(BFM Bourse) - Les deux entreprises ont confirmé ce mercredi discuter en vue d'un rapprochement. Une fusion entre les deux groupes donneraient naissance à un véritable géant du secteur des TIC. Mais des risques importants existent autour de cette opération.
Bureau Veritas et son rival suisse SGS ne sont peut-être pas aussi connus que Peugeot SA et Fiat Chrysler. Mais leur mariage représenterait à coup sûr un big bang dans leur secteur, un peu comme la naissance de Stellantis dans l'automobile.
Les deux sociétés spécialisées dans les "TIC", c'est-à-dire les tests, inspections et certifications, ont confirmé ce mercredi 15 janvier dans des communiqués distincts qu'elles avaient pris langue en vue d'un potentiel rapprochement. "Rien ne garantit que ces discussions aboutissent à une quelconque transaction ou accord", ont déclaré les deux entreprises.
Bureau Veritas et SGS sont sortis du bois à la suite d'une indiscrétion de Bloomberg. L'agence de presse avait rapporté mardi soir que les deux sociétés étaient "en discussions avancées" en vue d'une fusion.
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Convaincre Bpifrance et Wendel
Comme le souligne l'agence, une telle opération nécessiterait l'accord de la société d'investissement Wendel, actionnaire historique de Bureau Veritas et qui possède encore 26,5% de son capital.
"En cas de fusion, Wendel aurait 11% du nouveau groupe et pourrait faciliter une cession via un bloc, surtout avec une liquidité significative", estime Oddo BHF.
Le courtier juge qu'il faudrait également convaincre l'organisme public Bpifrance qui, via le fonds Lac1, avait pris une participation de 4% dans Bureau Veritas, en avril.
De l'autre côté, l'actionnaire le plus important de SGS reste la société d'investissement belge Groupe Bruxelles Lambert (GBL).
Sur la base de leurs résultats 2023, une fusion entre Bureau Veritas et SGS ferait naître un acteur avec des revenus tutoyant les 13 milliards d'euros de revenus (7 milliards d'euros environ pour SGS, 5,9 milliards d'euros pour Bureau Veritas).
Des vertus....
La capitalisation boursière combinée des deux sociétés pourrait représenter autour de 32,5 milliards d'euros. SGS (17,3 milliards de francs suisses soit 18,5 milliards d'euros) est toutefois nettement plus gros en Bourse que Bureau Veritas (14,1 milliards d'euros).
D'ailleurs si l'action Bureau Veritas grimpe à la Bourse de Paris, prenant 3% vers 11h20 et signant la plus forte hausse du CAC 40, SGS de son côté cède 5% à la Bourse de Zurich.
Dans la mesure où SGS affiche la capitalisation boursière la plus élevée, le marché peut peut-être redouter que les termes de la fusion, si elle se confirme, soient plus favorable au groupe français qu'à la société suisse.
"La prime actuelle de +30% de SGS pourrait laisser à penser que l’opération serait surtout profitable aux actionnaires de Bureau Veritas", a écrit Invest Securities dans une note publiée avant l'ouverture du marché.
Sur l'aspect stratégique de cette fusion, Royal Bank of Canada se montre enthousiaste, jugeant qu'une telle opération "fait sens sur le papier".
"Bien qu'il s'agisse probablement d'une démarche offensive, nous soupçonnons que la proposition comporte également des aspects défensifs (…), car nous nous attendons à ce que les conditions du marché se durcissent au cours des 12 à 18 prochains mois. Les synergies devraient être très importantes ; les dis-synergies (antagonismes, NDLR) sont moins certaines et pourraient constituer un cadeau pour Intertek, un concurrent plus petit", écrit la banque canadienne.
L'établissement estime que des synergies de coûts pourraient représenter entre 2% et 3% des ventes combinées, soit autour de 285 millions à 430 millions d'euros. En outre, ce rapprochement pourrait permettre aux deux sociétés de mieux faire face à la hausse des dépenses de R&D dans les cinq à dix prochaines années, qui sont jugées nécessaires par la banque, dans la mesure où la technologie jouera un rôle accru dans le secteur.
Royal Bank of Canada explique, par ailleurs, que le marché des TIC reste fragmenté, les dix plus gros acteurs du secteur se partageant environ 25% d'un marché estimé à environ 150 milliards d'euros.
...Mais aussi des risques de synergies négatives
La banque souligne aussi que cette opération potentielle survient à un moment où les deux sociétés sont engagées dans des politiques actives de fusions-acquisitions et alors que leurs patronnes sont arrivées récemment à la tête des deux sociétés.
Hinda Gharbi est devenue directrice générale de Bureau Veritas en juin 2023, succédant à Didier Michaud-Daniel tandis que Géraldine Picaud a pris les manettes de SGS en mars 2024.
Oddo BHF juge de son côté qu'une fusion entre les deux sociétés constituerait un "pari risqué". Le courtier redoute "des synergies commerciales négatives".
"Dans le secteur TIC, les entreprises clientes n’accordent pas toujours 100% de leur volume d’activité à un seul prestataire afin de gérer les risques. La raison à cela est que le secteur TIC est lié aux accréditations de ces acteurs (il faut être accrédité pour effectuer tel ou tel test, inspection ou certification)", explique le courtier.
"Si un acteur, pour quelque raison que ce soit, perdait sa certification, il faut alors que son client soit en mesure d’allouer ses flux rapidement à un autre acteur, sans reprendre tous les process de zéro. Aussi, dans la mesure où SGS et Bureau Veritas sont les deux plus grands acteurs, il est probable que l’un soit fournisseur secondaire là ou l’autre est fournisseur principal (et vice-versa). En cas de fusion, il est probable qu’un nouveau fournisseur secondaire soit choisi, rendant l’opération créatrice de synergies négatives", développe Oddo BHF.
Le courtier souligne aussi que les deux entreprises se trouvent dans des "dynamiques différentes" ce qui ajoute de l'incertitude autour d'un regroupement entre les deux sociétés. SGS a lancé un plan de redressement alors que Bureau Veritas avait présenté en mars 2024 un plan stratégique "plus ambitieux, d'accélération", expose le bureau d'études.
Jefferies livre également une analyse mi-figue mi-raisin. La banque note que les deux entreprises présentent des complémentarités, Bureau Veritas étant davantage présente dans les bâtiments et infrastructures, l'inspection, ainsi que dans la marine, son secteur historique, tandis que SGS a une empreinte plus importante dans l'environnement, la santé, la nutrition ou les ressources naturelles. Jefferies note également les vertus que présenterait ce rapprochement en termes de taille et de synergies.
"Toutefois, nous constatons que de nombreuses activités liées aux TIC restent des activités relativement locales dont l'intégration peut prendre du temps, avec des différences culturelles entre les organisations et un risque de 'dis-synergies'".
Jefferies se dit également surpris du moment de cette annonce, notamment parce que le marché se montrait optimiste sur le redressement de SGS et que Bureau Veritas avait déjà accompli beaucoup d'efforts pour diversifier son portefeuille d'activité.
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