(BFM Bourse) - Plusieurs députés invitent l'Etat à réduire la voilure sur son portefeuille de participations cotées. L'exécutif ne ferme pas la porte à cette possibilité.
L'Etat doit-il se délester d'une partie de ses participations dans des entreprises cotées en Bourse?
L'idée a été plus que suggérée par Gérald Darmanin, la semaine dernière. "Un travail doit être mené sur les participations de l'Etat dans les entreprises. L'Etat a des participations évaluées à 150 milliards d'euros, dont 50 milliards dans les sociétés cotées comme Orange, la FDJ, Stellantis ou Engie. Il vaudrait mieux vendre ces participations qu'augmenter l'impôt sur les sociétés. L'Etat n'a rien à faire là", avait déclaré aux Echos l'ancien ministre de l'Intérieur.
Gérald Darmanin a d'ailleurs persisté dans une tribune co-signée avec l'ancienne ministre déléguée au tourisme et à la consommation Olivia Grégoire et le député Renaissance Mathieu Lefèvre dans La Tribune Dimanche. Dans ce texte paru dimanche, les trois élus appellent à une cession d'environ 10% des participations de l'Etat. Une telle opération rapporterait "autant, voire plus, que la hausse contre-productive de l'impôt sur les sociétés ou l'augmentation des charges du travail prévues par le gouvernement", font-ils valoir.
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L'exécutif n'écarte pas l'idée
A cette proposition, l'exécutif n'a pas fermé la porte. Ce lundi, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté nationale, Antoine Armand, a été interrogé par des journalistes sur ce sujet.
Le locataire de Bercy d'abord a expliqué que le débat portait sur le portefeuille d'actions géré par l'Agence des participations de l'Etat (APE). A fin juin 2024, ce portefeuille s'élevait à 179,5 milliards d'euros, avec 85 entreprises dont dix sont cotées en Bourse (pour une valeur cumulée de 50,17 milliards d'euros à fin juin).
"Ce portefeuille évolue en permanence, nous réévaluons en permanence nos choix stratégiques nous les faisons évoluer dans le cadre d' une doctrine de moyen terme avec des évolutions plus récentes pour être aux meilleurs endroits en fonction du portefeuille qui existe et des intérêts stratégiques qui sont les nôtres", a déclaré Antoine Armand. "Le portefeuille des participations de l'Etat a évolué, évolue en permanence, et évoluera", a-t-il assuré.
Le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, avait été un peu plus disert. Sur France Inter, l'ex-directeur général de Business France avait assuré dimanche n'être "jamais opposé au débat des cessions de participations de l'Etat".
"Le principe d'avoir une revue de portefeuille des participations de l'Etat et de se demander quelle est la pertinence aujourd'hui de ces participations ne me choque absolument pas et cela ne m'étonne pas que cela vienne de personnalités comme Olivia Grégoire et Gérald Darmanin qui connaissent très bien ces sujets-là et qui pourront les aborder durant le débat (budgétaire, NDLR)", avait-il ajouté.
À étudier au regard du dividende
L'Etat a déjà par le passé réduit la voilure en cédant des actions de l'équipementier aéronautique Safran (en 2015 et 2018 par exemple) ou dans le groupe énergétique Engie (en 2017). La loi Pacte de 2019 a par ailleurs fourni le cadre légal à l'Etat pour privatiser Aéroports de Paris, dont il détient actuellement 50,4% du capital. Mais cette opération, rendue impossible par la crise sanitaire ces récentes années, représente un important risque sur le plan politique.
En 2014, le portefeuille de titres cotés gérés par l'APE représentait ainsi 85 milliards d'euros contre environ 52 milliards d'euros à l'heure actuelle.
En cédant des participations dans des sociétés cotées, l'Etat pourrait bénéficier de produits cessions élevés et ce, rapidement. Mais il "y perdrait les flux de dividendes futurs", a rappelé sur X (ex-Twitter) Vincent Lequertier, responsable de l'allocation d'actifs chez Wesave et invité régulier de BFM Bourse.
Laurent Saint-Martin en convient d'ailleurs. "La question c'est qu'il faut toujours la soupeser entre la cession de parts - qui permet plutôt de rembourser la dette que de réduire le déficit mais c'est un débat néanmoins intéressant - et le manque à gagner par les dividendes que cela créé si vous céder vos parts", a-t-il déclaré sur France Inter. "Il faut regarder secteur par secteur, entreprise par entreprise", a-t-il ajouté.
En 2023, l'Etat a perçu un total de 2,34 milliards d'euros de dividendes sur l'ensemble du portefeuille de l'APE, dont 1,6 milliard d'euros sur les seules dix sociétés cotées.
Rappelons toutefois que l'Etat actionnaire ne gère évidemment pas son portefeuille comme un investisseur "ordinaire". "La priorité du gouvernement n’est pas de toucher des dividendes mais d’investir dans l’avenir", avait déclaré en 2019 l'ancien ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
Les enjeux de souveraineté priment, et l'Etat conserve ainsi des participations dans des secteurs stratégiques, tels que la défense, l'énergie (avec Engie) ou les télécoms (avec Orange).
"La mission de l’APE est de gérer le portefeuille de participations de l’État, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques, pour stabiliser leur capital et les accompagner dans leur développement et leur transformation", souligne d'ailleurs l'agence sur son site.
L'Etat investit ainsi selon trois axes, à savoir dans les entreprises "stratégiques" qui "contribuent à la souveraineté " du pays, dans les entreprises "en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique", ou dans les sociétés "participant à des missions de service public ou d’intérêt général national ou local pour lesquelles la régulation serait insuffisante pour préserver les intérêts publics et assurer les missions de service public".
Rappelons également qu'outre l'Etat, des organismes publics et parapublics possèdent des participations dans des groupes cotés. C'est le cas de Bpifrance, actionnaire de Stellantis, Worldline ou encore Eutelsat, et de la Caisse des Dépôts et Consignations, présente au capital d'Emeis (ex-Orpea), d'Euronext, d'Icade, ou encore de Compagnie des Alpes.
