(BFM Bourse) - Connu pour avoir mis en garde très tôt contre les risques liés à la crise des subprimes, Nouriel Roubini lancera cet automne un fonds indiciel. Cet ETF investira dans différents actifs pour résister aux crises que le monde sera, selon lui, amené à connaître au cours des prochaines années.
Nouriel Roubini demeure un indécrottable pessimiste. Au point que l'économiste américano-turc de 66 ans a été surnommé "Dr Doom" ("Dr Apocalypse") pour sa propension à prédire des jours peu glorieux pour la Bourse et l'économie mondiale.
Le diplômé d'Harvard est surtout devenu célèbre pour avoir alerté dès 2006 sur une crise des subprimes, qui a effectivement été à l'origine de l'effondrement des marchés et du plongeon de l'économie mondiale en 2008-2009. Même si c'est surtout après que cette crise eut été devenue patente aux yeux de tous qu'il l'a dénoncée.
Après ce fait d'armes, l'économiste a continué à livrer des prévisions alarmistes qui ne se sont toutefois pas vérifiées. Il avait par exemple estimé en 2011 que les pays périphériques de la zone euro quitteraient l'union monétaire d'ici cinq années.
Plus récemment, en 2022, Nouriel Roubini a publié son ouvrage "Mega threats" ("méga menaces") qui rassemble une série de dangers pour l'humanité, tels que le changement climatique ou la "stagflation", c'est-à-dire une économie qui peine à avancer alors que les prix grimpent.
Les investisseurs qui prêtent une oreille attentive à ses projections inquiétantes vont désormais pouvoir miser en Bourse dessus.
Lancement prévu à l'automne
Selon une déclaration déposée auprès du gendarme américain de la Bourse (la Securities and Exchange Commission, SEC) le 30 juillet, Nouriel Roubini sera l'un des trois gérants d'un futur ETF (un fonds indiciel) qui doit voir le jour en octobre prochain. Cet ETF sera appelé Atlas America Fund et sera lancé par Atlas Capital Team, société dont Nouriel Roubini est à la fois le cofondateur et le chef économiste.
Selon le document déposé auprès de la SEC, cet ETF sera activement géré et aura vocation à générer des rendements "stables dans des conditions économiques et financières variées, tout en préservant le capital". Pour cela, ce fonds investira dans des actifs divers, tels que des obligations, des actions mais aussi des foncières cotées ou l'or.
"La stratégie d'investissement du fonds exprime le thème de la résilience économique dans un paysage mondial volatil caractérisé par une dette nationale galopante, des tensions géopolitiques croissantes et des changements dans les modèles environnementaux", explique Atlas Capital Team.
"Elle repose sur la conviction que les États-Unis et leurs alliés nord-américains continuent d'offrir des opportunités d'investissement attrayantes dans cet environnement géoéconomique et qu'ils incarnent les principes américains intemporels d'autonomie, d'innovation et d'adaptation, de gestion prudente des ressources et de résilience face à l'adversité", poursuit la société.
Migrations climatiques et immobilier
En clair, ce fonds vise à identifier les opportunités d'investissement dans un monde jonché de menaces toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Et ce avec une approche défensive.
Nouriel Roubini l'a très bien expliqué lui-même, dans un entretien au Financial Times. Le fonds entend construire un portefeuille composé de bons du Trésor à court terme (jusqu'à deux ans), moins exposés à la hausse de l'inflation, ainsi qu'un "panier optimisé d'actifs à corrélation faible ou négative" (avec l'ensemble du marché) tels que l'or, les actifs immobiliers cotés "résistants au climat", les titres du Trésor protégés contre l'inflation et les matières premières agricoles, considérées comme stratégiquement importantes "lorsque l'approvisionnement alimentaire est menacé par le climat et les conflits géopolitiques", a-t-il détaillé.
Nouriel Roubini livre un exemple particulier lié aux migrations climatiques. L'économiste estime qu'avec le réchauffement climatique, des millions de personnes quitteront le Texas et la Floride, devenus pratiquement inhabitables, pour se déplacer dans le nord des États-Unis.
Cette "migration de masse dans le nord aura un impact significatif sur les prix immobiliers", assure-t-il. D'où la nécessité de cibler les investissements dans les entreprises immobilières davantage exposées à cette région.
L'économiste reste concentré sur les États-Unis, tout simplement parce qu'il est convaincu que le pays demeure davantage à l'abri que les autres. "Nous sommes beaucoup plus en sécurité que l'Europe et l'Asie. Des milliers de kilomètres d'océans nous séparent de nos ennemis potentiels et nous sommes autosuffisants en matière de nourriture et de ressources", déclare-t-il au Financial Times.
Reste à voir si cet ETF copiloté par l'économiste rencontrera le succès. Nouriel Roubini demeure un "permabear", soit un intervenant de marché toujours pessimiste, alors que les marchés actions américains (et même mondiaux) ont nettement progressé ces dernières années. Le S&P 500 a quasiment doublé sur cinq ans.
"Il convient de rappeler que [Roubini] a été un 'permabear' pendant l'un des plus grands booms boursiers de l'histoire. Il n'est pas un oracle", déclare au Financial Times Kenneth Lamont, analyste de fonds chez Morningstar. L'expert apprécie toutefois que l'ETF de Roubini adopte une approche défensive, ce qui s'avère actuellement rare.