par Marie Maitre
PARIS (Reuters) - La culture d'entreprise et le management de Suez devraient prendre le dessus au sein de GDF Suez mais cela ne se fera pas du jour au lendemain et entraînera des tensions qui pourraient retarder l'intégration du nouveau géant mondial de l'énergie.
Le mariage de Gaz de France - qui était contrôlé par l'Etat - et du groupe privé Suez a eu lieu officiellement mardi après deux ans et demi de fiançailles, donnant naissance à un nouvel ensemble dont les activités gazières et électriques sont complémentaires. Il devrait générer un milliard d'euros de synergies opérationnelles à l'horizon 2013.
Alors que les analystes financiers saluent la pertinence de l'opération au niveau géographique et des activités, certains estiment que la direction bicéphale du nouvel ensemble est intenable et que les différences culturelles rendront difficile la génération de synergies supérieures à l'objectif affiché.
"L'objectif 2013 est fiable et tout à fait dans la norme (...). Je ne vois pas d'autres synergies dans l'immédiat précisément à cause de ces problèmes de pollution interne qui vont retarder un peu (les synergies)", indique Jacques-Antoine Bretteil, gérant de International Capital Gestion.
Certains analystes jugent que l'objectif de synergies de GDF Suez est conservateur pour un groupe qui vise un excédent brut d'exploitation (Ebitda) d'environ 17 milliards d'euros en 2010.
"Les objectifs de synergies sont incroyablement bas. Mais s'il s'agissait d'objectifs réels, alors les tensions au plus haut du management auraient pu les mettre en question", estime sous couvert d'anonymat un analyste basé à Londres.
Gérard Mestrallet, ex-président de Suez, est devenu le P-DG du nouveau groupe tandis que l'ex P-DG de GDF Jean-François Cirelli a été nommé vice-président et directeur général délégué.
"LES FLINGUES VONT SORTIR"
A un étage plus bas, les cadres de GDF Yves Colliou et Jean-Marie Dauger partagent les responsabilités de vice-présidents avec les hauts dirigeants de Suez Jean-Pierre Hansen et Gérard Lamarche, ce dernier étant en charge des finances.
Le comité exécutif comprend toutefois sept cadres de Suez, en charge des divisions clés de l'énergie à l'international, de la stratégie et de la communication, contre six pour GDF.
Stéphane Brimont, qui était en charge des finances chez GDF, devient directeur financier adjoint auprès de Gérard Lamarche et Pierre Clavel, anciennement directeur de la branche internationale du groupe gazier, travaillera sous la direction de Jean-Pierre Hansen.
"Les flingues vont sortir. Tous les patrons sont des hommes clés de Suez qui vont dégommer les uns après les autres les anciens de GDF", prédit un analyste basé à Paris sous couvert d'anonymat.
Selon un autre analyste, basé à Londres, "il y aura petit à petit une majorité d'anciens de Suez et cela va créer des tensions". "Il ne faudrait pas sous-estimer ces tensions entre les hommes."
"Cela pourrait retarder les décisions, créer une publicité négative et, si cela dure, entraîner une intervention du gouvernement. GDF dispose de bons réseaux dans le monde politique et pourrait demander le soutien du gouvernement pour résoudre les problèmes", ajoute l'analyste basé à Londres.
L'Etat, qui détenait 80% du capital de GDF, reste actionnaire de GDF Suez à hauteur de 35%.
Pour Jacques-Antoine Bretteil, les tensions n'iront pas si loin : "Les différences de culture vont s'estomper avec le temps et la mainmise de l'équipe Mestrallet. Ils vont étouffer le match. Ils vont prendre le dessus, mais avec doigté car M. Mestrallet n'est pas non plus un tueur, donc je ne suis pas inquiet."
L'AVENIR DE CIRELLI EN QUESTION
La prise de contrôle attendue du management de Suez pose la question de l'avenir de Jean-François Cirelli et plusieurs observateurs - au sein du groupe et à l'extérieur - s'attendent à ce qu'il quitte GDF Suez d'ici à un an.
"Mestrallet est incroyablement dominateur. Il ne laisse pas un millimètre aux autres, donc je pense que Cirelli s'en ira bien plus tôt que ce qu'on peut penser. Le gouvernement lui trouvera du travail ailleurs", selon l'analyste basé à Londres.
Pour l'analyste parisien, "César a déjà prévu de tuer Brutus avant même que Brutus s'aperçoive qu'il avait une chance d'y arriver".
"Il est évident qu'il y a des différences de mentalités. Ceux qui devaient partir sont partis en profitant du pont qui existe entre GDF et EDF. Ceux qui ne peuvent concevoir de travailler pour une entreprise privée sont partis", selon une source interne à GDF Suez. EDF reste contrôlé à 85% par l'Etat.
Mestrallet et Cirelli ont plusieurs fois minimisé les différences culturelles entre les deux sociétés, Mestrallet soulignant des "différences mais absolument pas des incompatibilités".
Colette Lewiner, responsable du secteur "Energie, Utilities et Chimie" chez Capgemini, estime elle aussi que les différences culturelles n'entraveront pas l'intégration.
"(Les cultures seront différentes) selon les géographies et les secteurs d'activité. Si l'on parle du nucléaire en Belgique, ce sera la culture Suez. Si l'on parle de la vente de gaz, c'est la culture de Gaz de France."
Version française Benjamin Mallet, édité par Jean-Michel Bélot
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