(BFM Bourse) - Le spécialiste de la relation client externalisée a tenu mercredi après-midi à New York une journée investisseurs qui a été mal reçue par les investisseurs. La cible de croissance à moyen terme n'impressionne guère les analystes, de même que celle de rentabilité.
Aux yeux du marché, TP (ex-Telepeformance) est souvent apparu comme une victime (trop?) évidente de l'essor de l'intelligence artificielle (IA). Depuis plus de deux ans, l'action est malmenée par les craintes d'un bouleversement de son modèle économique par l'IA.
Le marché a fait preuve d'une certaine exagération. Un exemple criant en atteste. En février 2024 l'action Teleperformance s'était effondrée après que la Fintech suédoise Klarna a vanté les prouesses d'un de ses outils d'IA qui aurait accompli des performances égales voire supérieures aux humains. Un peu plus d'un an plus tard, Klarna a radicalement changé de discours, reconnaissant que ses agents en chair et en os étaient nécessaires pour pallier les erreurs de l'IA en question et satisfaire ses clients.
Mercredi , TP (le nouveau nom de Teleperformance depuis février) a dévoilé une nouveau plan stratégique et des nouvelles cibles de moyen terme, avec un important virage vers l'IA.
Le groupe a ainsi annoncé qu'environ 20% des 3 milliards d'euros de flux de trésorerie qui doivent être générés entre 2026 et 2028 seront consacrés à des investissements, des acquisitions ou des partenariats dans l'intelligence artificielle.
Soit donc environ 600 millions d'euros. Dans cette optique, le groupe a annoncé mercredi le rachat de l'entreprise "Agents Only" , qui doit lui permettre de se renforcer dans les services de données liées à l'IA.
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Un plongeon qui fait mal
Cette nouvelle stratégie présentée dans le cadre d'une journée investisseurs organisée à New York n'a guère rassuré la Bourse. L'action a dévissé de 13,6% mercredi à la Bourse de Paris et elle abandonne encore 2,4% ce jeudi après-midi.
"L'équipe de direction de Teleperformance doit se sentir découragée par la réaction du cours de l'action aux annonces (…) effectuées dans le cadre de la journée dédiée aux investisseurs", cingle Royal Bank of Canada.
"Après trois années tumultueuses, où le marché a dit à la direction que l'IA allait rendre son business model obsolète, et après une préparation considérable pour présenter les capacités du groupe en matière d'IA lors de (cette) journée dédiée aux investisseurs, le marché a rejeté les projets visant à protéger l'entreprise pour l'avenir" en investissant dans l'IA, développe la banque canadienne.
"À la clôture de mercredi, plus de 700 millions d'euros avaient été effacés de la capitalisation boursière de l'entreprise, soit plus que la totalité des fond prévus pour les investissements, les partenariats (JV) et les opérations de fusions et acquisitions liés à l'intelligence artificielle sur la période 2025-2028", observe-t-elle.
La banque pense que le conseil d'administration de la société pourrait même songer à une sortie de la cote de la société, vu le peu de sympathie qui lui accorde le marché.
Si ces investissements dans l'IA peuvent paraître lourds et témoigner d'une stratégie plus défensive qu'offensive, ils n'en demeurent pas moins nécessaires.
Des doutes sur la transformation
"Aujourd'hui dans le secteur de Teleperformance (TP, donc, NDLR) aucun groupe n'a entièrement recours à l'automatisation pure, car l'IA n'est pas assez efficace et des problèmes de qualité apparaissent. On vend à la fois de l'humain et de la technologie. Teleperformance est bon dans l'humain mais le groupe doit 'upgrader' son offre dans l'IA pour résister et éviter le déclin de ses marges et de son activité", explique un analyste.
"Ce virage dans l'IA créera des barrières à l'entrée, le groupe prendra de l'avance par rapport à des concurrents plus petits qui n'ont pas les moyens de mettre autant d'argent, et il proposera une offre complète qui le mettra en confrontation avec des groupes de tech comme Capgemini", ajoute-t-il.
L'analyste souligne néanmoins que le marché se montre "dubitatif" car "ce type de transformation est forcément risqué en termes d'exécution". "Soit ils ne font rien et ils meurent, soit ils font quelque chose et le marché pense qu'ils vont se planter", résume-t-il.
Par ailleurs, certains analystes sont quelque peu déçus par les objectifs de moyen terme dévoilés par la société. TP a indiqué viser un retour à une croissance annuelle en données comparables comprise entre 4% et 6% d'ici à 2028 et une marge d'Ebita (résultat opérationnel retraité) récurrent de 15,5% en 2028. La société entend également générer en cumulé 3 milliards d'euros de flux de trésorerie entre 2026 et 2028.
"Les objectifs ne laissent entrevoir qu'une croissance modérée des revenus et un maintien de la rentabilité. En résumé, bien que TP reste opérationnelle, elle ne représente plus une histoire de croissance", regrette le bureau d'études indépendant Alphavalue.
"Bien qu'il existe des possibilités pour TP de maintenir une activité décente, le risque de menaces liées à l'IA peut dissuader ceux qui recherchent plus qu'une croissance modeste dans un scénario positif", prévient-il.
TP ICAP Midcap est passé "d'acheter" à "conserver" sur la valeur. "La transformation annoncée ne traduit ni potentiel de croissance véritablement soutenu, ni perspective de réappréciation de la marge au-delà de 2028", fait valoir le bureau d'études.
TP ICAP Midcap remarque que la cible de croissance annoncée par la société s'avère inférieure à sa moyenne historique (7,2% entre 2010 et 2019). Ce qui traduit le biais déflationniste de l'activité, les prix ayant tendance, toutes choses égales par ailleurs, a reculé dans le secteur de la relation client externalisée. "La transformation ne ramènera pas le groupe sur les standards historiques de croissance", conclut-il.
Après la tempête boursière essuyée par l'action TP, Royal Bank of Canada se montre constructive. "Les présentations sur la technologie et les applications réelles nous ont confirmé que TP dispose de la direction et des capacités nécessaires pour fournir des solutions au rythme souhaité par les clients, avec, ce qui est crucial, les recouvrements appropriés en matière de cybersécurité", souligne l'établissement. "Sur cette base, nous pensons que TP doit simplement baisser la tête et délivrer tranquillement" sa stratégie, conclut la banque.
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