PARIS (Reuters) - Cheuvreux, filiale de courtage du Crédit agricole, rejoint la liste des entreprises sous pression pour des bonus à ses dirigeants alors qu'elles suppriment des emplois et reçoivent des aides publiques.

Selon le journal Libération, qui a dévoilé mardi les indemnités de départ du patron de Valeo, Cheuvreux s'apprête à distribuer 51 millions d'euros de bonus à ses dirigeants alors qu'il a lancé un plan de restructuration prévoyant de supprimer 75 emplois.

"Les rémunérations variables dont il est question concernent l'année 2008, exercice au cours duquel Cheuvreux a enregistré des résultats satisfaisants malgré une fin d'année plus difficile", se justifie le groupe dans un communiqué.

Le courtier a précisé que les rémunérations variables concernent l'ensemble des 800 salariés du groupe, mais ne commente pas l'information du journal selon laquelle l'essentiel des 51 millions "est réservé au top management".

Les courtiers sont payés par des commissions sur les ventes de titres et ne sont pas donc vulnérables directement à l'effondrement des cours. Ils ressentent par contre fortement la baisse du volume des échanges qui est intervenue depuis le mois de novembre.

"Pour 2009, le recul de l'activité se traduira par une très forte baisse des rémunérations variables", prévient Cheuvreux.

Le Crédit agricole a reçu trois milliards d'euros de l'Etat français pour renforcer ses fonds propres et a également accès au mécanisme de refinancement des banques mis en place par le gouvernement.

NE PAS "RÉMUNÉRER L'ÉCHEC"

Ces révélations surviennent quelques jours après l'affaire des stock-options de la Société générale, auxquelles les dirigeants de la banque ont dû renoncer sous la pression et alors que la majorité parlementaire réfléchit à une loi pour encadrer les rémunérations des patrons.

Contrairement aux dossiers Valeo et Société générale, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a relativisé la portée des informations concernant Cheuvreux.

La situation est "différente des bonus et des rémunérations exceptionnelles des dirigeants comme dans d'autres cas qu'on a connus", a-t-il expliqué lors du compte-rendu du conseil des ministres.

"Sur les rémunérations, les personnes concernées ce sont des vendeurs, pas des traders (...) Un vendeur de voitures, de cravates, de produits financiers touche une part fixe et une part variable qui est indexée sur le volume des ventes", a-t-il souligné.

De plus, "en regardant de près, il n'y a pas 75 licenciements mais ce sont en France des départs volontaires", a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, s'est en revanche déclaré choqué par l'affaire Cheuvreux.

"Ils n'ont pas intérêt à les toucher ces bonus! Rémunérer la réussite fait partie des valeurs qu'il faut avoir mais rémunérer l'échec: il n'en est pas question!", a-t-il lancé sur Europe 1.

"L'argent public ne sert pas à financer les bonus privés, l'argent du contribuable permet de sauver des établissements bancaires (...) de la faillite pas à rémunérer les bonus de quelques-uns", a-t-il ajouté.

"Dans cette situation où les plans sociaux se multiplient (...) c'est une espèce de défi au bon sens et à la morale. Il faut faire cesser ces comportements qui ne sont pas acceptables", a déclaré Alain Juppé sur Canal+.

L'ancien Premier ministre a cependant fait le distinguo entre les entreprises aidées par l'Etat et les autres établissements.

Laure Bretton et Julien Ponthus, édité par Jean-Michel Bélot

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