH et Richemont. Les deux premiers, sont de "très beaux business, avec des marges importantes, et sans doute valorisés très cher car le marché pense qu'un big player (LVMH ou Kering) paierait très cher pour ces actifs", observe Monocle.
Au contraire, donc, des grands acteurs qui "ont une taille qui empêche toute idée de rachat, donc le marché valorise un peu moins cher" ces groupes, malgré les excellents fondamentaux de ces sociétés, ajoute la société.
(*) Note : nous avons arrêté les capitalisations, variations et multiples à jeudi soir
Par Julien Marion (texte) et Théophile Magoria (infographie)
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