(BFM Bourse) - Les Allemands sont appelés aux urnes, ce dimanche 23 février, dans le cadre d'élections fédérales qui doivent aboutir à un nouveau gouvernement. Les bureaux d'études espèrent qu'un exécutif plus ouvert sur les dépenses et la croissance servira de catalyseur à la Bourse allemande.
Un peu moins d'un an après les Français, les Allemands se rendront dans les bureaux de vote, ce dimanche 23 février, dans le cadre des élections fédérales.
Pour rappel, ce scrutin fait suite à la désagrégation de la coalition tripartite au pouvoir qui réunissait le SPD (socialistes), les écologistes et les libéraux (FDP), ce que l'on appelle aussi la coalition "feux tricolores".
La fin de cette alliance a précipité ces élections allemandes, qui étaient initialement prévues en septembre 2025. Tant mieux aux yeux d'Oddo BHF. "C'est sept mois de gagnés pour sortir de l'immobilisme", estime le courtier.
Précisons que les législatives allemandes fonctionnent largement à la proportionnelle. Un parti doit toutefois franchir un seuil de 5% des suffrages pour être représenté au Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand.
Avec ce mode de scrutin, aucun parti ne peut réellement prétendre gouverner seul. C'est la raison pour laquelle les gouvernements allemands prennent à chaque fois la forme de coalitions déterminées au bout de longues périodes de négociations. En moyenne, les partis mettent, après les élections, 70 jours pour s'accorder sur ces coalitions, note Oddo BHF. Avec un record de 171 jours (soit quasiment six mois) en 2017.
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L'économie allemande chancelle
En raison de cette configuration, le risque de voir un parti d'extrême droite (comme l'AfD) accéder au pouvoir est plus faible en Allemagne que dans d'autres pays européens.
Les récents sondages placent la CDU/CSU (conservateurs) devant l'AfD, le SPD et les écologistes. Le scénario le plus plausible reste une victoire de la CDU/CSU qui s'allierait, ensuite, soit au SPD pour reformer une "Grosse Koalition" (qui réunit les deux grands partis historiques), soit avec les écologistes, soit avec les deux.
Ces élections surviennent, surtout, alors que la première économie européenne souffre. L'Allemagne est désormais passée du statut de grand moteur de la croissance de la zone euro à celui de frein. Son produit intérieur brut (PIB) s'est contracté de 0,2% en 2024 après avoir déjà reculé de 0,3% en 2023. Pour 2025, le gouvernement allemand a récemment révisé sa prévision de croissance à 0,3% contre 1,1% précédemment.
Symbole de la supériorité industrielle allemande d'antan, l'automobile est particulièrement dans le dur. Volkswagen a annoncé 35.000 suppressions de postes en décembre. Et tous les constructeurs automobiles allemands ont vu leur action nettement chuter en Bourse, l'an passé.
Il serait erroné d'isoler un facteur unique pour tenter de comprendre ce déclin économique allemand. Mais les moindres débouchés commerciaux vers la Chine et la dépendance du pays au gaz russe – la guerre en Ukraine a amené l'Allemagne à trouver des alternatives plus coûteuses – constituent des sources d'explication.
"Schuldenbremse"
Cette passe difficile pour l'économie allemande a amené les observateurs à se demander si l'Allemagne ne finira pas par desserrer l'étau budgétaire pour stimuler sa croissance. "Pour les marchés, l’enjeu réside dans la possible modification du frein à l’endettement, instauré dans la constitution", estime Apicil AM.
Ce frein à l'endettement (Schuldenbremse) a été introduit dans la constitution allemande en 2009 après la crise financière de 2008. Cette règle limite le déficit structurel de l'État fédéral allemand à 0,35% du PIB et à 0% dans les Länders (régions) allemands. Ce garde-fou budgétaire peut être suspendu en cas d'urgence, comme durant la pandémie. Le surplus de déficit doit ensuite être résorbé lorsque l'activité repart.
"Désormais, des voix orthodoxes comme la Bundesbank (la banque centrale nationale allemande, NDLR) ou le Conseil des Sages (un cercle d'économistes influents, NDLR) jugent que ce frein doit être assoupli, quand d’autres voudraient carrément s’en débarrasser", soulignent Oddo BHF.
"Un ajustement du frein à l'endettement serait un catalyseur positif si les investissements dans les infrastructures devaient suivre", souligne, de son côté, Vincenzo Vedda, directeur des investissements chez DWS.
