(BFM Bourse) - L'inventeur du premier cœur artificiel annonce une nouvelle levée de fonds pour se donner un peu d'air financier à court terme. D'un montant initial de 15 millions d'euros pouvant être porté à près de 20 millions au maximum, Carmat espère ainsi prolonger sa visibilité financière au moins jusqu'au début du mois de mai.

A court d'argent à la fin du mois, Carmat a annoncé le lancement d'une augmentation de capital pour refaire partir ses finances. Cette annonce n'est pas une surprise pour les marchés. La société fondée en 2008 avait averti lundi avoir besoin de solliciter à nouveau les marchés pour avoir les ressources nécessaires au déploiement de son cœur artificiel.

Dans le détail, cette levée de fonds prend la forme d'une augmentation de capital d'un montant initial de 15 millions d'euros. Ce montant peut être porté à un montant maximal de 19,8 millions d'euros en cas d'exercice intégral de la clause d’extension et de l’option de surallocation. Carmat a fixé le prix de souscription à 3,99 euros, soit une décote de 30% par rapport à la moyenne des cours moyens pondérés par les volumes des cinq dernières séances de bourse précédant la fixation de ce prix. La période de souscription est ouverte depuis ce jeudi 18 janvier et court jusqu'au 25 janvier 2024.

Cette opération a reçu des engagements de souscription et des engagements à titre de garantie à hauteur de 9,17 millions d'euros, représentant 61,13% du montant initial de l’opération. Dont ceux de trois actionnaires historiques à savoir Lohas, Santé Holdings et Therabel Invest pour 3,25 millions d'euros.

"Carmat a reçu l’engagement de certains investisseurs pour un montant total de 9,2 millions d’euros, mais la levée n’est pas garantie. Si le total des souscriptions représente moins de 11 millions d’euros, l’offre sera annulée", prévient Degroof Petercam.

A la Bourse de Paris, le titre Carmat chute de 15,4% à 4,465 euros vers 10h30 après l'annonce de cette opération cruciale pour les finances de la medtech.

Une levée de fonds pour soutenir le développement

L’émission annoncée ce jour par Carmat a pour objet principal de renforcer les capitaux propres de la société et de financer son besoin en fonds de roulement à court terme. A ce jour, la société dit disposer d’une trésorerie de 8 millions d'euros lui permettant de financer ses activités jusque fin janvier 2024. La situation financière de Carmat est critique puisqu'elle dispose de ressources financières ne lui permettant de financer ses activités que jusqu'à la fin du mois. Autrement dit demain.

La medtech prévoit d’utiliser le produit de la levée de fonds pour soutenir le développement de ses activités et notamment, la montée en puissance de sa production, et la croissance des ventes d'Aeson, son cœur artificiel. Les fonds levés seront aussi dédiés au financement de son essai clinique EFICAS en France.

Pour rappel, cette étude vise à démontrer l’efficacité et la sécurité du cœur artificiel total Carmat chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire irréversible comme pont à la transplantation, et sa supériorité par rapport aux traitements existants pour la même population de patients cible en termes de coût et d’efficacité. Un des objectifs de l'étude EFICAS est la collecte des données médico-économiques et l'obtention du remboursement du dispositif, notamment en France.

Des "planètes alignées" pour un analyste

L'opération annoncée ce jeudi offre ainsi une nouvelle visibilité financière à Carmat, jusqu'au mois de mai 2024. Pour autant, la situation reste compliquée pour Carmat, même en cas de succès de l'offre. La société a en effet tenu à avertir le marché que cette levée de fonds sera insuffisante pour assurer le financement de son activité sur les 12 prochains mois.

"Carmat restera confrontée au défi critique de son financement à court terme, avec une insuffisance nette à financer comprise, en fonction des résultats de ses discussions en cours avec ces créanciers financiers (en particulier la Banque Européenne d’Investissement) entre 37 et 55 millions d'euros pour assurer ses activités sur les 12 prochains mois", prévient la medtech.

Et dans l’hypothèse où l’offre ne se réaliserait pas et où la société n’aurait accès à aucun autre financement complémentaire d’ici le 31 janvier 2024, son insuffisance de financement se matérialiserait à compter de cette date, compte tenu de son niveau de trésorerie, estimé à 8 millions à ce jour. Carmat estime, sur la base de son business plan, qu’il lui faudra sécuriser environ 65 millions d'euros de financements pour assurer l’ensemble de ses activités sur les 12 mois à venir.

La société dit ainsi travailler à "une extension progressive de son horizon de financement à 12 mois" comprenant la concrétisation l’augmentation de capital annoncé ce jour, et d'autres "initiatives complémentaires". Carmat fait référence au "une ou plusieurs autres augmentations de capital", aux discussions avec la Banque Européenne d’Investissement les modalités de son prêt contracté en 2018 et aux pourparlers avec ses banques créancières.

Pour autant, Invest Securities conseille de souscrire à cette levée de fonds, afin de "profiter de la décote" même si l'augmentation de capital ne couvre que 30% des besoins de Carmat pour l'année en cours.

Le bureau d'études estime à ce stade que les "planètes sont alignées" pour une réévaluation du titre en 2024. Invest Securities cite plusieurs arguments en faveur de la société, à savoir qu'elle dispose d'un outil industriel est totalement opérationnel, d'une technologie de rupture répondant à un besoin conséquent avec son cœur artificiel. Il avance également un newsflow (un flux de nouvelles) à venir qui devrait être plus exhaustif et positif.

Lundi, la société avait communiqué ses ambitions pour l'exercice en cours. Elle compte atteindre à partir de cette année une capacité de production de 500 cœurs artificiels par an et espère ainsi finir l'année 2024 avec un chiffre d'affaires compris entre 14 à 20 millions d'euros. "Cet objectif suppose une forte accélération des implantations en 2024, avec un quasi doublement (estimé) de la cadence d’implantation trimestrielle par rapport au quatrième trimestre 2023", avançait Invest Securities dans sa précédente note consacrée à Carmat.

Avec cette montée en cadence progressive, Carmat maintient son objectif de soumission à la FDA (Food and Drug Administration, l’autorité sanitaire américaine) d'ici fin 2026, de son dossier visant l’obtention d'une autorisation lui permettant de démarrer la commercialisation d’Aeson aux Etats-Unis en 2027. La société avait aussi précisé en début de semaine qu'elle comptait atteindre le seuil de rentabilité en 2027.