(BFM Bourse) - Le tribunal de commerce de Paris a récemment prononcé la liquidation judiciaire de Pixium Vision dont l'action sera prochainement radiée de la cote. Si cet événement reste exceptionnel, il n'en demeure pas moins que les actionnaires seront les derniers servis dans ce cas de figure.
Fin de partie pour Pixuim Vision. Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire du spécialiste de l’œil bionique, mercredi 31 janvier, avec effet immédiat et sans poursuite de l'activité.
La justice commerciale a en effet décidé de rejeter l'offre de NeuroTech Vision visant à acquérir les actifs de Pixium Vision. Cette entreprise était la seule à avoir formulé une offre de reprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de Pixium Vision le 13 novembre 2023.
Sans extrapoler la décision de la justice commerciale, le faible historique de NeuroTech Vision a sûrement dû peser dans la balance. Le potentiel repreneur n'avait que 11 jours d'existence légale quand il a déposé son offre le 20 novembre, soit le jour de la date limite.
Pour l'actionnaire en revanche, l'ouverture de cette procédure de liquidation signifie donc la fin de la cotation du titre Pixium Vision. Elle était suspendue sur un dernier cours de 0,3764 euro le 30 janvier. Pixium Vision demandera prochainement à Euronext une radiation de ses actions.
9 entreprises cotées liquidées en 2023
Pixium Vision a été transparent sur cette potentielle issue. La société a plusieurs fois averti que les actionnaires en seront pour leur frais. "Compte tenu du prix proposé par le candidat acquéreur et le niveau d'endettement de la société (de 9 millions d'euros début octobre, NDLR), les produits de cession perçus en cas de décision favorable du tribunal de commerce ne permettront pas un remboursement total ou partiel des actionnaires", avait prévenu la société en janvier dernier.
Rappelons que Pixium Vision s'était introduit en Bourse en juin 2014 à un prix de 8,28 euros pour financer le développement clinique et le lancement commercial de son système de restauration de la vision en Europe et aux Etats-Unis. Ce cours faisait alors ressortir une capitalisation boursière de plus de 100 millions d'euros, contre seulement 2 millions d'euros au crépuscule de son parcours boursier.
En mai 2023, Lysogène, une autre société de l'univers des sciences de la vie a connu un destin similaire après n'avoir reçu aucune offre de reprise. La société s'était retrouvée en grande détresse financière après l'échec partiel d'une étude clinique pour un potentiel traitement du syndrome de Sanfilippo, une maladie neurologique rare, incurable, d'origine génétique.
Elle fait partie des 9 entreprises cotées en Bourse qui ont quitté la cote parisienne à la suite d'une liquidation judiciaire en 2023, selon le 15ème baromètre des offres publiques récemment dévoilé par EY.
Les actionnaires bons derniers de la liste
Même si fort heureusement cela ne se produit pas quotidiennement, la disparition d'une société cotée n'est pas un événement exceptionnel, et les actionnaires ne doivent jamais oublier le risque encouru. Car en cas de liquidation, ils se retrouvent bons derniers de la liste des créanciers à rembourser.
C'est au liquidateur, nommé par la justice, qu'il revient de vendre les actifs qui peuvent encore l'être pour le compte des différents créanciers inscrits au passif. Une fois tout vendu, le remboursement est effectué selon ce qu'on appelle l'ordre des privilèges. En premier lieu, c'est le recouvrement de la plupart des impôts qui est prioritaire, parfois avant même les salariés (lesquels bénéficient toutefois du régime de garantie des salaires, autrement dit un fonds national qui permet aux salariés de recevoir les sommes correspondant à leur salaire même s'il ne reste plus de fonds au sein de l'entreprise).
Viennent ensuite ce qu'on appelle les créanciers chirographaires, qui ne bénéficient pas de privilège particulier, notamment les fournisseurs. Le remboursement des banques et autres créditeurs dépend par ailleurs d'éventuelles hypothèques ou nantissements.
Ce n'est que si les dettes de tous ces créanciers ont pu être apurées que les actionnaires peuvent espérer se partager ce qui s'appelle un boni de liquidation. Il va sans dire qu'en cas de liquidation judiciaire -intervenant lorsque l'entreprise n'est plus en mesure d'honorer ses dettes et présentant un passif supérieur à l'actif- il ne faut pas compter dessus. C'est donc une perte sèche à laquelle s'exposent les investisseurs.
Penser à déclarer ses moins-values au fisc
Il ne leur reste plus qu'à faire valoir leur perte auprès de l'administration fiscale, ce qui peut nécessiter quelques démarches fastidieuses. Par le passé il était nécessaire d'attendre la clôture de la liquidation (ce qui peut prendre des années). Désormais, il est possible de faire reconnaître ses moins-values dès le jugement de liquidation prononcé, s'il fait bien mention de la nullité de la valeur des actions. Cette disposition tire son origine de l'emblématique et non moins dramatique faillite de Moulinex en 2001.
"Pour permettre éventuellement aux porteurs de titres Moulinex de constater leurs moins-values, la cotation des actions sera reprise du 14 novembre au 14 décembre 2001 inclus, dans le compartiment des valeurs radiées des marchés réglementés" avait-il été proposé aux petits porteurs de Moulinex pour se défaire de leurs actions. Or, ces derniers étaient dans l'incapacité de vendre leurs actions Moulinex faute d'acheteur en face dans le carnet d'ordre. Qui voudrait en effet se positionner sur une action dont la société est en faillite?
Le député Charles de Courson a ainsi inclus "l'amendement Moulinex" dans la loi de finances rectificative pour 2002 dans son article 12 publié au Journal Officiel du 31 décembre 2001. Cette disposition permet donc aux malheureux actionnaires d’imputer fiscalement les moins-values sur les actions de sociétés en faillite dès lors qu’un jugement ordonnant la cession de l’entreprise (en l’absence de tout plan de continuation) ou sa liquidation judiciaire a été rendu.
Pour cela, il faut obtenir copie du jugement auprès du greffe du tribunal ayant émis la décision judiciaire puis la transmettre à son intermédiaire financier afin qu'il constate la liquidation et la valeur nulle des actions. Ce dernier enverra une attestation de gain et de perte réalisé, sous le libellé "pertes sur titres suite à procédure collective", qui sera à produire auprès de l'administration fiscale pour imputer le cas échéant la moins-value sur ses gains.