(BFM Bourse) - Plusieurs titres, Nvidia et Microsoft en tête, ont bénéficié d'une frénésie boursière pour cette forme d'intelligence artificielle. Ce qui n'est pas sans provoquer des interrogations autour des valorisations actuelles.
C'est l'inévitable thème de cette première moitié d'année boursière: l'essor de l'intelligence artificielle (IA) générative, celle au cœur du réacteur de ChatGPT, le robot conversationnel d'OpenAI, ou de Bard, celui de Google.
Le "buzz" qu'ont suscité l'adoption par le grand public de ces technologies ainsi que leurs applications réelles ou potentielles s'est répercuté sur les marchés, les investisseurs tentant d'identifier les potentielles perdants et gagnants de ce phénomène.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
Deux "big cap" ont pleinement bénéficié de cet engouement du marché: Microsoft et Nvidia. La première a investi des milliards de dollars dans OpenAI et a surtout intégré ses technologies dans ses services, notamment dans son moteur de recherche Bing et ses activités de cloud (informatique dématérialisé). Nvidia de son côté a vu son cours bondir de 170% cette année, car le groupe américain conçoit des processeurs graphiques indispensables pour donner la puissance de calcul nécessaire pour entraîner et développer ChatGPT et Bard. Les prévisions stratosphériques de Nvidia pour son deuxième trimestre - 11 milliards de dollars contre environ 6-7 milliards pour un trimestre "normal" – ont apporté des éléments concrets aux anticipations du marché.
D'autres sociétés s'engouffrent dans la brèche. C'est le cas notamment de C3.ai, spécialiste des logiciels dans l'IA, qui a vu son cours tripler depuis le début de l'année. Idem pour Bigbear.ai, entreprise spécialisée dans l'analyse d'IA qui a récemment obtenu un important contrat auprès de l'US Air Force. En France, Capgemini, a récemment connu un envol boursier sur une séance, propulsé par l'extension d'un contrat dans l'intelligence artificielle générative avec Google Cloud, avec la création d'un centre d'excellence.
"Bébé bulle"
Cette frénésie boursière permet à elle seule ou presque au S&P 500 de nager dans le vert depuis le début de l'année. C'est en tout cas le constat qu'effectuait le stratégiste de Société Générale, Manish Kabra, mi-mai. Cité par Bloomberg, il estimait alors que sans les actions portées par l'IA, l'indice large de Wall Street perdrait 2%.
Si bien que la question d'une bulle n'est plus taboue. Dans une note, Bank of America a évoqué "une bébé bulle" générée par l'intelligence artificielle qui a été LA thématique du mois de mai et ainsi drainé un record de 8,5 milliards de dollars de flux de capitaux dans les actions des groupes de tech sur la semaine qui s'est achevée le 31 mai. "Le récent bond des valorisations des sociétés se situant dans le secteur de l'IA a soulevé les craintes d'une bulle", note de son côté UBS.
A tort ou à raison? "L'économie dans son ensemble ne progresse pas au rythme des gains que représentent [les] cours boursiers. Cela me rend inquiet pour les valorisations", juge auprès du Wall Street Journal Andy Constan, directeur général de Damped Spring Advisors, une société de recherche sur le marché.
A titre d'exemple Nvidia s'échange actuellement avec un ratio P/E – soit le cours de bourse divisé par le bénéfice par action attendu - de plus de 200, contre 58 pour Hermès, valeur du CAC 40 qui possède le multiple le plus généreux sur cette base.
Rien à voir avec la bulle des cryptos
Reste que le cas de Nvidia demeure singulier, la société constituant un cas "unique", juge Daniel Newman de Futurum Research, interrogé par MarketWatch.
Et que, contrairement à d'autres "buzz" boursiers qui ont pu voir le jour, par exemple les sociétés spécialisées dans les repas sans viande mais recréant son goût ou encore les SPACs, cet engouement boursier ne semble pas reposer sur du sable.
UBS distingue l'IA générative de ces autres "effets de modes", alors que l'adoption de ChatGPT a passé la barre des 200 millions d'utilisateurs. "Nous pensons que l'IA, ou l'IA générative, présente des cas d'utilisation clairs pour les consommateurs et les entreprises, ce qui la distingue des tendances technologiques 'hypé' comme l'impression 3D, qui n'a pas réussi à décoller de manière significative", fait valoir la banque suisse. Selon elle, le marché des services et des plateformes d'IA devrait passer de 36 milliards de dollars en 2020 à plus de 90 milliards en 2025.
"Si certains titres du secteur semblent désormais chers, ce qui nous amène à conseiller aux investisseurs de se montrer sélectifs, nous pensons également que le potentiel de croissance de l'IA reste important", poursuit la banque.
"Il est vraiment difficile de considérer qu'il s'agit d'une bulle. La vitesse de 'pricing' a été très rapide mais finalement ce sont surtout des grands groupes qui bénéficient de cet 'effet IA' et le marché se montre peut-être généreux dans ses anticipations de valorisation", note Alexandre Baradez, analyste de marché pour IG France. "Ces sociétés ont déjà un 'core business' très rentable, l'IA ne fait qu'ajouter de la valeur. On peut se diriger vers une consolidation", mais pas vers "l'éclatement d'une potentielle bulle", juge-t-il.
Jospeh Zappia, co-directeur des investissements chez LVMW Advisors, relativise lui aussi fortement ce concept de bulle, auprès du Wall Street Journal. Notamment parce que l'intérêt des petits porteurs n'a pas encore atteint le point névralgique.
"Si je devais utiliser les frénésies passées comme point de référence, cela n'a rien à voir avec les gens qui me disaient il y a deux ans: "Quels 'coins' devrais-je acheter ? L'engouement pour les cryptomonnaies était d'un tout autre niveau", conclut-il.