(BFM Bourse) - La quasi-totalité des études montrent que les "day traders", ces investisseurs qui effectuent des opérations dans la même séance, sont presque toujours perdants. Au point que, selon l'une d'entre elles, il serait moins risqué pour eux de jouer au casino.
C'est une pratique qui berce d'illusions les boursicoteurs en herbe, et qui a gagné en popularité avec la pandémie: le "day trading", c'est-à-dire l'idée de dégager des bénéfices en Bourse en réalisant plusieurs aller-retours au cours d'une même séance, chaque jour.
"Avec la mise en place de politiques de confinement et de travail à domicile, les gens se sont retrouvés avec plus de temps libre et beaucoup se sont tournés vers le 'day trading' comme moyen de compléter leurs revenus ou simplement pour passer le temps", soulignent des professeurs de l'université de Lugano, en Suisse, Carlo Zarattini et Andrew Aziz, dans une étude publiée il y a deux semaines.
Robinhood est d'ailleurs le symbole de cet appétit pour la Bourse pendant la période du Covid. Le courtier sans frais a accédé à la notoriété mondiale en janvier 2021, lors de la saga GameStop, qui a vu des milliers de petits actionnaires faire grimper l'action de cette chaîne de magasins de jeux vidéos de 17 à près de 500 dollars en quelques jours.
Dans une note envoyée lundi, John Plassard, conseiller en investissement chez Mirabaud, évoque un "fantasme" sur le "day trading" . "Tout le monde a entendu parler d’un 'day trader' qui a réussi à acheter en 2021 pour 500 dollars d’options sur GameStop [le groupe américain de magasins de jeux vidéo, très prisé des investisseurs particuliers, NDLR] et les a revendus après moins de 3 semaines à 200.000 dollars […] Seulement voilà, les mouvements ont été extrêmement erratiques et, on l’imagine aisément, il y a plus de perdants que de gagnants", explique le spécialiste dans cette note.
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"Virtuellement impossible" d'en vivre
La recherche universitaire montre en réalité que les investisseurs particuliers qui pratiquent le "day trading" ressortent presque à tous les coups perdants. Cela a été le cas d'une étude réalisée par des académiciens menés par Fernando Chague, de la Sao Paulo School of Economics, et publiée en juin 2020.
Leurs travaux ont porté sur un groupe d'individus qui ont pris des positions sur les contrats à terme sur les indices brésiliens, entre 2013 et 2015. Leurs résultats sont sans appel: sur les actionnaires individuels qui ont persisté dans cette stratégie de "day trading", avec au moins 300 jours où ils ont effectué au moins une opération, 97% ont essuyé une perte par rapport à leur mise initiale.
Pour les chercheurs, il "est virtuellement impossible" pour un individu de gagner de sa vie en appliquant cette stratégie. Car seulement 1,1% des "day traders" ont remporté des gains qui dépassent le salaire minimum au Brésil et seulement 0,5% ont gagné plus que le salaire initial d'un employé de guichet de banque.
Autre étude: celle de plusieurs professeurs, dont Brad Barber, de l'université de Californie, publiée en 2019. Leurs travaux portaient sur des "day traders" qui prenaient des positions quotidiennes sur la Bourse de Taïwan, leurs analyses portant sur une période allant de 1992 à 2006. Ces chercheurs ont observé que même les "day traders" les plus expérimentés perdaient de l'argent. Les académiciens ont également constaté que moins de 3% des "day traders" parvenaient à dégager un bénéfice, une fois déduites les commissions.
Le casino moins risqué?
Pour évoquer la France, l'Autorité des marchés financiers avait publié une étude en 2014 qui, si elle ne portait pas exclusivement sur le "day trading", s'avérait peu engageante. L'autorité avait, sur la base de données fournies par des intermédiaires de marché, étudié les gains/pertes de particuliers ayant investi sur le marché des changes (Forex) ou les CFD (contracts for difference), des instruments spéculatifs ayant des sous-jacent divers (un indice financier, un titre obligataire, une paire de devise). La conclusion était qu'entre 2009 et 2013, 89% des clients ressortaient perdants, en cumulé sur quatre ans, avec un résultat médian de -1843 euros.
Au point que le casino peut sembler moins risqué que le "day trading". C'est l'argument mis en avant en 2011 par la société de gestion d'actifs Philadelphia Financial Management of San Francisco, dans une note adressée à la SEC, le gendarme américain de la Bourse. Cette société expliquait que FXCM, un des principaux courtiers en devises, enregistrait, en moyenne, deux transactions quotidiennes par compte de particulier, soit 124 transactions par trimestre. En parallèle, le groupe de gestion d'actifs notait, sur le base de données de plusieurs courtiers, que la probabilité de pertes sur les devises pour un particulier sur un trimestre s'élevait à environ 70%.
Elle comparait ensuite cette probabilité de pertes avec celles sur des jeux d'argent, à savoir le blackjack et le "craps", un jeu de dé, avec la mise standard pour ce dernier, dite "come". Ce en supposant que la personne joue à chaque fois 124 fois sur un trimestre. Il en ressort une probabilité de perte de 56% pour le "craps" et de 58% pour le blackjack contre, donc, environ 70% pour le trading de devises. "Non seulement Vegas est moins risqué, car un joueur ne peut perdre que l'argent placé sur la table, contrairement à un trader de change qui risque plusieurs fois son capital, mais ses chances de gagner sont également bien supérieures", concluait la société de gestion.
Restent des exemples isolés. Les chercheurs de l'université de Lugano mentionnés en début d'article ont, dans leur étude, montré qu'une stratégie de "day trading" technique, jouant sur la volatilité du début de séance et appelée "opening range breakout", pouvait permettre de générer une importante surperformance par rapport à une prise de position passive de long terme. Mais cette stratégie s'avère complexe et leur étude demeure assez singulière. Les auteurs reconnaissaient également que cette stratégie requérait "un haut niveau d'efforts et d'attention aux fluctuations de marché".
Et John Plassard de conclure dans sa note publiée cette semaine que "l’histoire et les expériences récentes nous montrent que pour apporter de l’alpha à un portefeuille [c'est-à-dire générer de la surperformance par rapport aux indices de référence, NDLR], ce n’est pas vers le 'day trading' qu’il faut se diriger, mais plutôt vers une certaine sagesse qui vous permettra d’investir en plusieurs étapes".