(BFM Bourse) - Après des années de vaches maigres, les petites et moyennes capitalisations de la Bourse de Paris connaissent un réveil, ces derniers mois. Depuis le début de l'année, l'indice CAC Small surperforme nettement le CAC 40.
Les derniers millésimes boursiers n'étaient clairement pas en faveur des petites et moyennes capitalisations de la place parisienne. Dans un précédent article, nous avions décrit les raisons qui expliquaient la sous-performance chronique de cet univers. Notamment le fait qu'elles sont très sensibles aux taux d'intérêt élevés.
L’année 2024 n’avait pas fait exception, avec un contexte politique en France qui accentué les difficultés sur cette classe d’actifs, souligne Dickson Moutapam, gérant-analyste actions chez Promepar Asset Management.
"On a connu un rebond de ce compartiment sur la période avril/juin 2024 mais qui a été tué dans l’œuf par l'annonce de la dissolution en juin", a rappelé Vincent Le Sann, directeur général adjoint de Portzamparc dans BFM Bourse.
La défense en soutien
L'an passé, le CAC Mid&Small a essuyé un recul de plus de 6%, contre une baisse de 2,15% pour le CAC 40. Le bilan est encore plus lourd pour le CAC Small qui a rendu quasiment 8% en 2024.
"Depuis plusieurs années, les PME-ETI (petites et moyennes entreprises - entreprises de taille intermédiaire) cotées souffrent de la situation difficile des grandes économies européennes (France et Allemagne) et d’un contexte défavorable résultant de l’impact de la hausse des taux sur les valorisations", remarque aussi Dickson Moutapam.
Toutefois, plusieurs observateurs pensent que la traversée du désert est finie pour les petites et moyennes capitalisations de la Bourse de Paris. Il faut dire que la dynamique observée depuis le début de l'année leur donne plutôt raison. Depuis le 1er janvier, le CAC Small s'apprécie de de 13,6%*, surperformant le CAC 40, qui gagne de son côté 6,4%. Le CAC Mid&Small s'en tire avec les honneurs, gagnant 6,6% sur 2025.
"L’indice CAC Mid & Small a été porté par les valeurs de défense qui ont fortement progressé à l’image d’Exail Technologies", ont rappelé tour à tout Vincent Le Sann et Eric Lewin, président d'EL Finance à l'antenne de BFM Bourse.
Le secteur de la défense a signé ces derniers mois des performances impressionnantes en Bourse, liées aux annonces des dirigeants européens de hausses des budgets militaires sur le Vieux continent, ce qui débouchera logiquement sur de nouvelles commandes.
TP ICAP Midcap avait estimé en avril qu'Exail Technologies était "idéalement placé" pour tirer profit de l'augmentation sans précédent des budgets de la défense en Europe.
Des valeurs moins touchées par les droits de douane
Historiquement, la performance des petites et moyennes valeurs de la Bourse de Paris est souvent influencée par l'environnement macroéconomique et la perception du risque des investisseurs, rappelle Philippe Hottinguer Gestion.
Or, pour la société de gestion, le contexte devient plus favorable à un retour des investisseurs alors que le cycle monétaire et la croissance en Europe semblent selon elle, "arriver à un tournant". La société de gestion fait référence au mouvement de baisse des taux enclenché par la Banque centrale européenne depuis l'été 2024.
Rappelons que les petites et moyennes capitalisations avaient été violemment secouées en 2023 par un resserrement rapide et brutal des conditions de crédit.
"Le niveau des taux d’intérêt est un élément important dans la valorisation des entreprises, et notamment celles évoluant dans des secteurs d'activité qui se valorisent par actualisation des flux. Quand vous avez une perception d'une baisse des taux d’intérêt à venir, les valeurs santé et biotech dont on sait que les flux à venir sont particulièrement lointains, bénéficient de ce mouvement", détaille Vincent Le Sann.
Les petites et moyennes capitalisations sont aussi beaucoup moins internationalisées que les ténors de la cote. Ce qui était leur talon d'Achille il y a encore quelques années, est désormais leur force. "Les droits de douane touchent très peu les 'small caps'. Les valeurs du CAC 40 réalisent 78% de leur chiffre d'affaires à l’international, tandis que celles du CAC Small c’est seulement entre 18% et 20%", juge Eric Lewin.
