(BFM Bourse) - Les Italiens sont appelés aux urnes ce dimanche pour des législatives qui, pour l’heure, n’inquiètent pas vraiment les investisseurs. Mais le marché sera attentif au ton adopté sur les réformes et le budget par les forces qui composeront le futur gouvernement.
L’Italie a un goût prononcé pour l’instabilité politique. Dans natixis.com/actualites/italie-une-carpe-et-un-lapin-723c-8f2fc.html">une note de mai 2018, Natixis jugeait même qu’il s’agissait d’un "sport national". Depuis 1972, une quarantaine de gouvernements se sont succédés et moins de 10 ont duré plus d’un an et demi.
Mario Draghi s’apprête à son tour à passer la main. "Son départ prive l’Italie d’un niveau inégalé de compétence et de vision", jugent les économistes d’Oddo BHF. Le président du Conseil italien avait démissionné en juillet ouvrant la voie aux élections législatives qui sont donc organisées ce dimanche 25 septembre. Si le scrutin n’a lieu que sur une journée, les Italiens pourraient attendre des jours voire des semaines pour connaître l’identité du gouvernement succédant à celui de "Super Mario".
Historiquement, la formation d’un nouvel exécutif italien prend entre 24 jours et 89 jours après le vote, relève Barclays, même si la banque britannique estime que l’urgence de la situation – notamment l’élaboration du budget pour 2023 – devrait pousser pour aller vers le bas de cette fourchette.
Le spread comme grand baromètre
Comme souvent plusieurs actifs seront à guetter lundi, au lendemain des résultats de ce scrutin. "La mesure du risque dû au résultat des élections italiennes sur le marché se fera via trois baromètres. Le premier et le principal sera le spread, c’est-à-dire l’écart de taux entre les obligations souveraines italiennes et allemandes à 10 ans. L’euro pourrait éventuellement réagir, même s’il est influencé par de nombreux autres facteurs. Enfin il faudra surveiller les marchés actions, notamment les banques italiennes", développe Vincent Juvyns, stratégiste Europe chez JPMorgan Asset Management.
Si les précédents scrutins, notamment celui du printemps 2018 qui avait abouti à une coalition de droite jugée eurosceptique, ont pu donner des sueurs froides au marché, c’est pour l’heure bien moins le cas. Le rendement des obligations italiennes à 10 ans a dépassé au cours de ce mois la barre des 4% pour la première fois depuis 2013. Mais un mouvement similaire s’est opéré sur les dettes des autres pays de la zone euro. Si bien que le spread entre la dette à 10 ans de l'Italie (le BTP) et celle de l’Allemagne (le Bund) est resté plutôt stable au cours de l’été, relève Goldman Sachs.
"Pour l’heure il n’y pas de grand stress sur les taux italiens lié à l’élection à venir mais le contexte reste fébrile", juge de son côté Vincent Juvyns.
"Quoique plus bas que lors des crises passées, le spread BTP-Bund est à un niveau préoccupant", tranchent de leur côté les économistes d’Oddo BHF. "Cela traduit une double incertitude, d’abord sur les décisions du prochain gouvernement italien (possibles divisions au sein de la coalition), et sur la résolution de la Banque centrale européenne à utiliser le TPI ["Transmission Protection Instrument", un outil dont la BCE s’est dotée pour lutter contre la fragmentation monétaire, c’est-à-dire la divergence des conditions de financement dans la zone euro, NDLR] en cas de stress beaucoup plus marqué", juge-t-il.
Giorgia Meloni en pole position
Les sondages arrêtés depuis le début du mois donnaient une nette avance et une majorité claire à un bloc de trois partis de droite. Cette coalition serait formée par Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), qui est dirigé par Giorgia Meloni, la Ligue du Nord et Forza Italia, le parti fondé par Silvio Berlusconi.
"Fratelli d’Italia domine largement ses deux alliés" ce qui devrait propulser "Giorgia Meloni au poste de président du Conseil", estime Oddo BHF. "Bien que son parti ait ses racines à l’extrême droite et un penchant eurosceptique, les vues exprimées durant la campagne n’avaient rien de radical", considère l’intermédiaire financier.
Giorgia Meloni "bénéficie du désarroi de la population, des entreprises, face à la montée des prix de l'énergie", complète Denis Delespaul, président de la Chambre de commerce et d'industrie France-Italie, interrogé vendredi sur BFM Business. Ce dernier se dit "sûr" que la dirigeante politique "mettra un peu d'eau dans son vin" si elle arrive au pouvoir.
Selon les économistes d'Oddo BHF, la coalition de droite "semble prête à inscrire son action dans la suite de Draghi sans en avoir la crédibilité".
Barclays estime que dans le cas où cette formation regroupant trois partis arriverait au pouvoir, le spread BTP-Bund ne devrait pas connaître de mouvement significatif dans la mesure où il s’agit du résultat attendu par les acteurs de marché.
Le sérieux budgétaire sera de rigueur
Il faudra néanmoins surveiller le ton qu’adopteront les vainqueurs du scrutin -quels qu’ils soient- vis-à-vis de leur relation avec l’Union européenne et sur les questions budgétaires alors que l’endettement du pays se situe à environ 150% de son PIB. "Dans un environnement de hausse des taux, la question de la soutenabilité de la dette peut se poser", jugent Oddo BHF.
"La situation financière de l’Italie reste peu évidente, dans un contexte de remontée des taux généralisé. Le pays bénéficie toutefois des fonds du plan de relance européen NexGenerationEU qui finance des investissements structurels, en contrepartie de réformes du secteur productif et de mesures prises pour accélérer la transition énergétique", rappelle Vincent Juvyns.
"Le futur gouvernement devra ainsi s’efforcer de poursuivre les réformes structurelles, comme l’avait fait le gouvernement Draghi, et faire preuve de sérieux budgétaire au risque, dans le cas contraire, de froisser le marché et d’augmenter le spread de la dette italienne", conclut-il.
A voir donc comment les investisseurs réagiront dans les prochains jours. Goldman Sachs rappelle que le FTSE MIB, le principal indice actions de la Bourse de Milan, a par le passé atteint des pics de volatilité durant les semaines suivant les législatives.