(BFM Bourse) - Entretien accordé à La Vie Financière par Camille Planchet, le Président de l'association des actionnaires salariés d'EDF-EAS.
Pourquoi tirer la sonnette d'alarme ?
Depuis un peu plus d'un an, EDF est mis à toutes les sauces. On a imposé à l'entreprise de supporter le coût induit par la protection tarifaire, voulue par les parlementaires (cf. le tarif de retour Tartam). Le groupe doit fournir des concurrents en électricité bon marché pour qu'un simulacre de concurrence s'esquisse sur le marché français. Par ailleurs, chaque jour, le risque de séparation patrimoniale entre les réseaux d'EDF et ses autres activités est un peu plus grand, au risque de fragiliser la société. Qui plus est, le groupe est, avec d'autres énergéticiens français, au centre d'une enquête pour abus de position dominante.
La démarche de Bruxelles n'est-elle pas justifiée ?
EDF et GDF se sont mis en ordre de bataille pour satisfaire les exigences européennes : changement de statut, ouverture du capital, adossement du régime de retraite au régime général, filialisation du transport, du distributeur, ouverture à la concurrence. Mais ces changements relèvent d'une logique purement idéologique, fondée sur les mérites de la concurrence. Ils conduisent à un pilotage à court terme alors que, à EDF, il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur l'avenir de l'entreprise.
Vous défendez l'idée d'un rapprochement de GDF avec EDF plutôt qu'avec Suez ; pourquoi et comment ?
Nous pensons que la fusion Suez-GDF n'est une bonne solution ni pour GDF, ni pour EDF. La privatisation de GDF serait un reniement de la parole donnée lors du changement de statut juridique en 2004, avec le risque de défiance que cela comporte. La fusion ne réglerait pas la question centrale de la sécurité des approvisionnements gaziers en France et se ferait au détriment de l'Etat et des actionnaires de GDF, en raison de l'écart important de valorisation boursière entre les deux entreprises. En outre, l'Etat se priverait d'un levier essentiel de sa politique économique et énergétique.
Au lieu d'offrir GDF à Suez et de fragiliser EDF, qui n'est en rien assuré de récupérer la filiale belge Distrigas, un renforcement des liens et des coopérations entre EDFet GDF paraît plus pertinent.
Le principe de joint-venture entre EDF et GDF a fait ses preuves dans la distribution depuis plus de cinquante ans. Il pourrait être étendu à d'autres domaines. Dans la production et l'approvisionnement gazier, la puissance de négociation de GDF serait renforcée face aux producteurs, car les volumes de gaz seraient doublés. Pour disposer de capacités de production d'électricité, GDF pourrait aussi obtenir une participation dans l'EPR. Les deux sociétés pourraient aussi établir un partenariat dans les réseaux de transport permettant de faire face aux impératifs de scission évoqués par Bruxelles. On pourrait même envisager un développement international conjoint. Le renforcement des synergies industrielles entre EDF et GDF serait créateur de valeur pour les actionnaires des deux entreprises et mériterait d'être sérieusement étudié.
Propos recueillis par M.-J.P.
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