(BFM Bourse) - La hausse du cours de l'or noir reste pour l'instant limitée, à la suite de la mort du général iranien Ghassem Soleimani dans une attaque ordonnée par le président des Etats-Unis. Un mouvement sans commune mesure avec l'envolée du 16 septembre 2019 provoquée par des frappes de drone sur la plus grande usine de traitement de brut de la Saudi Aramco.
Les Etats-Unis ont annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi avoir mené sur ordre de Donald Trump une attaque en Iraq ayant tué le général iranien Ghassem Soleimani, chef des forces spéciales des Gardiens de la révolution, marquant une escalade majeure dans le conflit - latent entre les deux pays depuis le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien en 2018. Vendredi matin, le regain de tensions entraîne logiquement une hausse des cours pétroliers, mais celle-ci reste pour l'heure relativement limitée. Vers 10h15, le prix du contrat à terme sur le baril de Brent européen progresse de 3,22% (ou 2,13 dollars) à 68,38 dollars. Celui sur le baril de brut texan, le WTI, gagne 3,17% (ou 1,94 dollars) à 63,11 dollars.
Cette frappe est bien sûr liée à l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad par des manifestants pro-iraniens le 31 décembre, analyse Stéphane Déo, stratégiste à La Banque Postale Asset Management, tout en notant que la réaction des marchés reste pour l'heure "modérée", que ce soit sur le pétrole ou sur les indices actions, avec un repli limité à -0,7% sur le CAC 40 et -0,9% sur l'indice EuroStoxx50 des cinquante principales sociétés de la zone euro.
Une hausse limitée par rapport aux attaques de drones contre l'Arabie saoudite
Rien de comparable à l'envolée de 12 dollars par baril observée le 16 septembre 2019 en réaction à l'attaque de drones menées par les rebelles yéménites (attribuées à l'Iran par les Etats-Unis) contre des installations pétrolières en Arabie saoudite, qui avait momentanément amputé la production saoudienne de 5,7 millions de barils par jour. Cette flambée était d'ailleurs restée éphémère, les cours revenant en quelques jours seulement à leur niveau d'avant l'attaque grâce à un rétablissement beaucoup plus rapide que prévu de la production saoudienne et au niveau globalement élevé des stocks notamment américains.
L'aggravation cette nuit des tensions au Proche-Orient entraîne une réaction épidermique des cours pétroliers, mais si le conflit américano-iranien inquiète, les tensions ne sont pas nouvelles, observe Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC. "Il ne faut pas non plus oublier les menaces plus générales dans la région avec le feu vert du parlement turc à une intervention en Libye, ce qui ne plaît pas du tout aux pays voisins de celle-ci". Néanmoins, les opérateurs ont pris l'habitude de voir que "ces tensions n'ont que peu d'impact" sur les prix du pétrole.
Des exportations iraniennes devenues faméliques
D'une part, la production de pétrole iranienne est en retrait par rapport à ce qu'elle était il y quelques années. Le pays a cessé de faire état du niveau de sa production et le niveau des exportations n'est pas certain, même si une partie arrive vraisemblablement par des voies détournées sur le marché mondial. Alors que l'Iran exportait plus de l'équivalent de 2,5 millions de barils par jour à la veille du retrait américain de l'accord de Vienne, le rythme serait néanmoins tombé aussi bas que 100.000 barils par jour courant 2019, rapportait Reuters l'été dernier.
Une goutte d'eau par rapport au marché mondial. Pour rappel, en novembre dernier, la production mondiale de pétrole atteignait 101,36 millions de barils par jour, selon le dernier rapport en date de l'Agence internationale de l'énergie (IEA). En face, la demande de pétrole devait atteindre autour de 100,3 millions de barils par jour en moyenne sur l'ensemble de l'année 2019, selon des prévisions de l'IEA datant de juin dernier.
"Globalement, il est certain que les iraniens exportent beaucoup moins que ce que leurs capacité de production leur permettraient. De plus, le marché mondial du pétrole fait toujours face à un excédent d'offre, que l'Opep+ [pays de l'Opep et leurs partenaires comme la Russie] s'efforce d'absorber en réduisant la production", explique Jean-Louis Mourier. De sorte qu'il suffirait de rouvrir un peu les vannes pour faire à nouveau baisser les cours. En revanche, si la situation devait dégénérer en Irak, qui produit autour de 4,7 millions de barils par jour, cela pourrait avoir davantage de conséquences.
"La capacité d’absorber un choc pétrolier est très limitée"
S'il est impossible de définir un prix d'équilibre pour le brut, dans un contexte constamment influencé par la géopolitique et la conjoncture, les tarifs pétroliers sont ainsi relativement limités à la hausse par les capacités globales, à commencer par celles de l'Arabie Saoudite. "Inversement, les cours sont bornés à la baisse par le coût élevé des productions marginales comme le pétrole de schiste ou le brut extrait d'eaux très profondes en Atlantique sud. Quand les cours baissent trop, cela retire de l'intérêt à ces productions", note le spécialiste.
À ce stade, le mouvement observé sur le brut n'est pas de nature à pénaliser la dynamique économique. "Pour l’instant les 2 dollars sur le pétrole devraient rajouter 0,05 point à l’inflation et donc l’effet sur la consommation est négligeable. Pour donner un ordre de grandeur, un cours du pétrole à 80 dollars en revanche augmenterait l’inflation de 0,2 point et aurait un effet négatif de l’ordre de 0,1 point sur la consommation (sans parler d’autres effets comme l’investissement)", indique de son côté Stéphane Déo. "Dans une économie qui reste convalescente, la capacité d’absorber un choc pétrolier est très limitée", souligne ce dernier. "Les tensions au Moyen-Orient nous rappellent qu’une crise pétrolière, si elle est peu probable, constitue néanmoins un risque majeur cette année".