(BFM Bourse) - Un an après son homologue américaine, la Banque centrale européenne fait son aggiornamento concernant le fameux seuil des 2% d'inflation. Ce niveau n'est plus forcément vu comme un plafond absolu, la banque centrale se laissant désormais la possibilité de laisser l'indice des prix le dépasser "légèrement" pendant un certain temps.
Adieu la référence immuable à un taux d'inflation "proche de, mais inférieur à 2%". Comme la Réserve fédérale des Etats-Unis l'avait fait à l'été 2020, la Banque centrale européenne (BCE) vient de faire évoluer sa stratégie de politique monétaire. Pour maintenir la stabilité des prix, l'institution dirigée par Christine Lagarde considère désormais un objectif de 2% "symétrique" à moyen terme. Autrement dit, la BCE n'hésitera pas à mettre en place ou maintenir des mesures d'expansion si la situation l'exige, quitte à voir l'indice des prix à la consommation un peu excéder son objectif, pourvu que sur le moyen terme la tendance reste bien proche de 2% en moyenne.
Au terme de l'évaluation approfondie (la première depuis 2003) de sa stratégie de politique monétaire, engagée en janvier 2020, le conseil des gouverneurs de la banque centrale européenne a officialisé ce jeudi les nouvelles orientations de sa politique.
La conseil présidé par Christine Lagarde estime que viser un objectif d’inflation de 2% à moyen terme est toujours le meilleur moyen de maintenir la stabilité des prix. Mais désormais, cet objectif d’inflation est "symétrique", ce qui signifie que les écarts excessifs sont aussi indésirables à la hausse qu'à la baisse. Si l'inflation s'emballe, le risque est d'entrer dans une spirale de hausse qui fait que le pouvoir d'achat des ménages diminue de plus en plus. vous ne pouvez plus acheter autant de choses qu’avant avec la même somme d’argent. Mais la déflation constitue aussi un écueil à éviter : un recul continu et généralisé des prix au sein de l’économie (ne découle pas d’améliorations de la production) risque de provoquer une chute de la demande, contraignant les entreprises à geler ou abaisser les salaires, voire de réduire leurs effectifs, engendrant une hausse du chômage, jusqu'à la crise économique etc.
Aussi, lorsque les taux d’intérêt sont proches de leur niveau plancher, une politique monétaire particulièrement vigoureuse et ancrée dans la durée est nécessaire pour éviter la fixation des écarts négatifs par rapport à l’objectif d’inflation (le fait que les acteurs économiques entérinent des perspectives d'inflation trop faibles). Pour combattre cela, il sera possible d'accepter "une période intermédiaire d’inflation légèrement au-dessus de l’objectif" de 2%.
Mieux inclure les coûts du logement dans l'inflation
Le conseil des gouverneurs confirme également que l’ensemble des taux d’intérêt de la BCE demeure le principal instrument de politique monétaire. D’autres instruments, comme la "forward guidance" (indications prospectives), les achats d’actifs et les opérations de refinancement à plus long terme qui, au cours des dix dernières années, ont permis d’atténuer les contraintes liées au niveau plancher des taux d’intérêt nominaux, resteront une partie intégrante de la panoplie d’outils de la BCE, qui pourront être utilisés de manière appropriée.
À ce jour, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) demeure la mesure privilégiée de l’évaluation de la stabilité des prix. La banque centrale "admet cependant que l’inclusion des coûts des logements occupés par leur propriétaire dans l’IPCH permettrait de mieux rendre compte de l’inflation pertinente pour les ménages". Toutefois, le chantier au plan statistique est considérable et il faudra "plusieurs années" avant de parvenir à inclure ces coûts dans l'indice.
Entre-temps, la BCE utilisera, dans le cadre de ses évaluations de la politique monétaire, des mesures de l’inflation qui intègrent des estimations préliminaires du coût des logements occupés par leur propriétaire pour compléter sa panoplie de mesures plus larges de l’inflation.
Favoriser le rachat d'actifs bas carbone
Autre nouveauté, le conseil des gouverneurs reconnaît que" le changement climatique a des conséquences profondes sur la stabilité des prix" et a, dès lors, approuvé un plan d’action ambitieux dans ce domaine. Si elle considère que la responsabilité à cet égard incombe principalement aux États et aux parlements, la BCE reconnaît la nécessité de continuer à intégrer les questions climatiques dans son cadre de politique monétaire, dans les limites de son mandat.
Le changement climatique et la transition vers une économie plus durable influent sur les perspectives de stabilité des prix en raison de leurs effets sur les indicateurs macroéconomiques (tels que l’inflation, la production, l’emploi, les taux d’intérêt, l’investissement et la productivité), la stabilité financière et la transmission de la politique monétaire. En outre, le changement climatique et la transition bas carbone ont des répercussions sur la valeur et le profil de risque des actifs détenus au bilan de l’Eurosystème, ce qui peut conduire à une accumulation indésirable de risques financiers liés au climat.
Avec ce plan d’action, la BCE entend accroître sa contribution à la lutte contre le changement climatique, conformément à ses obligations en vertu des traités européens. Le plan d’action comprend des mesures renforçant et élargissant les initiatives en cours de l’Eurosystème visant à mieux tenir compte des questions liées au changement climatique, dans le but de préparer certaines modifications du cadre de mise en œuvre de la politique monétaire.
Ces mesures seront conformes à l’objectif de stabilité des prix et devront prendre en considération les conséquences du changement climatique pour une allocation efficace des ressources. Le centre du changement climatique de la BCE, qui vient d’entamer ses travaux, coordonnera les activités menées par la BCE en la matière, en coopération étroite avec l’Eurosystème. Par exemple, à l'avenir, l'institution ajustera le dispositif gouvernant la répartition des achats d'actifs de manière à tenir compte de critères liés au changement climatique, conformément à son mandat (elle achètera seulement des titres d'émetteurs respectant la législation européenne mettant en œuvre l’accord de Paris, grâce à des indicateurs liés au changement climatique ou à leur engagement vis-à-vis de ces objectifs).