(BFM Bourse) - L'engouement autour du robot conversationnel d'Open AI a créé un effet de mode qui n'a pas laissé indifférents les investisseurs. Mais comme toute frénésie, des risques existent.
Le phénomène ChatGPT ne créé pas le buzz que sur les réseaux sociaux. Le robot conversationnel d'Open AI dans lequel Microsoft a investi des milliards de dollars, a également suscité une véritable effervescence en Bourse, comme l'ont très bien repéré plusieurs médias dont Les Echos et L'Agefi.
Pas une journée ne semble se passer sans qu'un groupe n'annonce une nouvelle initiative pour intégrer l'intelligence artificielle à son modèle. Avec parfois d'importants succès en Bourse. Le géant chinois du e-commerce Alibaba a vu son cours grimper de 4% à Hong Kong jeudi, après que la société a annoncé qu'elle travaillait sur la mise en place d'un concurrent de ChatGPT expliquant mener des tests en internes dans cette optique. Sans donner par ailleurs le moindre calendrier sur cet outil.
Ce n'est pas la seule société chinoise à avoir bénéficier de la vague. Mardi, Baidu, autre mastodonte chinois du e-commerce, a bondi de 15%, après avoir annoncé son intention de déployer '"Ernie Bot", un autre chatbot, dont le développement doit débuter en septembre.
Au-delà des robots conversationnels, les spécialistes de l'intelligence artificiels ont été fortement recherchés en Bourse. Deep Glint et Hawang Technology, des spécialistes chinois en la matière ont vu leurs cours bondir de 67,6% et de 130% depuis le début de l'année, car les investisseurs cherchent des sociétés similaires à OpenAI, relate Forbes.
Un marché à 1.000 milliards de dollars?
Même cas de figure aux Etats-Unis. Soundhound, société spécialisée dans l'intelligence artificielle vocale, bondit de 144% depuis le début de l'année. C3.ai, qui conçoit des logiciels dans ce domaine, gagne 112%. Pour Bigbear.AI, société spécialisée dans l'analyse d'IA qui a récemment obtenu un important contrat auprès de l'US Air Force, l'envol se chiffre à…. 650%. Notons aussi Buzzfeed, le média spécialisé dans les articles, qui bondit de 140% depuis le 1er janvier, alors qu'il a récemment indiqué travailler avec ChatGPT pour développer des contenus.
"Avec une croissance annoncée de plus de 20% pour le marché mondial en 2022, l’intelligence artificielle est un secteur qui semble avoir de belles années devant soi. Les récentes innovations dans le domaine ont effectivement montré que le développement de l’intelligence artificielle n’est pas près de s’arrêter", soulignait John Plassard, de Mirabaud, dans une note parue fin janvier.
La banque UBS a estimé que le marché adressable total de l'IA générative pourrait représenter 1.000 milliards de dollars. "Cela peut sembler un scénario haussier fou et les prix pourraient chuter, mais ce que nous voulons dire, c'est que le marché a le potentiel pour être extrêmement vaste", a expliqué la banque dans une récente note.
Microsoft prêt à tailler des croupières à Google
Pour revenir à ChatGPT, Microsoft a vu son cours progresser de 4% mardi après avoir annoncé qu'une version améliorée du chatbot intégrerait Bing, son moteur de recherche, menaçant par la même l'hégémonie de Google (Alphabet).
La conférence dédiée à l'IA du groupe cofondé par Bill Gates a également séduit de nombreux bureaux d'études. "Avec ces nouvelles fonctionnalités séduisantes qui vont être proposées aux utilisateurs de son moteur de recherche Bing, la stratégie de Microsoft dans le domaine de l'intelligence artificielle est susceptible de métamorphoser le marché de la recherche sur Internet en se traduisant par des gains de parts de marché grâce à des bénéfices accrus pour les utilisateurs et une expérience améliorée", explique Wedbush, cité par CercleFinance.
"Nous considérons les prouesses de ChatGPT et sa montée en puissance auprès des consommateurs comme une menace à court terme pour les multiples boursiers d'Alphabet et un coup de pouce pour [ceux de] Microsoft et Nvidia [le fabricant de cartes à puces dont les technologies peuvent être utilisées dans l'IA, NDLR]", avance UBS
"Les améliorations de la recherche agiront comme un vent porteur pour les recettes publicitaires à long terme, mais il faudra du temps pour ramener les utilisateurs sur Bing" et ils auront besoin de mettre le pied à l'étrier "pour éloigner les annonceurs de Google", estime de son côté Jefferies, cité par Markets Insider.
Pour l'heure Google n'a guère convaincu le marché, après avoir dévoilé mercredi son propre robot conversationnel, Bard. Le groupe a laissé sur leur faim les investisseurs à l'issue d'une présentation où le groupe n'a pas donné de grands détails sur la façon dont il compte intégrer Bard dans son moteur de recherche, ni donné de délai. Pour ne rien arranger, Bard a commis un impair en donnant une information erronée sur les découvertes scientifiques permises par le télescope spatial James Webb. L'action Alphabet a baissé de près de 8% mercredi soir.
Plus qu'une mode
Pour Morgan Stanley cette frénésie rappelle des "modes" passées, qui ont pu agiter les marchés, telles que les "meme stock" (des valeurs prisées des boursicoteurs sur les réseaux sociaux) ou les entreprises spécialisées dans le cannabis.
"L'IA générative, maintenant popularisée par ChatGPT, présente toutes les caractéristiques de la hype: une caisse de résonance sur les médias sociaux, un financement exponentiel en capital-risque et des médias polarisés", souligne la banque américaine. "Pourtant, quelque chose suggère que le battage médiatique autour de l'IA mérite d'être considéré sérieusement... Après tout, ChatGPT est la plateforme la plus rapide pour à atteindre le million d'utilisateurs et les 100 millions de vues pour un site. Par conséquent, lorsque nous considérons la diffusion de technologies pouvant avoir un réel potentiel d'impact sur le marché, l'IA générative représente un sérieux prétendant", ajoute Morgan Stanley qui note que les investisseurs semblent partager son point de vue.
Toutefois des limites et des risques subsistent. La fiabilité des informations, comme l'a donc démontré Bard, reste un écueil. "L'exactitude demeure le talon d'Achille de ChatGPT", pointe Morgan Stanley.
Comme le rapporte Bloomberg, les investisseurs peuvent, au-delà de la frénésie boursière, avoir des interrogations sur ce point. L'agence explique que plusieurs sociétés chinoises d'IA ont brusquement chuté en Bourse jeudi après qu'un média local a conseillé les porteurs de ne pas suivre aveuglément la tendance, car ces technologies mettront du temps à prouver leur valeur. Certains de ces titres ont fait l'objet d'investigations de la part des autorités chinoises.
"La technologie sera prête un jour, mais on a souvent tendance à sous-estimer le temps nécessaire pour faire aboutir les projets", prévient pour sa part Jacques-Aurélien Marcireau d'Edmond de Rothschild AM, cité par Les Echos. Par ailleurs, "le modèle économique de ChatGPT est encore très éloigné des nouvelles exigences de rentabilité des investisseurs", ajoute le gérant, en référence au contexte plus compliqué pour la tech en Bourse.