¤¤¤¤ Les appels se multiplient contre le « zèle » de l’austérité européenne ¤¤¤¤
25 mai 2010
Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, craint que sous la pression des marchés, de nombreux
Etats européens soient tentés de faire du zèle dans leurs mesures d’austérité.
La reprise de la croissance européenne risque d’être menacée par des mesures d’austérité
parfois trop contraignantes selon de nombreux économistes.
Les appels d’économistes se multiplient contre le « zèle » des gouvernements européens en
matière d’austérité, jugé doublement dangereux: pour la reprise encore vacillante du Vieux
Continent, et pour sa crédibilité, les engagements trop stricts s’annonçant difficiles à
tenir. Si l’Europe met en oeuvre « un plan coordonné d’austérité », « elle court au
désastre », avec une croissance en berne et une nouvelle flambée du chômage à la clé, met en
garde le prix Nobel Joseph Stiglitz.
Le Fonds monétaire international (FMI), tout en prônant l’assainissement des finances publiques
plombées par la crise, tire aussi la sonnette d’alarme. Pour son chef économiste Olivier
Blanchard, « le risque est en l’occurrence que, sous la pression des marchés, certains pays
fassent du zèle dans l’austérité ».
« Il n’est pas écrit dans le marbre qu’il faille absolument qu’en 2012 ou en 2013 on soit
revenu à 3% » de déficit public par rapport au PIB, comme l’exige Bruxelles, a d’ailleurs
prévenu le patron du FMI Dominique Strauss-Kahn. Les annonces de plans plus ou moins draconiens se
sont succédées ces dernières semaines, d’Athènes à Madrid en passant par Paris. Dernier en
date, le nouveau gouvernement britannique a présenté lundi un premier programme de 7,2 milliards
d’euros de coupes dans les dépenses publiques. Cela n’a pas suffi à rasséréner les
marchés.
« Les plans d’austérité sont tellement forts que s’ils sont mis en oeuvre, et simultanément
dans toute l’Europe, l’impact sur la croissance non seulement européenne mais possiblement dans
le reste du monde pourrait créer un frein sérieux à la reprise », décrypte Laurence Boone, de
Barclays Capital. Selon elle, la zone euro représentant 22% du PIB mondial, les échanges
internationaux risquent de souffrir du tour de vis européen, d’autant que la crise « a montré
que le canal de transmission par les effets de confiance est important ».
« En Grèce, il était devenu nécessaire de réduire les dépenses et cela peut même libérer la
croissance », estime Andrew Scott, professeur à la London Business School. En revanche, ailleurs,
« l’ajustement peut être beaucoup plus progressif, il ne faut pas en faire trop maintenant tout
en annonçant un plan sur cinq ou dix ans ». D’ailleurs, selon Elie Cohen, du Centre national de
recherche scientifique (CNRS) français, les seuls plans « vraiment drastiques » ont pour
l’instant été présentés par la Grèce, l’Espagne et le Portugal. « Bien que désagréables,
ces plans sont justifiés », assure-t-il.
« Des promesses forcenées »
D’autres pays, comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Autriche, « n’ont aucune raison de
prendre des mesures de rigueur » et « il ne faudrait pas qu’il y ait une espèce de contagion
perverse qui les pousse à le faire », avertit Elie Cohen. La question est plus délicate pour la
France ou le Royaume-Uni. « Les gouvernements de ces pays annoncent des mesures présentées comme
courageuses pour rassurer les marchés. Mais dans les faits, ces mesures ne sont pas aussi
courageuses qu’ils le laissent entendre », constate Andrew Scott. « Pour l’instant, les
mesures annoncées sont homéopathiques par rapport à leur dette et leur déficit considérables
», renchérit Elie Cohen.
Surtout, les objectifs affichés ne sont ni justifiés ni tenables. « Cela n’a pas de sens de se
concentrer uniquement sur l’objectif d’un déficit à 3% du PIB », souligne Andrew Scott,
rappelant que les comptes ont dérapé surtout en raison de la crise.
Pour Elie Cohen, « mieux vaut des engagements étalés mais réalistes et tenables que des
promesses forcenées qu’on ne tiendra pas et qui du coup aggraveront la crise ». Car le vrai
risque est à ses yeux que la crédibilité des pays ne soit « entachée » par le non respect des
promesses, ce qui relancerait inévitablement la crise de défiance que traverse la zone euro.
L’Expansion.com – 25/05/2010 15:39:00