(BFM Bourse) - Avec les valeurs de la défense, recherchées dans la perspective d'un réarmement européen, les producteurs de matières premières constituent un havre de sécurité pour les investisseurs, en particulier dans l'énergie et les métaux.
Ça y est : la Bourse de Paris repasse officiellement ce lundi en "bear market", terme anglo-saxon désignant un marché baissier, en recul d'au moins 20% par rapport à son précédent sommet. Proche de 7400 points le 4 janvier dernier, un plus haut historique, le CAC 40 se retrouve deux mois après à 5856 points après une heure d'échanges lundi, une nouvelle baisse de 3,39% depuis vendredi où la sanction avait pourtant déjà été particulièrement vive.
Au départ ce sont les sociétés disposant d'une présence significative en Russie, à l'image de Renault (propriétaire de Lada, le leader du marché automobile russe) ou Société Générale (qui n'exclut pas de se voir exproprié de sa filiale Rosbank) qui ont été le plus vivement sanctionnées. Mais les investisseurs craignent désormais que les sanctions infligées à la Russie, susceptibles d'entraver ses exportations énergétiques, n'entraînent de douloureuses retombées pour l'économie européenne et la plupart des secteurs souffrent.
Parmi les rares exceptions figurent logiquement les producteurs de matières premières énergétiques et industrielles, qui voient la valeur de leur production s'envoler.
Filiale à 83% du groupe américain ExxonMobil, le spécialiste du raffinage pétrolier Esso S.A.F. affiche ainsi une hausse de plus de 80% de son cours de Bourse depuis le début de 2022 en franchissant le niveau de 26 euros pour la première fois depuis septembre 2019.
La junior pétrolière Maurel & Prom, elle aussi majoritairement détenue par un groupe étranger (l'indonésien Pertamina en l'occurrence) progresse de 63%, alors que le portefeuille d’actifs de l'entreprise est uniquement centré sur l’Afrique et l’Amérique latine, donc à l'abri de toute sanction visant la Russie.
Au contraire de TotalEnergies. La position du géant tricolore du secteur apparaît de plus en plus difficile à tenir : même si cela n'est pas exigé à ce stade, BP, Shell, Equinor ou ExxonMobil ont purement et simplement décidé de quitter le pays après l'invasion de l'Ukraine. TotalEnergies se borne à l'heure actuelle à indiquer qu'il respectera les sanctions européennes, lesquelles ne ciblent pas le secteur de l'énergie pour le moment. Mais les opérateurs redoutent que le groupe exposé notamment au secteur du gaz naturel , directement et via une participation au capital de Novatek, soit lui aussi poussé à faire une croix sur ses actifs russes, face à une aggravation du conflit ou bien une impossibilité de maintenir des liens financiers. Dans ce cadre, l'action TotalEnergies ne parvient pas à tirer parti de la hausse du brut, s'affichant stable voire en léger repli depuis le début de l'année. Sa filiale Total Gabon, en revanche, s'adjuge 32%.
Les sociétés parapétrolières comme Schlumberger (dont les opérations sont nord-américaines et européennes, le siège juridique aux Antilles néerlandaises, et qui dispose d'une cotation secondaire sur Euronext Paris) et Vallourec sont aussi fortement recherchées, gagnant respectivement 31% et 19% à ce stade de 2022 dans la perspective d'une relance à marche forcée des budgets d'exploration et de production.
Le producteur de métaux Eramet voit son cours s'apprécier de 67% dans le même temps, le groupe ayant notamment obtenu du gouvernement calédonien l'autorisation d'augmenter de 50% ses exportations de nickel de leur filiale commune SLN. Via Norilsk, la Russie est aujourd'hui l'un des plus gros producteurs mondiaux de ce métal.
Producteur de métaux non-ferreux tels que le plomb et le zinc, non via via l'exploitation minière mais au travers du recyclage, Recylex progresse de 84%.
L'or jouant pleinement son rôle de valeur refuge avec un cours qui atteint un record en euros (1800 euros l'once) et s'en rapproche en dollars (retrouvant la barre des 2000 dollars l'once pour la première fois depuis l'été 2020), la société Euro Ressources gagne 14%. Sans activité propre, cette société perçoit une redevance sur la production de la mine d’or Rosebel au Suriname, le solde du contrat de redevance représentant encore environ 1,5 million d’onces d’or.