(Investir)
On était en droit d’attendre beaucoup de la commission « climat énergie » dont le président,
Michel Rocard, a rendu publiques les conclusions vendredi. En tout cas, l’innovation,
l’imagination se devaient d’être au rendez-vous d’une réflexion directement issue du
Grenelle de l’environnement. La mission avait d’ailleurs un caractère politique symbolique en
raison même de la responsabilité confiée à l’ancien candidat récidiviste à la candidature
présidentielle socialiste face à François Mitterrand, qui devait en faire son Premier ministre de
1988 à 1991.
La stratégie de Nicolas Sarkozy de débauchage des retraités socialistes trouve là une nouvelle
illustration. Sans doute efficace sur le plan médiatique, cette « ouverture » débouche sur ce
que la classe politicienne française a peut-être fait de pire. Prétentieuse sur le fond et
donneuse de leçons, marquée par l’immobilisme dans la méthode et les mesures proposées, elle
conduit – qui s’en étonnera – à l’annonce de nouveaux impôts. Les prémisses sont
tristement banales. La démarche serait « morale » et, comme toujours, les hommes politiques
s’arrogent le droit de « changer [nos] comportements ».
Les débats de la commission n’ont pas apporté de nouveauté quant à la marche à suivre pour un
objectif qui n’est pas discuté: la gestion de la consommation d’énergie en fonction
d’objectifs environnementaux. La concentration des préoccupations sur l’utilisation des
énergies fossiles sent la nostalgie des années 60 du Club de Rome et ses fameuses conclusions, qui
annonçaient leur épuisement en… 1992. Aujourd’hui, Michel Rocard parle de transformation de la
planète en « poêle à frire ». La conclusion est pire encore: des impôts, des impôts, encore
des impôts. M. Rocard, qui appartient à la longue liste des Premiers ministres qui ont creusé les
déficits sous les présidences Mitterrand et Chirac, est (malheureusement) crédible quand il
assure que la taxe qu’il propose « n’est pas destinée à améliorer le financement de l’Etat
».
Il propose toutefois des prélèvements fiscaux qui n’ont rien d’anodins. En instituant une taxe
sur la tonne de Co2 produite d’un montant de 32 centimes d’euro dès 2010 à 100 € en rythme
de croisière à partir de 2030, il vise plus de 8 milliards de recettes fiscales l’an prochain,
dont plus de la moitié à la charge directe des particuliers. En pratique, nous aurions en moyenne
à payer 300 € d’impôts supplémentaires par an, une modulation, difficile à mettre en place,
étant souhaitée sous la forme d’une « allocation forfaitaire basée sur l’éloignement »
pour ne pas pénaliser excessivement « les ruraux et les banlieusards qui utilisent leur voiture
».
Les associations de consommateurs ont beau jeu d’estimer qu’on refait aux ménages le coup
indécent de la vignette automobile des années 1960-1970. On est là dans la mauvaise gestion
gouvernementale: taxe jugée indispensable pour faire évoluer les comportements, avantages fiscaux
prévus dès l’origine pour que le clientélisme conserve ses droits. Vieux réflexes, vieilles
méthodes, on est loin des desseins du président de la République de mettre à profit « la
réserve de croissance fantastique » du Grenelle de l’environnement.
L’ambition « climat énergie » que la France, qui se veut moteur dans la démarche, propose aux
Européens est donc fiscale et répressive. On est dans la caricature et on doit espérer que le
gouvernement qui, selon les termes mêmes de Michel Rocard, reste maître de sa décision
l’évitera. Plus d’impôt n’est pas le remède à la crise économique. Il y a des
investissements verts que les Français attendent depuis longtemps et qui entreront, on l’espère,
dans le cadre des grands investissements. On pense évidemment aux transports: le ferroutage pour
éviter que notre réseau routier soit utilisé à nos dépens pour le transport de marchandises
européen; les transports en commun pour que les obstacles mis à la circulation automobile ne
soient pas une sanction pour ceux qui doivent les utiliser.
La France, cette grande donneuse de leçons, n’est pas en retard, elle est hors catégorie. Et,
puisque la commission Rocard nous propose une TVA énergie, le sujet, autrement plus important, de
la TVA sociale pour améliorer les termes du commerce mondial doit être plus sérieusement engagé.