(BFM Bourse) - Présent sur le "floor" de Wall Street depuis 1985, cet expressif courtier est très souvent photographié pour illustrer des articles liés à l'actualité des marchés américains. Sa popularité et son contact facile l'ont amené à côtoyer de véritables vedettes voire à en devenir peut-être une.
Vous ne savez peut-être pas qui est Peter Tuchman. Mais si vous vous intéressez ne serait-ce que de loin aux marchés, vous avez probablement déjà vu son visage. Présent sur le "floor" (le rez-de-chaussée) du New York Stock Exchange depuis 1985, ce courtier sexagénaire est depuis plusieurs années la coqueluche des photographes, devenant une sorte de mascotte de Wall Street. Au point que Buzzfeed l'a présenté en 2014 comme "le trader le plus photographié de Wall Street", un titre officieux qui est, depuis, resté.
Peu avare en mimiques photogéniques, pour le plus grand bonheur de photographes conscients que les clichés avec lui auront plus de chances d'être publiés, Peter Tuchman prend le pseudo d'"Einstein of Wall Street" sur les réseaux sociaux. Son visage peut, en effet, rappeler le célèbre physicien, même si la ressemblance était plus criante il y a quelques années.
Assez célèbre, Peter Tuchman a pu s'afficher aux cotés de vedettes (les stars défilent régulièrement sur le "floor" qui est aussi un lieu très médiatique et de networking). Nos confrères de l'AFP l'ont, par exemple, pris en photo avec la chanteuse australienne Iggy Azalea, en juin dernier. Le géant de la NBA, Shaquille O'Neal, a même embrassé son crâne lors d'une visite à Wall Street en 2015. "Peter est intelligent. Alors quand je suis chez moi et que je porte mon costume, je veux me sentir comme Peter quand je manipule mes penny stocks (des actions qui valent moins de 1 dollar l'unité, NDLR)", avait alors déclaré le basketteur, selon CNBC.
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De premières études dans l'agriculture
Amusant et amuseur, le New-Yorkais a un parcours qui sonne un peu comme un petit rêve américain. Le spécialiste des marchés l'a détaillé dans un entretien (*) à la chaîne "Humbled Trader" sur Youtube en 2023. "Ma vie a été inhabituelle, faites de succès et d'échecs", résume-t-il.
Ses parents, Marcel et Shoshana, ont survécu à l'Holocauste et à l'internement à Auschwitz. Ils ont perdu une très grande partie de leurs familles à cause de la Shoah. Marcel et Shoshana se sont rencontrés dans un camp de de transit de personnes déplacées après la libération par les Russes et les Anglais, et sont tombés amoureux très vite. Ils ont ensuite étudié quelques années la médecine en Allemagne avant d'émigrer aux Etats-Unis en 1949. Son père est devenu un médecin assez réputé tandis que sa mère s'est, elle, concentrée sur la famille. Selon les dires de Peter Tuchman, ses parents parleraient onze langues au total.
Peter Tuchman est né et a grandi à New York, dans un milieu qu'il qualifie d'assez privilégié mais pas forcément riche. "La famille était importante et l'éducation aussi", explique-t-il. Au point que Peter Tuchman a effectué sa scolarité dans une école privée. Durant son cursus, il commence à développer un esprit d'entrepreneur, en vendant par exemple des t-shirts lors de concerts de rock n'roll dans les années 70. A la fin de son lycée, il s'intéresse à l'agriculture sans trop savoir pourquoi ("on avait une maison à la campagne, un jardin"). Après avoir passé un an dans un kibboutz en Israël, il effectue des études agricoles à l'université du Massachussetts.
Mais au bout d'un moment, son grand frère adoptif (il avait été recueilli par ses parents à l'âge de huit ans durant la guerre) devenu businessman l'incite à venir travailler avec lui. Peter Tuchman repart sur les bancs de l'université étudier la finance et commence à investir un peu dans les matières premières agricoles, comme le jus d'orange, tout en poursuivant des études à New York pour obtenir un master.
Une ascension rapide
Peter Tuchman travaille ensuite au Bénin pour une compagnie pétrolière norvégienne. Puis en 1985, il revient à New York et par l'entremise de patients de son père, le jeune homme débarque sur le "floor" à Wall Street, obtenant un job d'été comme télétypiste chez Cowen & Co. "A la minute où j'arrive sur le floor j'ai adoré cela et j'ai su que je voulais faire (le métier de courtier, NDLR) pour toujours", assure-t-il.
