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L'inversion de la courbe des taux annonce-t-elle une nouvelle crise?

dimanche 9 décembre 2018 à 08h00
Quid d'une éventuelle inversion du niveau des taux d'intérêt à court et à long terme ?

(BFM Bourse) - Le risque d'inversion de la courbe des taux -entre les rendements des bons du Trésor à court terme et ceux à long terme- est au coeur des préoccupations des marchés financiers. Mais croire qu'un tel phénomène soit toujours annonciateur d'une récession aux Etats-Unis relève du mythe, assure un économiste.

Les investisseurs s'en remettent volontiers à des mythes et des légendes, qui constituent des explications simples à un monde fait de complexité et d'incertitude. Un grand nombre d'entre eux croient ainsi de bonne foi que si le rendement des taux des obligations d'Etat américaines à court terme vient à dépasser le rendement des taux à long terme (ce qu'on appelle "l'inversion de la courbe des taux"), c'est qu'une récession est sur le point de se produire.

Il apparaît en effet logique d'exiger des taux plus importants pour de l'argent immobilisé plus longtemps. Or vendredi dernier les taux des obligations à deux ans était de 2,758% contre 2,892% pour celles à dix ans, soit un écart de moins de 0,14 point seulement... Une situation où les taux courts rapporteraient plus que les longs trahirait donc un manque de confiance dans l'évolution à court terme de l'économie, et annoncerait donc une récession. D'ailleurs, c'est ce qui s'était produit en août 2007 avec l'inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis, peu de temps avant la crise des subprime.

Mais pour Paul Donovan, chef économiste d'UBS, cette croyance n'a rien de rationnel.

Il y a de prime abord deux raisons de ne pas croire à la capacité prédictive de la courbe des taux américains, explique-t-il. Tout d'abord, cela impliquerait que les gérants obligataires soient investis par on ne sait quel miracle d'une capacité à prévoir l'avenir mieux que tous autres intervenants - notamment que les économistes. Il y a sans doute des gérants très intelligents parmi ces gérants, mais il semble peu probable qu'ils en savent par essence plus que quiconque.

Paul Donovan pointe également que :

  • la courbe des taux britanniques est restée inversée pendant des années sans récession ;
  • la courbe des taux japonais ne s'est pas inversée depuis 1991 malgré plusieurs récessions ;
  • la courbe des taux allemands s'est inversée avant le boom économique de 1991 et avant la reprise de 2013, mais ne s'est pas inversée préalablement au ralentissement de 2016 ;
  • enfin la courbe des taux américains s'est inversée en 2000 sans qu'intervienne de récession avant 2008. De même, il y a eu un autre "faux positif" en 1966, avec une inversion qui n'a pas annoncé de récession, comme le rappelle la Fed de Cleveland.

Bref, si une inversion de la courbe des taux prédisait nécessairement une récession, cela devrait se vérifier partout et tout le temps, or ce n'est tout simplement pas le cas.

Selon l'économiste, le mythe de la capacité prédictive de récession de l'inversion de la courbe des taux est né dans les années 1970. Une période où l'inflation était beaucoup plus importante qu'aujourd'hui (grâce à l'action des banques centrales, cela fait vingt-cinq ans que l'inflation moyenne au sein du G7 n'a jamais dépassé 3%) et où les taux obligataires étaient principalement gouvernés par l'inflation, elle même guidée étroitement par le cycle économique. Mais cela n'est pas valable dans un monde de faible inflation.

Cela ne veut pas dire que le marché obligataire ne fournit pas d'informations pertinentes. La partie courte des taux réagit toujours en fonction des efforts de la banque centrale pour accélérer ou ralentir l'économie. Le sens de la pente peut révéler les inquiétudes des investisseurs (et le fait que la banque centrale se préoccupe plus ou moins fortement de leurs inquiétudes). Ce qui ne signifie pas que cette orientation prédise avec certitude les récessions, assure Paul Donovan.

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