(BFM Bourse) - Le métal précieux a franchi les 2.400 dollars l'once ces derniers jours, et a repoussé ses records historiques à de multiples reprises, soutenu notamment par les tensions géopolitiques. Plusieurs banques ont revu à la hausse leurs prévisions sur l'or.
Indéniablement, l'or a le vent en poupe ces dernières semaines. La "relique barbare", comme la qualifiait l'illustre économiste John Maynard Keynes, a franchi récemment le seuil des 2.400 dollars l'once et évolue proche de son record historique, désormais situé à 2.431,52 (*) dollars. Depuis la mi-février, le métal précieux a bondi d'environ 20%.
Comme nous l'avons précédemment écrit, cette hausse n'est pas évidente à expliquer car un facteur technique n'a pas eu son influence habituelle: l'évolution des taux et surtout les anticipations de taux.
Plus les taux d'intérêt sont élevés moins théoriquement l'or a de l'attrait, toutes choses égales par ailleurs. Contrairement aux actions (avec des dividendes) et aux obligations (avec des coupons), l'or ne produit pas de revenus. Son cours devrait en conséquence être malmené par une hausse des taux d'intérêt, car il devient alors de moins en moins intéressant d'investir son argent dans de l'or plutôt que de le placer.
Or les rendements obligataires sont récemment remontés, le taux sur le titre de la dette américaine à dix ans ayant dépassé les 4,6% cette semaine, des niveaux qui n'avaient plus été tutoyés depuis novembre.
Cette remontée est due à la persistance de l'inflation et de la croissance américaine, qui ont amené les investisseurs à se montrer plus prudents sur les baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed). Certains intermédiaires vont même jusqu'à évoquer une absence de baisse voire un relèvement des taux.
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Banques centrales et achats physiques
Cette évolution des anticipations de taux aurait théoriquement dû pénaliser le métal précieux, ce qui n'a donc pas été le cas.
L'or a ainsi été influencé par d'autres facteurs. "Il est difficile d'identifier une seule source majeure d'achat en ce moment, ce qui suggère que les achats sont généralisés plutôt que concentrés sur un seul segment ou parmi une poignée de participants", juge UBS.
Les achats des banques centrales ont probablement expliqué en partie le récent mouvement de hausse. Selon le World Gold Council, la banque centrale chinoise a, en janvier, augmenté ses réserves d'or pour le quinzième mois consécutif, les portant à 2.245 tonnes.
Bank of America observait aussi que la demande physique en Chine (pour des pièces et des lingots, par exemple) semblait également vigoureuse. "Les ventes de bijoux et les importations non monétaires (c'est-à-dire les achats qui ne sont pas effectués par les banques centrales, NDLR) d'or ont atteint des niveaux records au début de l'année", remarquait-elle. "Dans une certaine mesure, cet intérêt reflète le manque d'options alternatives pour les investisseurs chinois, les marchés d'actions et l'immobilier n'étant toujours pas particulièrement attrayants", poursuivait la banque.
Il est possible que cet intérêt des particuliers ne se limite pas à la Chine. Selon Wells Fargo citée par CNBC la semaine dernière, le distributeur d'articles en gros Costco générerait entre 100 millions et 200 millions de dollars par mois avec la vente directe de lingots d'or dans ses magasins.
L'or a par ailleurs bénéficié de son statut de valeur refuge alors que les tensions géopolitiques se sont accentuées. Notamment au Moyen Orient, avec l'attaque le week-end dernier d'Israël par l'Iran. "Un paysage géopolitique tendu vient s'ajouter à la liste des raisons pour lesquelles les investisseurs pourraient vouloir détenir de l'or", considère ainsi UBS.
Des élections américaines et la Fed comme catalyseurs
Aussi mystérieuse que cette hausse puisse paraître , les intermédiaires financiers estiment qu'elle peut se poursuivre.
"Nous prévoyons que l'or atteindra de nouveaux sommets au cours des prochains trimestres, après une brève pause à court terme", jugeait début avril UBS. Même si la relation théorique avec les taux d'intérêt ne s'est pas vérifiée récemment, la banque suisse juge que des baisses de taux de la part de la Réserve fédérale américaine soutiendront quand même le métal précieux dans les prochains mois. Après tout, les investisseurs tablent toujours sur deux réductions de la part de la banque centrale américaine, selon l'outil Fedwatch du CME Group.
Ce qui par ailleurs affaiblirait le dollar et rendrait ainsi l'or, comme l'ensemble des matières premières, plus attrayant pour les investisseurs dont la monnaie de référence n'est pas le billet vert.
"Nous ne pensons pas que les relations macroéconomiques de l'or soient définitivement rompues", explique la banque suisse.
"Une forte augmentation des inquiétudes concernant la dette et le déficit budgétaire des États-Unis pourrait également entraîner une hausse des prix de l'or, en particulier à l'approche des élections présidentielles américaines", anticipe également l'établissement helvétique.
"L'or semble très attractif alors que le gouvernement américain s'engage plus avant que par le passé dans la voie de la pyramide de Ponzi en ce qui concerne le financement des déficits", tacle, en écho, Stephen Innes, de Spi Asset Management.
Vers les 3.000 dollars l'once
UBS n'est pas la seule banque à se monter plus optimiste sur l'or. Goldman Sachs a revu ses projections récemment et table désormais sur une once d'or à 2.700 dollars à la fin de 2024 contre 2.300 dollars précédemment, évoquant "un marché haussier inébranlable".
Comme sa consœur suisse, la banque américaine considère que les baisses de taux de la Fed et l'élection américaine constitueront des catalyseurs pour l'or.
"La majeure partie de la hausse de l'or depuis la mi-2022 a été alimentée par de nouveaux facteurs (physiques), notamment une accélération significative de l'accumulation des banques centrales des pays émergents et des achats de détail en Asie. Ces facteurs restent confirmés par les politiques macroéconomiques et géopolitiques actuelles", développe-t-elle par ailleurs.
Citi de son côté a, cette semaine, estimé que l'once pourrait même atteindre 3.000 dollars dans les six à 18 prochains mois. Ce en raison d'une demande physique vigoureuse et de son attrait comme couverture face aux risques géopolitiques, explique les analystes matières premières de la banque cités par CNBC.
"Selon Citigroup, l'or sera stimulé par l'augmentation des flux provenant des acteurs de la gestion, qui montrent déjà des signes de rattrapage par rapport à la demande des consommateurs physiques en Chine et des banques centrales. Le début d'un cycle de réduction de la Fed - ou un scénario de récession potentielle - jusqu'en 2025 donnera un élan supplémentaire à la demande d'investissement", rapporte de son côté Bloomberg.
Citi estime que la demande d'or via les fonds indiciels (ETF), qui est en berne depuis plusieurs mois, pourrait également apporter un facteur de soutien.
(*) Les cours ont été arrêtés vendredi après la clôture du marché européen.