(BFM Bourse) - Le montant total des rachats d'actions a augmenté de 22% en 2022 par rapport à 2021, alors que le secteur pétrolier a multiplié par quatre ses dépenses. La France constitue toutefois une exception avec un recul de ces rachats l'an passé.
Ce sont des pratiques parfois décriées par les politiques, notamment en France où le président Emmanuel Macron est récemment monté au créneau pour les fustiger: les rachats d'actions par les grands groupes cotés.
Cette forme de retour à l'actionnaire a, il est vrai, le vent en poupe. L'étude de Janus Henderson publiée ce jeudi le montre: en 2022, les rachats d'actions ont, en dollars, atteint un niveau record de 1310 milliards (un peu moins de 1200 milliards d'euros), soit une progression de 22% par rapport à l'année précédente.
Selon Janus Henderson, qui a compilé les annonces de 1200 grandes entreprises mondiales, ces rachats sont désormais presque aussi élevés que les dividendes, représentant désormais 94% de leurs montants contre seulement 52% en 2012. Ce pourcentage monte à 162% aux Etats-Unis, en raison notamment des groupes de tech. Alphabet et Meta, maisons-mères de Google et Facebook, qui ne versent ainsi pas de dividendes mais rachètent régulièrement leurs propres titres.
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Des rachats très concentrés sur quelques entreprises
En valeur, les rachats d'actions ont triplé en dix ans, avec une progression de 182% quand les dividendes, eux, n'ont augmenté "que" de 54% sur la même période.
"Le secteur pétrolier est de loin celui qui a le plus contribué à la croissance en 2022: les entreprises pétrolières ont racheté pour 135 milliards de dollars de leurs propres actions, un montant plus de 4 fois supérieur à celui de 2021", souligne le gérant d'actifs.
Les Etats-Unis se taillent la part du lion. Les rachats d'actions s'y sont élevés à 932,43 milliards de dollars en 2022 contre 758,4 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 19%. Au Royaume-Uni, les rachats ont été multipliés par près de trois à 70,53 milliards de dollars. La France constitue une exception, avec un recul à 28,87 milliards contre 35,57 milliards en 2021.
Les rachats d'actions restent, par ailleurs, très concentrés sur quelques entreprises. Apple, plus importante capitalisation boursière au monde, a racheté 89 milliards de dollars de ses propres titres l'an passé représentant près de 7% du total mondial. Plus largement, les dix plus gros acheteurs concentrent environ 25% du montant total.
Un outil pratique pour les entreprises
"La croissance rapide des rachats au cours des trois dernières années reflète la solidité des bénéfices et des flux de trésorerie disponibles, ainsi que la volonté de récompenser les actionnaires sans susciter d'attentes inutiles en matière de dividendes", a expliqué Ben Lofthouse de Janus Henderson, cité dans un communiqué.
La flexibilité offerte par cette forme de retour à l'actionnaire par rapport au dividende peut en effet expliquer pourquoi les sociétés y ont de plus en plus recours.
Dans un contexte de conjoncture incertaine, "les entreprises évitent de trop augmenter le dividende car elles risqueraient de devoir le réduire au titre de 2023 ou 2024", expliquait dans un récent article Pascal Quiry, co-auteur de la revue financière Vernimmen et professeur à HEC. "Elles ont ainsi davantage recours aux rachats d'actions, car ils n'entraînent aucun engagement implicite de récurrence, contrairement à la progression du dividende. C'est donc un outil flexible de retour aux actionnaires", poursuivait-il.
A l'instar des dividendes, dans la pure théorie financière, les rachats d'actions n'enrichissent néanmoins pas les actionnaires puisque la société ne fait en réalité que redistribuer des liquidités qu'elle possède déjà. Néanmoins, comme le notait une étude de McKinsey de 2005, les rachats d'actions sont souvent bien reçus par le marché car ils envoient un signal de confiance de la part des entreprises, notamment parce que la direction de l'entreprise peut juger que le cours de la société est déprécié et/ou qu'elle a suffisamment de cash pour assurer son fonctionnement et ses opérations.
L'année 2023 pourrait-elle marquer un nouveau record? Pas forcément selon Janus Henderson. Le gestionnaire d'actifs souligne que le coût du capital est "beaucoup plus élevé que lors des dernières années". Ce qui n'est pas anormal, puisque par construction le coût du capital dépend du coût de la dette, qui augmente avec la hausse récente des taux d'intérêt.
"Lorsque les entreprises pouvaient obtenir des financements à un coût quasiment nul, elles étaient fortement incitées à émettre des titres de créance et à racheter des actions, car cela représentait une immense valeur ajoutée. Pour les entreprises qui génèrent d'énormes quantités de liquidités, comme Apple ou Alphabet, ce facteur n'est pas déterminant. Pour d'autres, en particulier aux États-Unis, qui ont eu recours à l'emprunt pour financer les rachats, les calculs seront désormais établis avec beaucoup plus de finesse", développe Ben Lofthouse.