(BFM Bourse) - L'avionneur européen a douché les marchés cette semaine en abaissant ses objectifs pour l'année en cours. Mais sa performance boursière reste au-dessus de son éternel rival américain, et ses problèmes demeurent de nature bien différente.
Cela a été l'un des moments forts de la semaine boursière: Airbus a glacé le marché, mardi, en abaissant ses perspectives pour 2024. La société a réduit sa prévision de livraisons d'avions à 770 pour 2024, contre 800 précédemment, et a également sabré ses projections de résultat opérationnel ajusté et de génération de trésorerie.
La faute à des difficultés encore plus importantes que prévu dans le spatial et à un regain de tensions insoupçonné qui est survenu sur sa chaîne logistique, notamment au niveau des moteurs.
Ce revers constitue un accroc important pour l'ex-EADS. Deutsche Bank a évoqué un avertissement sur résultats "stupéfiant" et Royal Bank of Canada redoute que les investisseurs placent l'action dans une "penalty box", en raison de son exécution non exempte de reproches.
Le marché a sanctionné en conséquence Airbus, et l'action a perdu mardi 9,4%, sa plus forte chute sur une séance depuis novembre 2021, lorsque la crainte d'un nouveau variant du Covid-19 avait effrayé les marchés.
Mais, pour citer les propos (prononcés en 2022) de Guillaume Faury, le président exécutif d'Airbus, "quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console".
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Boeing sous-performe largement en Bourse
Si Airbus a irrité le marché, Boeing reste largement à la traîne de son grand rival européen sur le plan boursier. Depuis le début de l'année, Airbus abandonne, certes, 7,7% (*), mais Boeing chute bien plus lourdement (-30%). Sur dix ans, Airbus affiche une hausse de 162% quand Boeing prend quatre fois moins (+43%).
Même si cet indicateur peut avoir ses limites, le pourcentage d'analystes conseillant d'acheter le groupe européen s'avère supérieur. Selon investing.com, il s'élève à 71% pour Airbus contre 64% pour Boeing.
Au-delà de la simple comparaison boursière, il convient de rappeler que si Airbus a incontestablement des soucis, ces problèmes s'avèrent bien différents de ceux de son concurrent américain.
Boeing a forcément pâti en Bourse des déboires sur sa famille 737 Max, des monocouloirs qui se situent en concurrence avec la famille A320 neo d'Airbus, l'A320 XLR permettant de desservir certains vols long-courriers.
Le 737 Max a connu deux accidents en 2018 et 2019 qui ont causé 346 morts. Le ministère américain de la Justice a d'ailleurs prévenu en mai qu'il pourrait poursuivre pénalement Boeing pour ne pas avoir respecté un accord conclu en janvier 2021 à la suite de ces deux crashs.
En janvier, le détachement d'une porte-bouchon - qui condamnait une issue de secours - d'un 737 Max-9 de la compagnie Alaska Airlines a encore mis en lumière les problèmes techniques d'un avion qui s'apparente à un appareil "maudit" pour Boeing. La FAA, le régulateur américain de l'aviation, avait cloué au sol temporairement 171 appareils 737 Max 9. Le groupe américain a ensuite dû soumettre un plan d'actions pour remédier à "des problèmes systémiques de contrôle de qualité" et atteindre ainsi les standards exigés par la FAA.
En sus, le régulateur a aussi ouvert une enquête sur le 787, un avion long-courrier emblématique de Boeing, pour savoir si des inspections obligatoires avaient été menées et si des documents n'avaient pas été falsifiés.
Incertitude managériale chez Boeing
Outre ces problèmes industriels, le départ annoncé du directeur général de Boeing, Dave Calhoun, prévu à la fin de l'année, crée une incertitude supplémentaire. De même que la potentielle acquisition de Spirit Aerosystems, un fournisseur clef de Boeing (et son ex-filiale) mais aussi d'Airbus. Spirit est d'ailleurs lui-même dans le viseur de la FAA au sujet des défauts repérés le 737 Max 9.
Tous ces éléments mettent Boeing dans une situation particulièrement délicate. "Alors que Boeing continue de faire face à des problèmes de qualité de production et à une surveillance réglementaire accrue, Airbus a gagné des parts de marché significatives bien qu'il soit également confronté à une chaîne d'approvisionnement contrainte", écrivait en mai Royal Bank of Canada.
Avec un conseil à "neutre" sur Boeing, Bank of America juge que certes, le groupe est bien positionné pour tirer parti de la demande liée à la croissance du trafic aérien, vu son duopole avec Airbus. "Toutefois, le redressement des opérations pourrait prendre du temps et des incertitudes subsistent dans un avenir proche (conclusion et financement de l'opération Spirit Aero, recherche d'un directeur général, négociations syndicales, entre autres)", écrit la banque.
"Airbus est dans une bien meilleure position que Boeing, c'est un 'no brainer' (une évidence, NDLR). Il y a une culture de la qualité chez Airbus qui est une société d'ingénieurs, alors que Boeing a une culture financière et connaît d'importants soucis de qualité", explique de son côté un analyste.
Une histoire de long terme intacte pour Airbus?
"Il n'en demeure pas moins que les investisseurs ne sont pas contents (de l'avertissement sur résultats) d'Airbus, alors que le groupe a un boulevard puisque Boeing va mal. Les investisseurs peuvent très bien jouer autre chose que Boeing et Airbus en Bourse", poursuit-il.
"Après l'avertissement il y a toujours un effet de sentiment négatif pour l'action Airbus qui peut durer quelques temps et après cela peut repartir", nuance ce même analyste.
Airbus a donc des soucis d'exécution là où les difficultés de Boeing sont plus profondes. La question est de savoir si, malgré la récente chute du titre, les promesses de long terme affichées par le groupe européen restent suffisamment attrayantes pour les investisseurs.
Airbus compte toujours parvenir à produire 75 avions par mois de sa famille A320 neo, son best-seller, à moyen terme. Une trajectoire synonyme d'une amélioration importante de ses résultats. Mais cet objectif a été repoussé cette semaine à 2027 contre 2026 précédemment.
Deutsche Bank a abaissé son conseil à "conserver" contre "acheter" précédemment. "La poussière doit retomber avant que nous puissions redevenir positifs", explique la banque.
D'autres bureaux d'études ont maintenu leurs recommandations à l'achat, comme Oddo BHF (à "surperformance", plus exactement). "L’ajustement sur Airbus est relativement limité et l’environnement concurrentiel laisse 'l’investment case' (la thèse d'investissement, NDLR) intact à nos yeux", explique le courtier.
"En fin de compte, nous pensons que l''equity story (l'histoire qu'une société raconte au marché pour le séduire, NDLR) à long terme d'Airbus reste intacte, car la demande pour les produits Airbus reste forte et la montée en cadence de la production n'a pas échoué, mais est 'seulement' retardée", conclut de son côté Stifel.
(*) Les variations ont été arrêtées vendredi après la clôture du marché européen.
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