(BFM Bourse) - La maison-mère de Gucci a connu une année 2022 très compliquée en Bourse, avec un repli bien plus prononcé que ceux de LVMH et d'Hermès. L’incertitude sur la direction artistique de la griffe italienne devrait encore peser sur le cours.
Si Wall Street a ses "Gafam" - Google (Alphabet), Amazon, Facebook (Meta), Apple et Microsoft – la Bourse de Paris, elle, est connue pour les "Khol", c’est-à-dire Kering, L’Oréal, Hermès et LVMH. Ces quatre mousquetaires donnent une image bien glamour à la place parisienne, qui bénéfice des bonnes tendances du luxe, de la mode et des cosmétiques.
Toutefois le "K" du quatuor a énormément souffert l’an passé. Kering a vu son cours de Bourse plonger de 32,7% accusant la quatrième plus forte baisse du CAC 40, quand LVMH et Hermès ont bien limité la casse (-6,5% et -5% respectivement). Résultat, dans notre dernier palmarès BFM Bourse des actions les plus rentables du CAC 40, Kering décroche et fait à peine mieux que la moyenne de l'indice au cours des 5 dernières années.
En ce début 2023, le groupe a certes repris 12% depuis le 1er janvier, entraîné comme l’ensemble du secteur luxe par la réouverture économique de la Chine, mais l’action reste en baisse de plus de 20% sur un an.
La faute à des performances décevantes de Gucci qui ont d’ailleurs éclipsé l’excellente dynamique des autres marques du groupe. "Gucci connaît depuis trois ans un environnement difficile, la marque étant plus dépendante que les autres du tourisme et de la Chine", souligne Jie Zhang, analyste chez le bureau d’études indépendant AlphaValue.
"Contrairement à d’autres marques comme Dior, Louis Vuitton ou Hermès, Gucci est moins intemporelle, dépend davantage de nouvelles collections et possède une clientèle plus jeune", ajoute l’analyste. D’ailleurs, "en novembre on a observé un affaiblissement de la croissance des abonnés de Gucci sur les principaux réseaux sociaux chinois", remarque-t-elle.
Le problème reste que la griffe italienne constitue le principal contributeur aux résultats du groupe. Selon TP ICAP Midcap, Gucci représentait en 2021 près de 55% des ventes de Kering et 74% de son résultat opérationnel courant (ROC).
Une incertitude sur la création chez Gucci
Pour 2023, la société se retrouve face à des "temps incertains", estime UBS. Le directeur de la création de Gucci depuis début 2015, Alessandro Michele, a quitté le groupe fin novembre. Aucun calendrier n’a été communiqué quant à sa succession. "Le studio de création de Gucci continuera à assurer la responsabilité créative de la maison jusqu’à ce qu’une nouvelle organisation soit annoncée", expliquait la société en novembre.
Cette annonce pourrait constituer un élément positif à moyen ou long terme. Pour l’heure la visibilité reste relativement faible.
"Ce départ permettra au groupe d’être force de proposition d’une approche plus intemporelle du luxe à l’image potentiellement de Saint Laurent", juge TP ICAP Midcap. "Il reste cependant que le successeur n’est pas connu à date, ce qui suppose une période de transition", alors que "les transitions mènent inévitablement à une décélération des ventes et supposent par ailleurs des investissements, lesquels conjointement devraient compliquer le profil d’earning [résultats financiers, NDLR] de Gucci d’une part mais du groupe Kering dans son ensemble au regard du poids de la marque dans le mix", expose le bureau d’études.
"Il y avait besoin d’un renouvellement chez Gucci, dont la dynamique est en perte de vitesse. La marque affiche une croissance organique moins satisfaisante que les autres grandes marques de luxe, inférieure à 10%" considère Jie Zhang. Dans cette optique "le changement de direction artistique chez Gucci peut très bien devenir un ‘mal pour un bien’, si cela permet de rapprocher Gucci de marques plus intemporelles comme Dior, Louis Vuitton ou Hermès", poursuit-elle.
"Mais cela reste évidemment un risque. Kering a tout à fait les moyens de recruter un designer d’exception pour prendre la direction artistique de Gucci. Il est néanmoins difficile d’anticiper la réception des futures collections, cela reste les goûts et les couleurs", fait-elle-valoir.
Morgan Stanley évoque une "année de transition" pour Gucci. La banque américaine retient une croissance organique de seulement 1,1% pour la griffe italienne cette année, et de 3% pour Kering.
Plus positive, Jie Zhang estime qu’avec "avec une base de comparaison peu exigeante en Chine, cette année, Gucci devrait être capable de progresser à un rythme proche de 10%". "Toutefois, tant en termes de croissance que de rentabilité, Kering devrait rester en retrait de ses concurrents encore cette année", ajoute-t-elle.
Une valorisation attrayante
Autre source de risque pour l’action, les incertitudes sur les performances de Balenciaga. UBS redoute que la récente polémique ait un impact négatif sur les ventes. La marque avait été accusée en fin d’année dernière de sexualiser les enfants dans une campagne. Ce qui avait amené le directeur artistique, Demna Gvasalia, à présenter ses excuses, assurant que s’il avait parfois voulu provoquer, il n’avait "jamais eu l’intention de le faire avec un sujet aussi horrible que la maltraitance des enfants". "Cela n’est évidemment pas une bonne chose en terme de perception", considère un intermédiaire financier.
Reste l’argument de la valorisation, Kering s’échangeant aujourd’hui avec des multiples dépréciés face à ses concurrents. Ce qui peut constituer un point d’entrée pour les investisseurs patients. "Sur trois ans on est à -7% (…) il y a peut-être un petit arbitrage à effectuer" en faveur de Kering dans le luxe, soulignait vendredi 13 janvier Pierre-David Quenu, de GSD gestion, sur BFM Bourse.
"Il est encore trop tôt pour se positionner sur Kering, il faut attendre que les incertitudes s’éclaircissent sur le futur de Gucci. Toutefois, le groupe possède d’excellents fondamentaux, notamment sur les critères ESG (critères liés à l'environnement, le social et la gouvernance, NDLR) qui deviendront de plus en plus importants à l’avenir", estime de son côté Jie Zhang. "Tout dépend de l’horizon d’investissement", tranche pour sa part l’intermédiaire financier anonyme précédemment cité.
Recevez toutes les infos sur KERING en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email