(BFM Bourse) - En ébullition depuis plusieurs années déjà, le secteur des "fintech" a profité de la crise sanitaire mondiale pour bouleverser plus encore l'univers des secteurs financiers. Et la mue numérique de l'industrie financière est encore très loin d'être achevée. Ce qui offre d'intéressantes opportunités à l'investisseur qui sait les saisir, selon Jupiter Asset Management.
S'il est un secteur autre que l'automobile où l'innovation rebat les cartes à vitesse grand V, il s'agit bien de celui des secteurs financiers. Preuve en sont les spectaculaires performances boursières réalisées par plusieurs grands noms du secteur en 2020 (+160% pour le néerlandais Adyen et +250% pour Square, désormais à des niveaux de valorisation comparables à celui de la plus grande banque tricolore qu'est BNP Paribas), à faire pâlir d'envie les acteurs traditionnels du secteur (-42% pour HSBC, -44% pour Wells Fargo, -45% pour Société Générale ou encore -19% pour BNP Paribas, justement).
"L’innovation financière est en train de bouleverser le monde tel que nous le connaissons" s'enflamme ainsi Guy de Blonay, responsable des stratégies du fonds Jupiter et auteur d'une note sur le sujet, en collaboration avec l'analyste Antoine Hucher. Ces experts affirment que "nous sommes encore aux premiers stades de la numérisation du secteur, avec une marge de croissance importante" et ajoutent que "les disruptions peuvent présenter des opportunités intéressantes pour les investisseurs qui savent où chercher".
L'émergence de "super-fintechs"
Ils constatent que les entreprises traditionnelles de traitement des paiements s'aventurent déjà au-delà de leurs activités principales pour offrir une gamme bien plus large de services financiers. En Chine par exemple, Ant Financial utilise la base d’utilisateurs d’AliPay -soit un milliard de personnes- pour vendre des services allant des prêts et des contrats d’assurance, aux produits d'épargne et de gestion d'actifs. Et bien que les préoccupations relatives à la réglementation et à l’antitrust aient fait dérailler l’introduction en bourse de la société l’année dernière, Guy de Blonay considère qu’"Ant Financial montre la voie, et que d’autres suivront"."Nous pensons que la convergence entre les paiements et les services financiers devrait également se concrétiser sur les marchés développés. Contrairement à la Chine, les portefeuilles de paiement numériques ne sont pas encore largement adoptés aux États-Unis et en Europe, où les écosystèmes Visa et Mastercard restent dominants" développent-ils. Dans ce contexte, le gérant estime que "seules quelques entreprises semblent avoir la base d’utilisateurs, le pouvoir de marque et les écosystèmes nécessaires pour devenir des "super applications" fintech", ainsi qu'il qualifie ces sociétés.
Parmi elles, Paypal, avec près de 350 millions d’utilisateurs et 30 millions de commerçants sur son réseau, se démarque nettement. "La société a lancé de nombreux nouveaux produits et services au cours des deux dernières années dans les domaines du prêt en ligne, de la banque numérique et de la cryptologie. Ces nouveaux services sont déjà visibles dans ses chiffres, la société tablant sur une croissance de ses revenus de l'ordre de 19% en 2021 malgré une concurrence acharnée" détaillent-ils.
Miser sur l'intelligence artificielle
Autre thématique à surveiller: l'intelligence artificielle (IA), outil clé de l'innovation financière. Plus des trois quarts des grandes institutions du secteur estiment que l'IA deviendra essentielle à leurs activités dans les deux prochaines années. "Le segment des prêts, en particulier, risque d’être profondément perturbé par l’IA président les spécialiste, en ce que cela permettra notamment "d'améliorer la précision des scores de crédit grâce à des modèles complexes prenant en compte des milliers de points de données, notamment le niveau d’éducation et les antécédents professionnels de l’emprunteur" avec à la clef un meilleur accès du crédit. "Il est probable que l’IA sera également utilisée pour automatiser le processus de souscription, rendant ainsi les petits prêts beaucoup plus rentables" ajoutent-ils."D’un point de vue sociétal et vis-à-vis de l’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), l’IA a également des avantages" remarquent les auteurs qui pointent les effets bénéfiques à en attendre, à terme, en matière d'inclusion financière. "En outre, pour les entreprises qui réussissent à s’adapter, le marché adressable est énorme - rien qu’aux États-Unis, les banques commerciales ont émis 15 milliards de dollars de nouveaux prêts en juin 2020" soufflent-ils.
