(BFM Bourse) - Pour la première fois depuis 2008, le rendement de l'obligation française à 10 ans a dépassé celui du même titre de l'Espagne sur le marché secondaire, selon Reuters.
C'est un symbole qui montre à quel point le marché a placé la France sous étroite surveillance. Selon l'agence Reuters, le taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) français à 10 ans a brièvement dépassé celui du titre de dette espagnole de même échéance. D'après l'agence, il s'agit d'une première depuis 2008.
Pour rappel ce taux est celui du marché secondaire, c'est-à-dire là où les investisseurs s'échangent entre eux les titres de dette d'un Etat. Concrètement cela signifie que les opérateurs de marché exigent un rendement un plus important sur la dette française que celle de l'Espagne.
In fine, les deux pays se situent sur des niveaux très proches. A 11h40, le rendement des deux titres de dette à 10 ans évoluait à 2,98%.
Mais la dynamique interpelle. En un an, le taux de l'emprunt espagnol à 10 ans s'est rapproché de celui de la France d'environ 50 points de base, soit un demi-point de pourcentage.
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Les efforts de l'Espagne
Cette convergence survient à un moment où l'Espagne parvient à réduire son déficit public, tombé à seulement 3,6% du PIB l'an passé et prévu à 3% en 2024. En comparaison, la France a affiché un déficit public représentant 5,5% du PIB en 2023 et le taux devrait être encore plus élevé en 2024.
"L'Espagne a très bien consolidé sur le plan budgétaire", a déclaré à Bloomberg David Zahn, de Franklin Templeton. "De plus en plus de gens se disent qu'il vaut mieux acheter en Espagne plutôt qu'en France", a-t-il ajouté.
Evidemment, ce symbole de marché a aussi beaucoup à voir avec l'incertitude politique et budgétaire qui règne en France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, en juin dernier.
L'écart de taux entre le titre de dette allemande à 10 ans et celui de la France de même échéance (le "spread"), thermomètre de la confiance du marché sur la signature française, était inférieur à 50 points de base avant cette annonce. Il se situe désormais à 78 points de base et a légèrement dépassé les 80 points de base en juin.
L'incertitude autour du gouvernement Barnier
Le marché reste dans l'expectative alors que le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, a nommé son gouvernement samedi et que ses mesures budgétaires et fiscales ne sont pas encore précisément connues à ce stade. Le locataire de Matignon a indiqué envisager des augmentations d'impôts ciblées sur les plus fortunés et les grandes entreprises.
"L'incertitude demeure quant à la durée de vie de ce gouvernement, qui ne dispose pas d'une majorité à l'Assemblée nationale et qui devra compter sur les autres partis pour ne pas être renversé", a écrit mardi Deutsche Bank.
"Le nouveau gouvernement français est fragile et va devoir dès début octobre présenter ses priorités et un budget, ce qui ne va pas être aisé", a commenté de son côté lundi Xavier Chapard, stratégiste chez LBPAM.
"Le Premier ministre (Michel) Barnier a présenté son gouvernement au cours du week-end et, compte tenu des critiques dont il fait l'objet, certains doutent de sa possibilité à durer", juge pour sa part Benjamin Schroeder, stratégiste taux chez ING, cité par Reuters.
Dans une note publiée la semaine dernière, la banque UBS a estimé que le spread à 10 ans entre la France et l'Allemagne devrait continuer d'évoluer entre 70 et 80 points de base jusqu'à ce qu'il y ait davantage de clarté sur les perspectives budgétaires de la France.
"Les investisseurs resteront attentifs à la continuité du budget et à la viabilité de la dette à long terme", souligne UBS.