Si des questions sur l'avenir de ce frein émergent, le positionnement de tous les partis politiques sur ce sujet n'est pas clair . Le SPD a indiqué vouloir réformer ce frein, que ce soit au niveau fédéral ou des Länder, avec plus de flexibilité sur les exceptions requises pour le suspendre (notamment au niveau des dépenses militaires), note Barclays. Les écologistes sont sur la même ligne.
Barclays et Oddo BHF relèvent, en revanche, que la CDU/CSU a des positions "vagues" voire "ambigües" sur l'avenir de ce frein.
"En fin de compte, l'arithmétique parlementaire pour réformer le frein à l'endettement controversé de l'Allemagne pourrait être très serrée", juge la banque Nomura.
"Dans la plupart des partis, il y a le désir de redonner de la souplesse à la politique budgétaire mais sauf revirement soudain et complet de la CDU, il ne faut pas compter sur un changement de paradigme budgétaire. Un grand plan de relance keynésien n’est pas à l’ordre du jour en Allemagne", explique Oddo BHF.
Un catalyseur?
Est-ce que les élections allemandes peuvent néanmoins apporter un coup d'accélérateur à la Bourse de Francfort?
"Nous continuons de penser que les prochaines élections allemandes peuvent déboucher sur une politique plus favorable au marché en Allemagne, que ce soit par le biais de réductions d'impôts, d'une augmentation des dépenses fiscales ou d'une redéfinition des priorités des dépenses budgétaires en faveur des investissements", juge Deutsche Bank.
La banque allemande liste les élections allemandes parmi les éléments susceptibles d'aider les indices européens à continuer de surperformer Wall Street. Ce même si, à très court terme, les atermoiements sur la formation d'une coalition gouvernementale pourraient peser sur la confiance du marché, note-t-elle.
Depuis le début de l'année, le DAX 40 a repoussé plusieurs fois ses records. L'indice prend 12% sur l'ensemble de 2025, et 28% sur un an. Une hausse qui s'inscrit dans un mouvement plus général de rebond des marchés européens (le CAC 40 s'adjuge 10,5% ) et de surperformance par rapport aux actions américaines.
Comme nous l'expliquions dans un précédent article, le DAX 40 ne souffre pas vraiment de la dégradation de la conjoncture allemande car ses 40 pensionnaires sont des sociétés mondialisées et finalement assez peu exposées à leur économie domestique, comme SAP, Adidas ou Allianz.
Mais si ces 40 valeurs font (globalement) fi de la conjoncture allemande, c'est beaucoup moins vrai pour les capitalisations moins élevées de la Bourse de Francfort. Le MDAX, indice des capitalisations moyennes de la place allemande, ne gagne que 5,8% sur un an, sous-performant de plus de 22 points de pourcentage le DAX 40.
Barclays se montre confiante. "Les élections suscitent l'optimisme sur les marchés actions allemands" a-t-elle écrit dans une récente note. L'établissement britannique estime que le scrutin constituera un catalyseur pour la Bourse de Francfort. Ce parce que d'une façon ou d'une autre, la quasi-totalité des partis sont conscients de l'urgence à prendre des mesures pour dynamiser la croissance.
Les surtaxes douanières comme trouble-fête
"La nature favorable à la croissance des politiques attendues pourrait contribuer à renforcer le sentiment des investisseurs à l'égard des grandes capitalisations en retard sur le plan cyclique et des moyennes capitalisations, selon nous", développe Barclays.
"Bien que nous manquions pour l'instant de détails sur l'ampleur réelle d'un éventuel coup de pouce fiscal, la nature des réformes potentielles du côté de l'offre et les sources de financement, nous pensons qu'un changement de politique favorable à la croissance pourrait encore contribuer à raviver l'intérêt des investisseurs mondiaux qui se sont désengagés des actions allemandes et, plus largement, européennes depuis 2012", ajoute la banque britannique.
Capital Economics se montre bien moins optimiste. Le think tank s'attend à ce que les actions allemandes sous-performent celles des marchés développés cette année, car les entreprises allemandes sont très exposées "au protectionnisme qui semble monter en puissance". Notamment avec les surtaxes douanières qui sont envisagées par l'administration Trump.
Selon l'institut allemand IW, des surtaxes douanières américaines universelles de 10% couplées à un taux de 60% pour la Chine seule ponctionneraient le PIB allemand de 0,3 point la première année, 0,9 point la deuxième et 1,2 point la troisième.
Cet impact des surtaxes douanières "sera probablement bien plus important que le résultat des prochaines élections fédérales", avance Capital Economics.
Certes ces élections pourraient aboutir à un meilleur climat des affaires pour les entreprises. Mais "nous doutons toutefois que cela soit suffisant pour donner un 'boost' au marché allemand", tranche le think tank.