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Comment la crise bancaire a malmené les groupes immobiliers cotés en Bourse

dimanche 9 avril 2023 à 12h00
Les halles à Paris, centre commercial d'Unibail-Rodamco-Westfield

(BFM Bourse) - Dans la foulée des tensions qui ont secoué l'ensemble des banques des deux côtés de l'Atlantique, les foncières européennes ont souffert en Bourse au cours des dernières semaines, en raison de craintes sur leur refinancement. Mais des opportunités peuvent aussi émerger de ce mouvement.

L'onde de choc provoquée par la crise qui a agité les banques européennes et américaines depuis la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) est marquée par de nombreuses ramifications.

Une importante victime collatérale s'est dégagée: l'immobilier coté. A titre d'exemple, l'action de la foncière française Gecina est tombée sous les 90 euros fin mars, chutant alors de 17% sur un mois. Unibail-Rodamco-Westfield a perdu plus de 20% sur la même période tandis que l'allemande Vonovia a abandonné plus de 30%.

"A la suite des évènements bancaires déclenchés par la chute de SVB, le marché a commencé à regarder les bilans des banques régionales aux Etats-Unis. Les investisseurs se sont alors aperçus que leurs portefeuilles de prêts étaient exposés à hauteur de 43% à l'immobilier commercial américain, contre 13% pour les prêts des grandes banques américaines et de l’ordre de 10% pour ceux des banques européennes. Il s'agit donc d'une surexposition. Fort de ce constat, le marché a commencé à redouter des difficultés sur le refinancement des actifs immobiliers aux Etats-Unis et a estimé que ces craintes pourraient se propager à l'Europe continentale", explique Florent Laroche-Joubert, analyste chez Oddo BHF.

"Mais deux grandes différences doivent être soulignées: d'abord les experts s'accordent à souligner que les banques européennes sont régulées avec plus de rigueur que les banques régionales américaines. Ensuite les fondamentaux de l'immobilier commercial en Europe sont bien souvent meilleurs que ce qu'on peut observer aux Etats-Unis", nuance-t-il.

Pressions sur la valeur des actifs

Ces tensions bancaires surviennent alors que les foncières doivent déjà composer depuis plusieurs mois avec les hausses de taux provoquées par les resserrements monétaires des grandes banques centrales, telles que la Banque centrale européenne, qui fragilisent la valeur de leur patrimoine et met donc leur valorisation sous pression.

L'environnement de hausses de taux "pénalise avant tout le marché de l'investissement dans les actifs immobiliers. Un groupe foncier qui veut financer une partie du rachat d'un actif par de l'emprunt bancaire doit maintenant payer un taux d'intérêt plus fort. Pour tenir son objectif de rentabilité, il va donc proposer un prix moins élevé que précédemment", rappelle ainsi Florent Laroche-Joubert.

"En conséquence, cet environnement de hausse des taux est de nature à exercer une pression baissière sur la valeur des actifs immobiliers existants en sachant que leur valeur dépend également d’autres paramètres comme la localisation, l’effet de rareté et la qualité des locataires", poursuit-il.

"Ce contexte de hausse de taux, n'a pas été porteur pour les foncières cotées en Bourse entre mi-août et mi-octobre 2022, les investisseurs s’inquiétant alors à ce moment-là des effets collatéraux sur la valeur des actifs notamment. Les turbulences bancaires des dernières semaines ont apporté en première analyse une nouvelle couche d'incertitude car elles peuvent ajouter des complications additionnelles sur la capacité des différents acteurs économiques à se refinancer auprès des banques", développe l'analyste d'Oddo BHF.

Des opportunités à distinguer

Dans une note publiée fin mars, Bank of America lançait un avertissement sévère en ce sens, le crédit constituant selon elle "le poumon" du secteur immobilier. "La récente crise bancaire accroît la pression sur les propriétaires immobiliers qui doivent se refinancer cette année, non seulement en raison de l'augmentation des coûts d'emprunt, mais aussi parce que la disponibilité de nouvelles dettes auprès des banques et des organismes de crédit se fait plus rare", pointait la banque américaine. Selon cette dernière, les groupes immobiliers européens font face à "un mur" de 70 milliards d'euros de dette à refinancer, au total, d'ici à 2026.

Reste que le tableau ne doit pas être excessivement noirci. Royal Bank of Canada note que, au sein de sa couverture, les foncières européennes affichent en moyenne un ratio "loan to value" (la dette financière nette rapportée à la valeur du patrimoine), un indicateur phare du niveau d'endettement chez les foncières, de 37%, ce qui reste relativement confortable. Elle considère aussi que les risques de violation de "covenants" – les engagements en matière d'endettement auprès des créanciers - apparaissent "limités". En conséquence "des opportunités attrayantes" existent, selon elle.

Un constat partagé par Florent Laroche-Joubert. "Au-delà de quelques groupes réellement en difficulté, des opportunités d’investissement apparaissent au vu des décotes boursières qui existent sur le secteur", considère-t-il. "Ce contexte doit amener à privilégier des valeurs qui offre une bonne visibilité sur la solidité de leur bilan et leurs perspectives de croissance. Au contraire, les sociétés qui sont plus endettées, risquent de devoir limiter leurs investissements et opérer des cessions d'actifs pour se désendetter", préconise-t-il.

Parmi les valeurs françaises, un nom revient avec insistance dans les recommandations: Gecina. La société dirigée par Beñat Ortega figure parmi les valeurs préférées de Bank of America et Barclays. Pour la banque britannique, la société possède des fondamentaux solides et est l'une des rares valeurs du secteur à tabler sur une croissance de son résultat net récurrent par action cette année.

"Gecina est l'exemple typique de la foncière qui dispose d’une bonne qualité d’actifs, d’un bilan solide et une bonne visibilité sur sa croissance future", juge également Florent Laroche-Joubert. "Icade de son côté se paie avec une très forte décote et constitue ainsi une opportunité, depuis l'annonce de la cession de sa participation dans Icade Santé. Dans les centres commerciaux, Klépierre reste le grand acteur européen de référence avec un très bon compromis entre la qualité de ses actifs et un bilan solide ", note par ailleurs l'analyste.

Inquiétudes sur Unibail et Covivio

"A contrario deux grandes foncières françaises cherchent aujourd’hui à réduire leur endettement, il s'agit d'Unibail-Rodamco-Westfield et de Covivio qui doivent toutes les deux opérer des programmes de cessions d'actifs. Or, si elles possèdent des actifs de qualité et que nous restons confiants sur leur capacité à atteindre leurs objectifs, les récentes turbulences bancaires sont plutôt de nature à voir l’exécution de ces cessions être décalées dans le temps au-delà du court terme", explique-t-il également.

Unibail-Rodamco-Westfield doit encore céder 800 millions d'euros d'actifs en Europe cette année, après avoir déjà réalisé 3,2 milliards d'euros de ventes, et compte diminuer "radicalement" son exposition aux Etats-Unis. Son président du directoire, Jean-Marie Tritant, avait expliqué début février à l'AFP que cette réduction de la voilure aux Etats-Unis aura lieu en 2023 ou 2024 "dès que les marchés s'améliore[ront]". Covivio, pour sa part, compte vendre pour un total d'1,3 milliard d'euros d'actifs d'ici fin 2024.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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