Les cryptomonnaies en relais de croissance
Selon le gérant, l'adage "dans une ruée vers l’or, vendez des pelles" peut s’appliquer aussi aux monnaies numériques. Ces monnaies nécessiteront de fait "tout un écosystème de services financiers et de fournisseurs de technologies financières pour les échanger, les assurer ou encore les stocker" souligne Guy de Blonay, qui juge que "les cryptomonnaies sont là pour rester".S'il se dit conscient des risques associés aux cryptomonnaies (volatilité, difficulté d'identification des facteurs déterminants des prix sous-jacents, etc.), l'expert reconnaît également qu’elles présentent des avantages "à la fois pour les entreprises et les consommateurs (faibles frais de transaction, accessibilité universelle)" mais aussi pour les investisseurs, notamment en raison de leur faible corrélation avec toutes les autres classes d’actifs. "Dans une certaine mesure, les cryptomonnaies peuvent être considérées comme ayant commencé à devenir une alternative à des fins de diversification" ajoute-t-il. En atteste une étude de Crypto Fund Research qui estime que les actifs sous gestion cumulés des fonds en cryptomonnaies sont passés de 5,6 milliards de dollars au premier trimestre 2018 à 25,1 milliards de dollars au troisième trimestre 2020.
La valeur totale des cryptomonnaies ayant par ailleurs ailleurs explosé pour atteindre près de 1.500 milliards de dollars en février, "un écosystème commence déjà à émerger, avec une poignée de sociétés de qualité offrant une exposition indirecte, comme Square et Paypal, qui ont permis à leurs utilisateurs de payer en bitcoins" observe les auteurs de la note. Ils relèvent également que Mastercard va commencer à prendre en charge les cryptomonnaies sur son réseau tandis que, sur le plan institutionnel, JPMorgan dispose depuis l'an dernier d'une entité dédiée aux cryptomonnaies et à la blockchain (Onyx). Enfin, l'opérateur boursier InterContinental Exchange possède la plateforme d'échanges de cryptomonnaies Bakkt qui devrait entrer en Bourse dans les prochains mois" détaille le gérant.
Des opportunités de croissance à long terme
Guy de Blonay et Antoine Hucher se montrent en outre enthousiastes pour les années à venir. Ainsi, s'ils concèdent avoir "augmenté leur allocation aux services financiers traditionnels, notamment aux banques européennes depuis novembre dernier", les experts s'attendent par ailleurs "à ce que le changement de comportement et l’accélération de l’innovation financière provoqués par la pandémie persistent". Et avec eux, les opportunités à long terme restent massives "même s'il ne faut pas oublier que les actions technologiques pourraient être affectées négativement si nous constatons une augmentation durable des taux d’intérêt" rappellent-ils, à l'heure d'une forte poussée de fièvre sur les rendements souverains.Premier thème porteur identifié par le gérant dans l'univers de l'innovation financière, les paiements électroniques dispose toujours d'une marge de croissance importante et durable, notamment en Italie où près de 70% des transactions sont encore réglées en espèces. "À l’avenir, nous prévoyons également de nous tourner de plus en plus vers des sous-segments émergents tels que les plates-formes fintech, l’IA, le prêt en ligne et les cryptomonnaies" à travers des entreprises qui devraient, selon eux, bénéficier grandement de ces tendances.