Un avis qui est partagé par Joffrey Ouafqa, directeur des gestions chez Auris Gestion. "La visibilité sur les 'small et mid caps' est en train de s’améliorer assez nettement là où celle sur les 'larges caps' est un peu plus incertaine avec la problématique des droits de douane", a-t-il déclaré à l'antenne de BFM Bourse.
Notamment en avril quand les les marchés financiers ont évolué tout au long du mois au rythme des annonces sur les tarifs douaniers entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux. Entre le 2 et le 10 avril, le durcissement des relations avec Washington a fortement pesé sur la Bourse de Paris, provoquant une chute de 11% du CAC 40 tandis que le CAC Small n'a rendu que 3,4% sur la période.
"Une valorisation plus attractive, une exposition marquée au secteur de la défense et une moindre sensibilité à la recherche de liquidité ont soutenu ce segment", rappelle Cécile Aboulian Directrice Equity Capital Market chez In Extenso Finance.
Les OPA et l'âge du capitaine
Le début d'un cycle monétaire plus accommodant plaide donc en faveur d'une reprise des petites et moyennes capitalisations européennes. Tout comme de potentielles opérations de rachat d’entreprises de cet univers dont les valorisations sont actuellement à la casse et pouvant intéresser des acteurs de taille importante en quête d'une brique technologique, d'un savoir-faire particulier ou d'un levier de croissance supplémentaire.
Les experts de Philippe Hottinguer remarquaient qu'en décembre 2024, les petites capitalisations affichaient une valorisation avec une décote au plus haut de 20 ans par rapport aux grandes capitalisations. "Le contraste est également marqué face au private equity (capital investissement, NDLR), avec un ratio valeur d'entreprise rapporté au résultat brut d’exploitation (Ebitda) d’environ 7,4 contre 9,8 pour le capital investissement", ajoutent-ils.
Ce qui explique le nombre important d'offres publiques qui ont animé la cote ces dernières années. L'an dernier, 42 offres publiques ont été recensées sur des sociétés cotées à la Bourse de Paris. C'est 11 de plus qu'en 2023 (31) et quasiment autant qu'en 2021 (45), qui constituait alors une année record en la matière, selon le baromètre publié en début d'année par la banque d’investissement Alantra.
Les différentes offres publiques et les primes offertes aux actionnaires lors d'opérations de rachat, ces derniers mois, ont aussi contribué à la progression du compartiment des petites et moyennes capitalisations, explique Eric Lewin.
La société indienne Zydus Lifesciences Limited a par exemple proposé en mars dernier un prix de 6,25 euros par action pour racheter les minoritaires de la medtech Amplitude Surgical. Ce prix a extériorisé une prime de 80,6% par rapport au dernier cours coté avant l'annonce.
"Vous avez beaucoup de patrons de sociétés qui dépassent la soixantaine et qui n’en peuvent plus de voir leur valorisation bradée. A un moment ou à un autre, ces sociétés passeront soit sous pavillon étranger ou l'égide d’un fonds de capital investissement", avance Eric Lewin. "Plein de fonds sont en embuscade car il y a une décote de 30% entre ces petites et moyennes capitalisations présentes en Bourse et une (entreprise, NDLR) non cotée", abonde-t-il.
Les particuliers ont par ailleurs constitué un point d'appui bienvenu à cet essor boursier des petites et moyennes capitalisations depuis le début de l'année. "Les particuliers sont toujours acheteurs nets sur les 'small' en France alors que les investisseurs professionnels n'ont pas retrouvé de flux de collecte positive depuis le début de l'année, malgré les initiatives qui ont pu être menées avec par exemple le lancement du fonds CDC Croissance d'un montant de 500 millions d'euros et la modernisation des règles d'éligibilité au PEA PME en 2024", explique Vincent Le Sann.
"Les fonds spécialisés sur les PME-ETI cotées françaises ont connu un niveau de décollecte important ces dernières années. Cet affaiblissement du marché impacte aussi directement la dynamique des cotations, le marché français ayant recensé davantage de retraits de cote que d’introductions de Bourse depuis deux ans", rappelle Dickson Moutapam
Le réveil boursier observé ces derniers mois sur les petites et moyennes capitalisations peut-il changer la donner et inciter de nouvelles entreprises à rejoindre la Bourse de Paris? L’année 2025 sera en tout cas, une année charnière pour les petites et moyennes capitalisations en matière d'entrées en Bourse, a estimé Vincent Le Sann.
Variation arrêtée à la clôture du jeudi 15 mai