(BFM Bourse) - Les craintes sur la sécurité d'emploi de l'anti-diabétique Lantus de Sanofi-Aventis, nées de la publication le 26 juin de plusieurs études dans la revue Diabetologia de l'EASD (European Association for Study of Diabetes), semblent jugulées. Reste à savoir maintenant si le rebond de l'action du groupe pharmaceutique est durable. Pascale Boyer Barresi, CFA, analyste financière du secteur pharmaceutique au sein de la banque privée suisse Bordier & Cie, nous expose son point de vue.
Tradingsat.com : Les études publiées permettaient-elles vraiment de conclure à un risque cancérigène lié au Lantus ?
Pascale Boyer Barresi : Non, aucune conclusion ne peut être tirée de ces études, qui ne mettent pas en évidence d'effets cliniques à proprement parler. Il s'agit d'une analyse de bases de données dans quatre pays - Allemagne, Suède, Ecosse ainsi que Royaume Uni - dont les résultats ne peuvent être considérés comme statistiquement viables. Pour cela, il aurait fallu répartir une même population de patients en deux bras différents, l'un portant sur l'utilisation de Lantus, l'autre sur l'utilisation d'insuline humaine. Les résultats des études publiées par l'EASD sont d'autant moins exploitables que certaines d'entre elles mentionnent des propriétés protectrices du Lantus contre le cancer… Sans oublier que l'EMEA, l'autorité réglementaire européenne, a clairement dit que ces données étaient illisibles et a recommandé que les patients sous Lantus n'interrompent pas leur traitement.
Tradingsat.com : Cette affaire risque-t-elle malgré tout d'avoir un impact sur les ventes du produit ?
Pascale Boyer Barresi : C'est probable, même si cet impact est difficilement quantifiable. Les données hebdomadaires de prescription américaines, publiées par IMS Health, vont nous donner à court terme une première indication sur l'évolution des ventes. Ce sont essentiellement les nouvelles prescriptions qui peuvent être affectées. Je doute en revanche que les patients déjà sous traitement abandonnent le Lantus. Il faut savoir que l'anti-diabétique de Sanofi-Aventis a une durée d'action de 26 heures, la plus longue sur le marché, ce qui élimine le risque d'hypoglycémie chez les patients. Le Lantus est aussi très facile à doser, beaucoup plus que son concurrent direct, le Levemir de Novo Nordisk (qui possède également une durée d'action limitée à 20 heures).
Tradingsat.com : La lourde chute de l'action Sanofi-Aventis était-elle logique ou bien disproportionnée compte tenu des risques ?
Pascale Boyer Barresi : Très excessive. Les investisseurs gardent une aversion importante au risque. Ils ont donc surréagi. Le secteur pharmaceutique est coutumier des retraits de médicaments et des arrêts d'études cliniques. Dans le cas présent, le marché a immédiatement fait le parallèle avec l'épisode Avandia, l'anti-diabétique oral de GSK discrédité il y quelques années par une méta-analyse du Dr. Nissen évoquant un risque cardiovasculaire accru. Le produit avait ensuite été réhabilité mais le trou dans les ventes n'a depuis jamais été totalement comblé. D'où l'importance de la communication en temps de crise.
Tradingsat.com : En l'occurrence, pensez-vous que Sanofi-Aventis a bien défendu son médicament ?
Pascale Boyer Barresi : Ils ont fait une mise au point très claire lors de leur conférence téléphonique de lundi. A mon sens, ils pouvaient difficilement réagir plus tôt étant donné que les études avaient été publiées vendredi soir. Sanofi-Aventis a en particulier expliqué n'avoir relevé aucun lien entre le Lantus et le développement de cancer dans ses propres bases de données. C'est important parce que leurs données sont beaucoup plus crédibles du fait qu'elles peuvent être segmentées selon certains critères choisis au préalable contrairement à celles mentionnées dans la revue Diabetologia de l'EASD.
Tradingsat.com : Pensez-vous que l'action Sanofi-Aventis peut poursuivre son rattrapage ?
Pascale Boyer Barresi : Je crois qu'il y a effectivement un bon potentiel de rebond. Le congrès de l'EASD fin septembre pourrait permettre de relativiser le récent épisode médiatique. D'autant qu'il n'est pas impossible que Sanofi y dévoile les résultats d'une autre étude, baptisée ORIGIN, qui vise à démontrer la supériorité du profil cardiovasculaire du produit. Par ailleurs, le groupe vient tout juste d'obtenir l'homologation de son médicament anti-arythmique Multaq par la FDA, un potentiel blockbuster (pic de ventes estimé à plus d'EUR 1.4 milliard) à très forte marge qui va pouvoir être lancé dès cet été aux Etats-Unis. Plus généralement, les nouvelles à venir devraient continuer de soutenir le titre. A commencer par la publication des résultats du premier semestre fin juillet, qui sera l'occasion d'en savoir un peu plus sur les ventes de Lantus, mais aussi sur le processus de restructuration du groupe mis en œuvre par Chris Viehbacher. Le nouveau DG vient d'ailleurs de présenter un vaste plan de réorganisation de sa recherche. Ses initiatives vont toutes dans le bon sens. Avec la réorganisation de la recherche, l'acquisition de biotechs, de fabricants de génériques et le renforcement dans les pays émergents, la stratégie de Sanofi-Aventis devient de plus en plus cohérente.
Propos recueillis par François Berthon
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