par Andrea Shalal-Esa
WASHINGTON (Reuters) - La guerre des mots a franchi un nouveau palier mercredi entre Boeing et Northrop Grumman Corp, qui, associé au groupe européen EADS, a remporté un contrat de 35 milliards de dollars portant sur la livraison d'avions ravitailleurs à l'US Air Force aux dépens de l'avionneur américain.
Les deux entités se battaient depuis des années pour ce contrat de 179 avions, mais la décision annoncée le mois dernier par l'US Air Force de l'attribuer à Northrop/EADS, loin de mettre un terme à la compétition, a lancé une nouvelle bataille qui se joue au Congrès et dans les médias.
Dans un communiqué de presse diffusé mercredi, Northrop accuse Mark McGraw, qui dirige le département des avions ravitailleurs chez Boeing, de s'être rendu coupable d'"un certain nombre de fausses assertions" dans une tribune publiée par le New York Times.
La firme américaine continue en rétablissant sa version: l'US Air Force a opté pour Northrop/EADS en raison de la taille et de la capacité des ravitailleurs qu'ils proposaient - sur la base d'un Airbus A330 - et parce que l'avion avait été construit et testé tandis que le projet Boeing, toujours selon Northrop, devait encore sortir des chaînes d'assemblage.
Dans sa tribune, McGraw accuse l'état-major de l'armée de l'air d'avoir modifié les termes de son appel d'offre en faveur de Northrop et de son ravitailleur basé sur l'A330 sans en avoir informé Boeing.
LE WSJ ET LES "APPELS DÉVOYÉS AU PATRIOTISME"
L'affaire prend aussi un tour politique sur fond de patriotisme économique et de sécurité nationale.
Todd Tiahrt, élu républicain du Kansas à la Chambre des représentants, dont la circonscription héberge des usines Boeing, a ainsi proposé que les entreprises dont les gouvernements ne consacrent pas au moins 2% de leur PIB à leur armé soient exclues à l'avenir des appels d'offre.
D'autres élus ont menacé de bloquer le financement du contrat remporté par Northrop/EADS.
Dans un éditorial, le Wall Street Journal parle d'"appels dévoyés au Congrès en faveur d'un patriotisme dans les contrats en matière de défense".
La proposition de Todd Tiahrt, poursuit le quotidien économique, écarterait de fait la quasi-totalité des entreprises européennes et exposerait à coup sûr les Etats-Unis à des mesures de représailles dont seraient victimes Boeing et d'autres sociétés américaines de défense très présentes à l'étranger.
Sue Payton, directrice des achats de l'US Air Force, a affirmé pour sa part que l'appel d'offre avait été "incroyablement ouvert, transparent et rigoureux" et que les deux entités en lice avaient eu "un grand nombre d'occasions de communiquer avec nous".
Le Government Accountability Office (GAO), équivalent de la Cour des comptes rattaché au Congrès, doit se prononcer sur le contrat d'ici au 19 juin.
Au Congrès, les élus se disputent pour savoir laquelle des deux offres crée le plus d'emplois. En l'état de la législation, ce critère n'entre pas dans ses prises de décision, rappelait ce mois-ci John Young, qui dirige les achats d'arme au Pentagone. Pour ce faire, il faudrait au préalable que le Congrès modifie la loi, ajoutait-il.
Selon les documents d'évaluation de l'US Air Force, que Reuters a pu consulter, le projet Northrop l'emporte par ses capacités de ravitaillement en vol, ses performances dans un scénario de guerre et sa gestion d'autres programmes.
Certaines faiblesses sont également recensées, comme un défaut d'éclairage pour les opérations nocturnes de ravitaillement, l'intégration de logiciels informatiques et les capacités de défense du ravitailleur. Mais, note l'US Air Force, ces questions peuvent être réglées durant la phase de développement.
Signe de la tension, Northrop a mis en place à son siège de Washington une cellule de crise qui recense tous les articles écrits sur le dossier. Après avoir initialement opté pour une approche tout en discrétion, la direction de Northrop a décidé de réagir à toute déclaration qu'elle jugerait non conforme aux faits.
Version française Henri-Pierre André
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