(BFM Bourse) - Giles Parkinson, responsable des actions chez Trinity Bridge a évité de subir une forte baisse sur le titre Moncler en soldant sa position sur le groupe italien de luxe en février, rapporte CNBC. Sa décision a été notamment basée sur les données sur les détaxes des achats touristiques réalisés en Europe.
En Bourse, tout est une question de 'timing'. Que ce soit pour prendre une position sur une action, comme pour liquider cette même position.
Le cas de Giles Parkinson, gérant chez Trinity Bridge, en témoigne. Le responsable de la division actions de la société a évité une correction boursière sur l'action Moncler, en soldant sa position au "bon" moment, raconte CNBC dans un article publié ce mardi 3 juin.
Giles Parkinson est sorti du capital en février, lorsque le groupe italien spécialisé dans les doudounes de luxe affichait une solide hausse de 20% depuis le début de l'année. Le groupe venait de publier des résultats solides, le 13 février, au titre du quatrième trimestre 2024, avec une croissance de 9% hors effets de changes, quand les analystes tablaient sur un repli de 0,2%. Deutsche évoquait alors une performe "impressionnante" à l'heure où le luxe ralentissait.
Parkinson choisit donc de prendre ses bénéfices. À raison car le titre plongera ensuite. Par rapport à ses plus hauts enregistrés en février, le titre Moncler dévisse de 17% fin mars et même de 27% début avril, lors de l'annonces des droit de douane réciproques de la part de Donald Trump.
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Un bon baromètre
Rappelons que le luxe européen est concerné au premier chef par ces mesures car, hormis Louis Vuitton, aucun groupe ne dispose d'importantes capacités de production aux États-Unis. Par ailleurs, les dépenses de luxe, aux États-Unis surtout, sont étroitement corrélées à la santé des marchés boursiers. Or Wall Street a beaucoup souffert fin mars et début avril.
Depuis, l'action Moncler a retrouvé un peu d'allant. Mais le titre reste encore en retrait de 19% par rapport à son zénith de février, lorsque Giles Parkinson a soldé sa position.
Le gérant a donc eu du flair. Mais ce n'est pas tant son "coup" qui est marquant -cela se produit régulièrement sur les marchés - que les motifs pour lesquelles le gérant a pris sa décision. "La raison, la cause immédiate de cela, isolément, était une évaluation plus prudente de la croissance future de l'industrie du luxe que celle que nous avions auparavant", explique-t-il à CNBC.
Davantage que les fondamentaux propres de Moncler, le gérant a surtout regardé un indicateur avancé de la santé des dépenses de luxe, à savoir les détaxes que peuvent demander à l'étranger les touristes qui ont acheté des biens à l'étranger.
Parkinson qualifie ces statistiques de "bon guide à court terme du luxe dans son ensemble" et explique avoir en partie basé sa décision sur ces données. Ces détaxes sont, en effet, souvent très importantes pour les produits de luxe puisque ces produits ont un prix élevé. Les variations des niveaux de détaxes d'un mois à l'autre sont, en conséquence, largement influencée par les ventes de luxe.
Or, les dépenses des touristes ont une importance capitale dans le luxe. Selon le cabinet Bain&Company, ces dépenses à l'étranger représentaient 35% du total, en valeur, en 2024, et atteignait même 40% en 2019. Surtout, elles soutiennent largement la croissance du secteur en Europe, avec une progression de 10% à 15% en 2024, d'après le cabinet.
Examiner ces statistiques en Europe peut donc s'avérer judicieux pour avoir un bon baromètre de la santé du luxe.
Les analystes regardent, eux aussi, cet indicateur
Giles Parkinson a plus exactement regardé les données de Global Blue, une société qui aide les touristes et les distributeurs avec ces détaxes. En Europe, les statistiques de cette entreprise ont fait état d'une croissance de 9% sur un an des détaxes en février. Un chiffre robuste certes, mais deux fois inférieur au quelque 19% qui avait été publié au titre du mois de janvier.
"Il n'y avait pas eu d'impact notable affectant la base de la période de comparaison, ni d'effet de calendrier, ni d'interruption de voyage", explique Giles Parkinson. Le gérant voit alors un signal d'alerte qui l'amène à penser qu'une bascule s'opère sur le luxe.
D'autant que, comme le rappelle le gérant, le marché s'attendait à ce que le quatrième trimestre 2024 constitue le creux de la vague pour le luxe et espérait ainsi un rebond au premier trimestre 2025. Il sort donc du capital de Moncler.
Il aura donc raison puisque le rebond n'arrivera pas, au contraire. À titre d'exemple, Hermès, le meilleur élève du luxe, est passé d'une croissance de 18% au quatrième trimestre 2024 à 7,2% sur les trois premiers mois de 2025, un sérieux coup de frein qui avait déçu le marché. Moncler, de son côté, passe d'une croissance de 9% à seulement 1%.
Précisons tout de même que Giles Parkinson n'avait pas non plus découvert une martingale ignorée de tous. Il a surtout eu la bonne idée de se fier à sa conviction.
Les analystes du secteur du luxe suivent les dépenses touristiques et les détaxes parmi d'autres données. En avril, Stifel citait lui aussi les statistiques de Global Blue et remarquait que, au niveau mondial, les détaxes n'avaient progressé que de 2% en mars, après une croissance de 10% en février et de 29%. En Europe, toutefois, le ralentissement était moins prononcé (+7% après donc 9% en février et 19% en janvier).
La force du tourisme dans le luxe au Japon
Notons qu'en dehors de l'Europe, un pays a particulièrement été concerné par les dépenses des touristes dans les biens de luxe: le Japon. L'an passé, LVMH a enregistré une croissance de 28% en données comparables dans le pays du Soleil Levant, contre 1% sur l'ensemble du groupe, avec un pic de 57% au deuxième trimestre. La raison est assez simple: en raison de la faiblesse du yen, nombre de touristes, notamment chinois, ont joué des effets de changes pour s'acheter des biens de luxe à prix intéressant.
L'ex-directeur financier de LVMH, Jean-Jacques Guiony, à la tête désormais de la division "vins et spiritueux", avait expliqué que Fukuoka, une grande ville japonaise, ne se trouvait qu'à deux heures de bateaux des côtes chinoises.
Outre les dépenses des touristes, les analystes suivent d'autres données moins "brutes" que des résultats pour tenter d'évaluer la bonne santé du secteur. Les réseaux et sociaux et les moteurs de recherche, par exemple. Il y a un an, Bank of America était passé à l'achat sur Kering en se basant notamment sur les recherches effectuées sur Gucci, sa marque phare, sur Google Search et le chinois Baidu. Stifel, de son côté, soulignait en avril la croissance Loro Piana, une marque de LVMH qui a le vent en poupe, avec un nombre d'abonnés en hausse sur Instagram et TikTok.
Cela ne se limite pas au luxe. Dans l'aéronautique, les analystes suivent notamment les cycles de vols des avions pour déterminer la bonne santé des activités d'après-vente (maintenance, révision, pièces détachées) des groupes du secteur comme Safran ou MTU Aero.