(BFM Bourse) - Peugeot SA (PSA) et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) ont conclu en décembre un accord engageant en vue d'une fusion qui pourrait se concrétiser d'ici début 2021. Le protocole prévoit la distribution des rôles entre les principaux actionnaires actuels, mettant dans le même sac des intérêts parfois divergents. La recette d'un dérapage?
Peugeot SA (PSA) et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) ont conclu en décembre un accord engageant en vue "d'une fusion à 50-50 de leurs activités, pour former le quatrième constructeur automobile mondial en volumes et le troisième en chiffre d'affaires". Les deux groupes se sont donnés "12 à 15 mois" pour finaliser cette opération, qui interviendrait donc au plus tôt à la toute fin de l'année, ou plus probablement début 2021.
Depuis la signature de cet accord, le cours de FCA a perdu près de 14%, revenant pratiquement au niveau de cours précédant la révélation par Reuters fin octobre de discussions avancées en ce sens, tandis que celui de PSA a perdu 17%. La "capitalizzazione" du groupe italo-américain s'élève ainsi à 18,4 milliards d'euros, alors que PSA Peugeot-Citroën pèse 17,2 milliards.
Mais il faut préciser que FCA versera à ses actionnaires un dividende exceptionnel de 5 milliards d'euros (ce qui devrait réduire d'autant son poids en Bourse) préalablement à la fusion. Quant aux actionnaires de PSA, il est proposé de leur verser un dividende en actions via sa participation dans Faurecia (les actionnaires de PSA recevront donc automatiquement des titres Faurecia). PSA détient 46,34% du capital de l'équipementier automobile, une fraction valorisée 2,8 milliards d'euros.
Une bonne affaire pour les actionnaires de Fiat-Chrysler
Retraité de ces dividendes respectifs à venir, la valorisation implicite de FCA ressort donc à 12,4 milliards d'euros, et celle de PSA 15,6 milliards d'euros. Il apparaît donc que les actionnaires de Fiat Chrysler ne devraient pas faire une mauvaise affaire, aux niveaux de cours actuels, en réalisant une opération à 50-50 (ils auront le même poids dans l'entité fusionnée pour un apport aujourd'hui moindre).
Au sein du groupe issu d'un tel rapprochement, quatre principaux actionnaires émergent : Exor, la société faîtière cotée en Bourse de la famille Agnelli avec 14,8% des parts, Bpifrance qui représente l'Etat français (6,07%), le constructeur chinois Dongfeng Motor Group (également 6,07%), et la société d'investissement FFP, contrôlée par des descendants de la famille Peugeot avec 4,62% (étant précisé que certains héritiers détiennent des parts de PSA en dehors de cette holding).
Une machine à cash pour la famille Agnelli
Quelle sera la politique de chacun ? Sans préjuger de ses intentions au-delà de la période d'incessibilité de trois ans qui devrait s'appliquer, Exor fait figure de formidable machine à cash. La famille Agnelli-Elkann a tiré le meilleur parti possible de son ex-empire automobile en filialisant et en cédant sporadiquement des actifs, note le bureau d'études indépendant AlphaValue. Ainsi la vente de Magneti Marelli à un concurrent japonais a permis le versement de 2 milliards d'euros de dividendes exceptionnels (dont 1,6 milliard pour les Agnelli, au grand dam des syndicats). En revanche, les actionnaires familiaux ne semblent aucunement pressés de se séparer des parts (23%) de Ferrari qu'ils détiennent - après avoir scindé le constructeur automobile de luxe du reste du groupe Fiat.
Les deux actionnaires suivants, Bpifrance et Dongfeng, sont entrés au même moment au capital de PSA en 2014 lorsque le groupe était proche de couler, et s'ils se trouvent au même niveau actuellement, leurs intentions ne semblent guère converger. La participation de Bpifrance apparaît d'abord comme un moyen pour l'Etat de garder voix au chapitre en ce qui concerne le maintien des emplois dans l'Hexagone.
Des préoccupations qui paraissent bien loin de Dongfeng, sur fond de lourde restructuration de la co-entreprise Dongfeng Peugeot Citroën Automobiles (DPCA), basée à Wuhan, avec la suppression de milliers de postes et l'abandon de deux des quatre sites d'assemblage de DPCA en Chine.
Vers une sortie de Dongfeng?
La participation de Dongfeng au capital du groupe français ne semble absolument pas l'avoir aidé à redresser la barre, les ventes de Peugeot Citroën sur le marché chinois ayant commencé à flancher plusieurs années avant que celui-ci ne connaisse en 2018 sa première contraction depuis plusieurs décennies. "Peugeot est mauvais en Chine", a franchement reconnu le patron de la marque Jean-Philippe Imparato sur BFM Business.
De là à envisager à terme une sortie de Dongfeng, beaucoup font le pas, d'autant que les autorités américaines pourraient voir d'un mauvais oeil la présence d'un acteur chinois au capital d'un groupe très présent aux Etats-Unis via ses marques Chrysler, Dodge, Jeep et Ram. D'ores et déjà, il est prévu que Dongfeng cède à PSA avant la fusion un peu plus de 30 millions d'actions, qui seront annulées ensuite, ce qui ramènera à 4,5% sa part du nouveau groupe.
Aucun actionnaire ne pourra prendre le contrôle
Dans le cadre de l'accord signé en décembre, la FFP ("société foncière financière et de participation") est en fait le seul actionnaire de poids de PSA à avoir négocié la possibilité d'augmenter (de 2,5% au sein de l’entité combinée, qui siégera ou Pays-Bas, ou de 5% dans PSA) en rachetant des titres sur le marché ou à Dongfeng ou Bpifrance.
Sur ces bases, le nouveau groupe compte quoi qu'il en soit se doter d'une "gouvernance efficiente, structurée pour favoriser la performance". Le conseil d’administration sera composé de 11 membres, dont cinq seront nommés par FCA et son actionnaire de référence (dont John Elkann en tant que président) et cinq par Groupe PSA (dont le vice-président, et sachant que le futur CEO Carlos Tavares siégera en tout état de cause au conseil).
Enfin, les statuts de la nouvelle entité devrait indiquer qu'aucun actionnaire ne puisse exercer plus de 30% des droits de votes exprimés en assemblée générale - autrement dit pas question en théorie que l'un d'entre eux envisage de prendre le contrôle du groupe PSA-FCA.
L'un dans l'autre, la configuration envisagée semble donc vouloir réunir au tour de table du futur géant automobile des actionnaires de référence aux objectifs variés, pour ne pas dire divergents, tout en s'assurant que l'un ou l'autre ne pourra pas s'emparer des clés du véhicule. La tenue de route pourrait s'en ressentir...
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