(BFM Bourse) - A Wall Street tout est possible. Un fonds d'investissement vient de déposer une demande au gendarme boursier américain pour le lancement d'un produit bien particulier. Il propose aux investisseurs de parier contre les convictions de Jim Cramer, l'animateur star de l'émission "Mad Money" de la chaîne américaine CNBC, souvent moqué pour ses recommandations.
Tout est parti d'une blague, jusqu'à ce qu'une société de gestion la prenne au sérieux et lui donne vie. Mercredi de la semaine dernière, Matthew Tuttle, le patron et directeur des investissements de Tuttle Capital Management, a déposé un prospectus auprès du gendarme boursier américain, la Securities & Exchange Commission (SEC), pour le lancement d'un ETF bien particulier.
De son petit nom Inverse Cramer ETF (SJIM), ce produit va permettre aux investisseurs de parier contre les recommandations d'actions de Jim Cramer, l'animateur star de l'émission "Mad Money" de la chaîne spécialisée CNBC.
"Le gérant du fonds va être attentif à la sélection des actions ainsi qu'aux recommandations globales de Cramer, telles qu'annoncées publiquement sur Twitter ou dans ses émissions diffusées sur CNBC, et vendra ces recommandations à découvert ou conclura des transactions sur des produits dérivés tels que des contrats à terme, des options ou des swaps qui sont négativement corrélés avec ces recommandations" est-il mentionné dans le prospectus déposé à la SEC.
Le cas Jim Cramer
Jim Cramer peut être défini comme un personnage haut en couleur dans le paysage audiovisuel américain. Âgé de 67 ans ce diplômé de Harvard, ex-courtier chez Goldman Sachs et ex-gestionnaire de fonds spéculatifs, est devenu un meme moqué pour ses recommandations qui tombent régulièrement à côté. Les critiques à son encontre et envers son émission ne datent pas d'hier. Joseph Nocera, chroniqueur économique au New York Times, écrivait déjà en 2006: "Les gens qui regardent Mad Money et suivent les conseils de Cramer sont des imbéciles."
Le cas Jim Cramer est même devenu un sujet très sérieux de recherche en finance comportementale, souligne le Financial Times. Un article de recherche "How Mad Is Mad Money? Jim Cramer as a Stock Picker and Portfolio Manager" publié en 2012 a révélé que l'influence de Cramer sur le cours des actions était de courte durée, du moins en ce qui concerne les recommandations d'achat, et que la surperformance des portefeuilles était trop tributaire de "l'exposition au bêta, des petites actions, des actions axées sur la croissance et des effets de momentum".
Ces résultats faisaient écho à une étude de 2009 intitulée "Investing in Mad Money: price and style effects", qui concluait ainsi : "Bien que Cramer puisse être divertissant et hypnotisant pour nombre de ses téléspectateurs, ses recommandations globales ou moyennes sur les actions ne sont ni extraordinairement bonnes ni exceptionnellement mauvaises."
Un nouveau coup de Tuttle Capital Management
Beau joueur, Tuttle a également déposé un prospectus pour un fonds appelé Long Cramer ETF (LIJM). Celui-ci investira dans des actions recommandées par Jim Cramer. Les pro-Cramer pourront aisément suivre les suggestions de leur gourou cathodique préféré.
Tuttle Capital Management s'est d'ailleurs fait connaître pour avoir déjà commercialisé un "ETF anti-Cathie Wood" appelé Tuttle Capital Short Innovation ETF (SARK). Lancé en novembre 2021, SARK parie contre l'ETF Ark Innovation, le fonds phare de Cathie Wood investi dans des sociétés aux technologies de rupture. Pour la petite histoire, il s'agit du premier ETF aux Etats-Unis à parier contre un autre ETF. Et pour l'instant, l'ETF "anti-Cathie Wood" fait le bonheur de ses souscripteurs. L'ETF SARK (pour Short Ark) a gagné près de 60% depuis le début de l'année année là où le fonds de la papesse de la "tech" a perdu autant dans le même intervalle.