Mais comme l'explique l'expert de marché, il faut passer par différentes étapes et diverses fonctions moins glorieuses que courtier (un intermédiaire financier qui se charge de prendre les ordres de clients sur le marché et de les exécuter) avant de pouvoir exercer ce métier précis. Peter Tuchman indique à "Humbled Trader" que passer de télétypiste à courtier pouvait prendre "douze à quinze années". Mais il ne lui faudra que deux années et demi pour franchir toutes ces étapes, à la fois parce qu'il était bon dans son domaine mais aussi parce qu'il a eu, selon ses dires, "de la chance". Il devient ainsi courtier en avril 1988.
Sa carrière évoluera un peu. Peter Tuchman se spécialisera dans les actions convertibles, des titres qui peuvent se transformer en action avec davantage de droits mais moins de dividendes. Il travaillera pour plusieurs sociétés de courtage et se mettra un temps à son compte (selon CNBC). Il se posera toutefois en 2011 chez Quattro Securities, après avoir entre-temps connu des années de vaches maigres à la suite de la crise financière. "J'avais perdu beaucoup de clients, de comptes, mais c'était un travail que j'adorais(…) j'ai continué d'y croire et d'espérer que je pourrai reconstruire mon empire", explique-t-il.
C'est durant la période assez difficile de la crise de 2007-2008 qu'il devient toutefois la figure du "floor". Un média new-yorkais lui tirera le portrait en avril 2007 pour une couverture remarquée, où Peter Tuchman levait le bras en l'air tout en regardant l'objectif. Puis le New York Post consacrera un article pour savoir qui était ce trader en photo et l'interviewera.
"Ça a lancé ma carrière (médiatique, NDLR) j'ai commencé à faire la couverture de médias du monde entier", explique-t-il.
Son surnom d'"Einstein de Wall Street" est plus récent. Une journaliste de CNBC, un média américain spécialisé dans les marchés financiers, le surnommait "Einstein", en raison donc de son physique. Puis une personne qu'il a engagée pour développer son image sur les réseaux sociaux lui a proposé de bâtir un personnage autour de ce surnom et de se présenter comme "le Einstein de Wall Street".
Féminiser la finance et passer du temps en famille
Peter Tuchman sera progressivement interrogé par les médias pour décortiquer l'actualité de Wall Street. Ce qui l'étonnera un peu au début car il ne pensait pas avoir énormément à dire. Peter Tuchman interviendra notamment dans une émission allemande appelée "Inside Wirtschaft" où il parlera anglais en feignant l'accent allemand, langue qu'il ne parle pas.
Le courtier estime que sa popularité croissante a été "un merveilleux cadeau", notamment parce qu'il adore échanger avec toute sorte de personnes. Et qu'il a pu développer son personnage, devenir selon ses propres termes "un influenceur" sur les réseaux sociaux, monter une académie de trading, tenir des conférences dans le monde entier, ou encore être payé pour que son image soit utilisée par des compagnies de courtage en Europe dans leurs publicités. "J'ai pu lancer un autre carrière", résume-t-il.
Peter Tuchman est toujours actif à Wall Street, même si son fils ainé, qui est son associé, a repris ses affaires pendant que le paternel développe ses autres sources de revenus. L'intermédiaire financier affirme aussi vouloir aider à "casser le plafond de verre pour les femmes en finance", siégeant au conseil d'administration d'entreprises dirigée par des femmes, comme l'application de trading Alinea.
Coté personnel, Peter Tuchman aime le jardinage, le tennis, la montagne, le ski, voyager et le jazz (il a joué du saxophone). Il assure surtout être centré sur sa famille. Outre son fils Benny, trentenaire, un courtier qui travaille donc avec lui, Peter Tuchman a une fille, de 27 ans, Lucy, qui a effectué des études en administration sociale. "Elle très intéressée par la politique, disons qu'elle possède un diplôme pour sauver le monde", résume-t-il.
Le courtier a perdu l'an passé son épouse, décédée d'un cancer, après 33 ans de vie commune. "Elle était ma meilleure amie", déclare-t-il. Peter Tushman, qui se définit comme un acharné de travail, donne d'ailleurs un conseil sous forme de regret auprès de "Humbled Trader": "Je n'ai pas passé suffisamment de temps avec elle, j'adorerais maintenant passer un vendredi ou un lundi avec elle. Ne prenez pas le travail trop sérieusement, ne perdez pas ces opportunités pour avoir du temps avec ceux que vous aimez car vous ne savez pas ce que l'avenir réservera".
(*) Une grande partie de cet article est basé sur l'interview donnée par Peter Tushman à cette chaîne