(BFM Bourse) - Le groupe de médias, qui possèdent les licences Batman, Superman mais aussi les séries Game of Thrones, The White Lotus ou Les Sopranos, a annoncé sa décision de séparer ses activités avec d'une part le cinéma et le streaming et d'autre part la télévision linéaire. Une bonne vieille recette pour dynamiser le cours de Bourse.
Depuis la finalisation de sa fusion avec la chaîne américaine de documentaires (et propriétaire d'Eurosport) Discovery, en avril 2022, le groupe de média Warner Bros souffre en Bourse. L'action de la société désormais appelée "Warner Bros Discovery", et connue au cinéma pour les films Batman et Superman ainsi que pour les séries Game of Thrones, Succession ou Les Sopranos, a été divisée par 2,5.
La faute à des résultats financiers décevants, pénalisés, notamment, par le déclin de la télévision traditionnelle, et par des "flops" au box-office (comme dernièrement Joker: Folie à Deux de Todd Phillips et Mickey 17 de Bong-Joon Ho). Sur ce dernier point, le groupe va prochainement retenter de relancer la franchise Superman avec la sortie d'un nouveau film en juillet.
Même les jeux vidéo ont parfois manqué les attentes. L'an passé, le directeur financier, Gunnar Wiedenfels, avait reconnu que les ventes du jeu Suicide Squad n'avaient pas été à la hauteur des espoirs de la direction.
Bank of America soulignait par ailleurs que la fusion entre Discovery et Warner Bros n'avait pas tenu ses promesses en matière de synergies.
"Malgré tout, nous pensons que Warner Bros Discovery possède l'une des collections d'actifs les plus intéressantes dans le domaine des médias, qui comprend une bibliothèque de films et de programmes télévisés parmi les plus vastes et les plus performantes", expliquait Bank of America dans une récente note.
"Cependant, il nous apparaît de plus en plus clairement que la société, telle qu'elle est actuellement construite, ne fonctionne pas en tant qu'entité cotée en Bourse et que des changements transformateurs sont probablement nécessaires pour débloquer l'énorme valeur contenue dans ces actifs", observait la banque.
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La scission tant espérée arrive
Dans les faits, nombre d'observateurs ont spéculé sur une scission de la société avec d'une part le streaming et les studios de cinémas et d'autres part la télévision linéaire. Plusieurs informations de presse, relayées par de nombreux médias américains, sont allées dans ce sens. CNBC avait par exemple évoqué cette séparation début mai.
Finalement, Warner Bros Discovery leur a donné raison ce lundi 9 juin, en annonçant exactement cette scission. D'un côté l'activité "streaming et studios" rassemblera au sein d'une même société la plateforme de streaming HBO Max, la chaîne câblée HBO et les studios de cinéma Warner Bros. De l'autre, l'essentiel de la télévision linéaire, avec notamment CNN, TNT Sports et Discovery, sera regroupé dans une entreprise appelée pour l'heure "Global Networks". Le directeur général de Warner Bros Discovery (WBD), David Zaslav, prendra la tête de la première société, le directeur financier, Gunnar Wiedenfels, celle de la seconde.
"Cette séparation dynamisera chaque entreprise en leur permettant de tirer parti de leurs forces et de leurs profils financiers spécifiques. Elle permettra également à chaque société de saisir d'importantes opportunités d'investissement et de créer de la valeur pour les actionnaires", a déclaré Gunnar Wiedenfels dans un communiqué.
Le but d'une scission d'entreprise en Bourse est toujours le même: obtenir des multiples boursiers (et donc une valeur boursière) plus généreux pour chaque société cotée que ceux implicitement intégrés dans l'unique société cotée actuelle. Cela tient au fait que le marché préfère généralement les "pure-players" d'un secteur que les conglomérats qui rassemble des activités hétéroclites. Ce en raison notamment d'un manque de spécialisation et de synergies entre les différentes activités.
D'ailleurs à la suite de cette annonce pourtant largement télégraphiée dans la presse, le titre Warner Bros Discovery prend 10,4% à la Bourse de New York, en début de séance ce lundi.
Une grosse décote à combler
"Une scission stratégique pourrait créer de la valeur", jugeait dans une récente note Bank of America. Dans une analyse approfondie, la banque américaine estimait que la division "streaming et studios" pourrait à elle seule valoir 35 milliards de dollars en Bourse (et 44,5 milliards en incluant la dette), soit 15 dollars par action, tandis que les activités de télévision linéaire pourraient être valorisées à 5,35 milliards de dollars, ou 2,17 dollars par action, et 26,8 milliards en incluant la dette. À l'heure actuelle, Warner Bros Discovery vaut 24,3 milliards de dollars en Bourse et 10,8 dollars par action, soit une décote de 33% par rapport à sa valeur théorique post-scission, selon les calculs de Bank of America.
Les scissions en Bourse ne constituent toutefois pas une panacée. Vivendi en sait quelque chose. L'ex-Compagnie générale des eaux s'est divisée en quatre sociétés en décembre, avec l'introduction en Bourse de Canal+ à Londres, celle de Havas à Amsterdam, et celle de Louis Hachette Group à Paris.
Quelques mois plus tard, le bilan n'est pas franchement positif. "Trois mois après la scission de Vivendi, il n’y a aucun doute que la scission a été destructrice de valeur pour les actionnaires (…) Et ceci quelle que soit la date de référence prise en compte", soulignait en avril la lettre spécialisée Vernimmen.
Ses auteurs remarquaient alors que, par rapport à l'annonce du projet de scission, mi-décembre 2023, l'actionnaire qui aurait conservé ses quatre actions après la scission aurait perdu 13% de son patrimoine, à comparer avec une hausse de 5% du CAC 40 sur la même période. Par, rapport, cette fois, à la veille de la scission, en décembre dernier, la perte passe à 6% contre une progression du CAC 40 de 8%.
Cette scission a été émaillée de critiques reprochant à la société de n'effectuer cette opération que pour permettre au Groupe Bolloré d'accroître à moindre frais son pouvoir sur chaque entreprise en bénéficiant des largesses réglementaires permises par les différentes places de cotation en matière d'OPA. Vivendi a toujours battu en brèche ces accusations. Le président du directoire du groupe, Arnaud de Puyfontaine, a encore dit en avril que l'opération s'était faite dans l'intérêt des sociétés scindées et de l'ensemble des actionnaires.