(BFM Bourse) - L'ensemble des banques européennes chutent encore ce lundi. Le rachat de Credit Suisse par UBS se traduit par une remise à zéro d'un certain type d'obligations, ce qui suscite des craintes sur l'ensemble du secteur.
Si la Suisse pense avoir évité le pire en poussant UBS à racheter Credit Suisse, le marché n'est pas totalement rassuré sur le système bancaire loin s'en faut.
Les titres des banques souffrent encore ce lundi. A Paris, BNP Paribas abandonne 3,5% vers 10h et Société Générale perd également 4,5%. A Francfort, Deutsche Bank s'effondre de 6,7%. Quant à Credit Suisse et UBS, elles perdent respectivement 62% à et 11,9% à Zurich.
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Pour Credit Suisse la chute n'est pas illogique au vu de la décote impressionnante (près de 60%) qu'UBS a exigé pour racheter la banque malade de l'Europe continentale. Quant à UBS, le recul du titre peut s'expliquer par les impacts négatifs à court terme qu'entraîne l'opération, notamment la suspension de son programme de rachats d'actions.
"L'impact sur le bénéfice par action est encore difficile à évaluer, mais il devrait en effet être initialement dilutif pour UBS avec l'émission de nouvelles actions (nous calculons environ 5%) et la consolidation d'une entité (Credit Suisse) qui est actuellement largement déficitaire", relève Jefferies.
Certes, "le faible prix payé (3 milliards de francs suisses) et l'important filet de sécurité fourni à UBS (avec la garantie du gouvernement) sont positifs, tandis que la stratégie d'UBS reste inchangée", considère Jefferies. "Toutefois, UBS s'expose à un risque d'exécution important, à un risque de litige, les rachats d'actions sont temporairement suspendus (on ne sait pas combien de temps), les besoins en capitaux d'UBS seront probablement revus à la hausse, et l'attention de la direction sera captée par cette opération pendant de nombreux trimestres, voire des années", poursuit la banque.
Peur sur certaines obligations
Au-delà de Credit Suisse et UBS, pourquoi les autres banques chutent? La raison semble être glissée dans les détails de la transaction entre les deux établissements suisses.
Plus exactement sur les pertes qu'essuient certains créanciers de Credit Suisse, c'est-à-dire les porteurs d'obligations AT1 du groupe, appelées également "CoCo bonds" pour "contingent convertible bonds". Ces titres de dette sont plus risqués que les habituels car ils se transforment automatiquement en actions si le ratio de capital de la banque passe sous un certain seuil.
"Les obligations AT1 ont été introduites en Europe après la crise financière mondiale pour servir d'amortisseurs lorsque les banques commencent à faire faillite. Elles sont conçues pour imposer des pertes permanentes aux détenteurs d'obligations ou pour être converties en capitaux propres si les ratios de capital d'une banque tombent en dessous d'un niveau prédéterminé, renforçant ainsi son bilan et lui permettant de poursuivre ses activités", explique Charles-Henry Monchau, directeur des investissements de la banque Syz.
"Selon le régime suisse de renflouement, la dette AT1 se situe au-dessus des fonds propres dans la cascade d'absorption des pertes", souligne-t-il.
Or la Finma, l'autorité de régulation des marchés en Suisse, a décidé que le soutien exceptionnel de l'Etat, via des garanties à l'opération, déclenchait un "amortissement complet de la valeur nominale de tous les emprunts AT1 de Credit Suisse pour un volume d’environ 16 milliards de francs". Comme l'expliquait très bien Credit Suisse dans son communiqué, cela signifie que la valeur de ces titres de créances passe à zéro.
"Le marché s'inquiète sur la nature des AT1 ce qui peut expliquer le mouvement observé sur les banques aujourd'hui", souligne Frédéric Rozier, gérant chez Mirabaud.
Une logique remise en cause
Ce qui pose tout simplement un risque pour l'ensemble du marché de la dette. Car la décision des autorités suisses vient tout simplement remettre en cause une hiérarchie bien établie qui veut que les créanciers soient payés avant les actionnaires, car ils sont censés supporter moins de risques. Cette règle "serait remise en cause par l'opération", note Frédéric Rozier.
"Il s'agit d'une évolution surprenante, étant donné que même les détenteurs d'obligations non garanties ont généralement un rang supérieur à celui des détenteurs d'actions dans la structure du capital", abonde Charles-Henry Monchau.
"Ainsi, le fait que les détenteurs d'actions obtiennent "quelque chose" et que les détenteurs d'obligations CoCo n'obtiennent "rien" soulève de sérieuses questions quant à la valeur réelle des obligations CoCo", poursuit-il.
"Cela crée des risques de contagion sur les CoCos (…) Il y a également un risque d'effet de contagion sur le crédit mondial (bien que nous remarquions que les obligations garanties de premier rang semblent assez résistantes, y compris les obligations garanties de premier rang de Credit Suisse dont le prix a bondi ce matin)", conclut Charles Henry Monchau.